Le président français a décidé mercredi de « déclarer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie » après des émeutes au cours desquelles quatre personnes ont été tuées dont un gendarme qui avait été grièvement blessé par balle à la tête mercredi. Ce dernier est mort des suites de ses blessures jeudi 15 mai. « Toutes les violences sont intolérables et feront l’objet d’une réponse implacable pour assurer le retour de l’ordre républicain », a ajouté la présidence française à l’issue d’une réunion de crise du Conseil de défense et de sécurité nationale consacrée à la situation de cet archipel français du Pacifique Sud. « Le président de la République a rappelé la nécessité d’une reprise du dialogue politique », a-t-elle précisé.
Emmanuel Macron avait condamné mercredi le « caractère indigne et inacceptable » des violences survenues en Nouvelle-Calédonie autour de la réforme du corps électoral et appelé toutes les parties au « calme ». « Les choix des anciens et l’histoire de la Nouvelle-Calédonie imposent à chacun aujourd’hui de condamner toutes ces violences sans ambiguïté et d’appeler au calme alors que les discussions sur l’avenir doivent reprendre », écrit le président français dans un courrier aux représentants de Nouvelle-Calédonie.
Gabriel Attal avait annoncé mercredi le déploiement de militaires « pour sécuriser » les ports et l’aéroport de Nouvelle-Calédonie, confrontée à une vague de violences, ainsi que l’interdiction du réseau social TikTok. « Des militaires des forces armées sont déployés pour sécuriser les ports et l’aéroport de Nouvelle-Calédonie », a indiqué le Premier ministre en ouverture d’une cellule interministérielle de crise au ministère de l’Intérieur.
Louis Le Franc, haut-commissaire sur ce territoire, qui avait demandé le renfort de l’armée pour protéger l’aéroport de Nouméa, a pour sa part « annoncé un couvre-feu et interdit TikTok », a précisé G. Attal.
L’Assemblée nationale française a adopté dans la nuit de mardi à mercredi le projet de réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie, décrié par les indépendantistes, sur fond de fortes violences dans l’archipel. Après les sénateurs, les députés ont adopté le texte du gouvernement par 351 voix contre 153. La réforme devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles, mais E. Macron a promis qu’il ne le convoquerait pas «dans la foulée» de ce vote, pour laisser une dernière chance aux discussions entre les parties locales.
Sur place, la population comme les autorités craignent une poussée de violence et peut-être le basculement du reste de la Nouvelle-Calédonie, jusqu’ici épargnée par les émeutes dans la violence.
Sonia Backès, présidente de la province Sud, réclame d’ailleurs l’état d’urgence et l’intervention de l’armée aux côtés de la police et de la gendarmerie. « Sans une intervention massive, nous perdrons le contrôle de la Nouvelle-Calédonie » assure-t-elle. Depuis le début des émeutes, qui ont déjà fait « des centaines » de blessés, dont plus de cents policier et gendarmes, selon G. Darmanin, des dizaines d’entreprises et commerces ont été incendiés. Dans l’après-midi de mercredi, des émeutiers armés se sont dirigés vers les dépôts de carburants et de gaz, où a été envoyé le Raid intervenir sur place.
Malgré l’instauration d’un couvre-feu dans l’agglomération de Nouméa mardi dès 18h locales (9h à Paris, 7h TU), les actes de vandalisme y ont repris de plus belle dès la nuit tombée. Deux personnes sont mortes durant ces violences, a annoncé L. Le Franc, haut-commissaire de la République, mercredi. « Des trois blessés admis aux urgences, il y en a un qui est mort, victime d’un tir par balle. Pas d’un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre », a déclaré le représentant de l’État devant la presse, sans donner d’autres détails. Au terme de la nuit de mardi à mercredi, Louis Le Franc a également fait état de « graves troubles à l’ordre public […] toujours en cours », dont de « nombreux incendies et pillages de commerces et d’établissements publics ». Et ce, en plus des 140 interpellations depuis le début des violences, les plus graves depuis celles, meurtrières, des années 1980. « Plusieurs dizaines d’émeutiers ont été placés en garde à vue et seront présentés à la justice », a précisé le Haut-commissariat de la République dans un communiqué.
Les pillages et les affrontements avec les forces de l’ordre se poursuivent même en pleine journée et ils touchent l’ensemble de la capitale
Les appels au calme se sont multipliés. De la part des indépendantistes du Front de libération kanak socialiste (FLNKS), du président indépendantiste du gouvernement et même de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), celle-là même qui a lancé la mobilisation. Mais les émeutiers sont extrêmement jeunes et semblent incontrôlables. Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du Raid (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. D’autres renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel, selon G. Darmanin. Cinquante membres du GIGN vont être envoyés en Nouvelle-Calédonie d’ici à la fin de la semaine, a précisé une source proche du dossier, ce qui portera à une centaine les effectifs de l’unité d’élite de la gendarmerie dans l’archipel.