Le Kremlin a indiqué, jeudi 23 janvier, ne voir « rien de particulièrement nouveau » dans les récents propos du président américain sur le conflit en Ukraine et ses menaces de nouvelles sanctions contre la Russie, mais a assuré être ouvert au dialogue. « Nous ne voyons rien de particulièrement nouveau », a répondu Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin à des journalistes l’interrogeant sur les déclarations de D. Trump qui a notamment menacé mercredi la Russie de nouvelles sanctions faute d’accord rapide avec l’Ukraine, rapporte l’AFP. « Nous restons prêts au dialogue, à un dialogue sur un pied d’égalité et dans le respect mutuel », a ajouté D. Peskov.
Le 21 janvier, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, D. Trump a averti que la Russie pourrait être confrontée à des sanctions plus sévères si le président V. Poutine ne participait pas à des négociations de paix concernant la guerre en Ukraine. « Cela semble probable », a répondu D. Trump lorsqu’une journaliste l’a interrogé sur l’éventualité de nouvelles sanctions si V. Poutine ne « s’assoie pas à la table pour négocier avec vous ».
Bien qu’il n’ait pas détaillé les mesures envisagées, il a insisté sur l’urgence de reprendre les discussions entre Moscou et Kiev. Le président américain a exprimé sa volonté de dialoguer directement avec les parties concernées, déclarant qu’il était prêt à rencontrer « à tout moment » V. Poutine. « Nous allons parler avec Zelensky et avec le président Poutine très bientôt, et nous verrons comment tout cela se passe » a-t-il ajouté.
D. Trump a également affirmé que Volodymyr Zelensky lui avait clairement fait part de son souhait de parvenir à une paix durable, mais a rappelé que « cela nécessite des efforts des deux côtés ». Concernant l’envoi d’armes supplémentaires à l’Ukraine, D. Trump a indiqué que son administration « examinera la question », tout en critiquant le déséquilibre des contributions financières entre les États-Unis et l’Union européenne. « Nous sommes là pour 200 milliards de dollars de plus que l’Union européenne. Je veux dire, sommes-nous stupides ? Je suppose que la réponse est oui », a-t-il lancé.
Le président américain a également évoqué un appel récent avec Xi Jinping, au cours duquel il aurait demandé au président chinois de jouer un rôle actif dans la résolution du conflit. « Je lui ai dit qu’il devait régler cette question. Il a beaucoup de pouvoir, comme nous avons beaucoup de pouvoir », a-t-il affirmé. De son côté, avant le 20 janvier, V. Poutine avait déjà salué l’intention déclarée de D. Trump de rétablir les liens entre Moscou et Washington. Lors d’une réunion du Conseil national de sécurité russe, le maitre du Kremlin a rappelé que son pays restait ouvert à un dialogue basé sur « l’égalité et le respect mutuel ». D. Peskov a également indiqué que Moscou n’avait pas encore reçu de contact direct de l’administration Trump pour organiser un éventuel appel téléphonique ou une rencontre. Selon Iouri Ouchakov, conseiller en politique étrangère de V. Poutine, la Russie « suit avec attention les rapports des médias selon lesquels Trump aurait demandé à son équipe de prendre contact avec Moscou ». D. Trump a également exprimé sa volonté à « empêcher une Troisième Guerre mondiale » et à parvenir à une résolution rapide du conflit ukrainien. Une position que V. Poutine a qualifiée de « pragmatique et nécessaire ».
Le jeu de Berlin
En attendant, l’Allemagne entame des discussions sur des mesures européennes plus strictes en réponse aux supposées « menaces hybrides » de la Russie en Europe, proposant d’étendre les sanctions et de « limiter l’accès à l’Europe » aux diplomates russes a rapporté mercredi 22 janvier Politico, citant le ministère allemand des Affaires étrangères. Selon ce dernier, Annalena Baerbock, cheffe de la diplomatie allemande, a fait circuler des propositions en vue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE prévue la semaine prochaine « dans le but d’ouvrir la voie à des mesures coordonnées ». Politico a cité comme exemple d’« attaques hybrides » les dommages causés aux câbles sous-marins, dont la responsabilité avait été imputé à la Russie par A. Baerbock. Pourtant, comme le révélait le 19 janvier le Washington Post, un consensus émergerait au sein des services de sécurité américains et européens selon lequel ces ruptures de câbles « sont probablement le résultat d’accidents maritimes plutôt que d’un sabotage russe ».
L’Allemagne a procédé au déploiement de deux systèmes de défense antiaérienne Patriot dans l’aéroport de Jasionka, dans l’est de la Pologne, plate-forme essentielle pour l’aide militaire et humanitaire occidentale à l’Ukraine, a annoncé jeudi le ministère polonais de la Défense. Wladyslaw Kosiniak-Kamysz,
vice-premier ministre et ministre de la Défense polonais, a souligné l’importance de l’aéroport lors d’une conférence de presse conjointe avec Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense. Plus de 90 % de l’aide destinée à l’Ukraine transite par Jasionka. « Il est très important que nous nous soutenions mutuellement au sein de l’alliance », a déclaré W. Kosiniak-Kamysz. Et de souligner que « les pays sont en sécurité lorsque trois principes sont respectés : la force de la société, la force de sa propre armée et la force de l’alliance ». Le responsable a également indiqué que l’Allemagne envisageait de déployer des avions de combat Eurofighter pour patrouiller dans les espaces aériens polonais et roumain, renforçant ainsi les capacités de défense régionale de l’OTAN. « La Pologne et l’Europe sont plus sûres aujourd’hui grâce à l’efficacité de l’OTAN », a-t-il déclaré, ajoutant que « la liberté a besoin de la force de l’alliance, de soutien et de détermination. »
Selon Politico, les mesures proposées par Berlin comprennent des sanctions contre les navires de la « flotte fantôme » de la Russie. La diplomatie allemande prévoit également de collaborer avec des entreprises privées pour « tester régulièrement les infrastructures critiques » afin de « prévenir d’autres attaques ». Berlin préconiserait une stratégie de communication plus « proactive », y compris la déclassification d’informations des services de renseignement pour « attribuer ouvertement la responsabilité des attaques hybrides à la Russie », ce qui, comme l’a noté l’hebdomadaire bruxellois, « a été difficile dans le passé ». En novembre 2024, les ministres des Affaires étrangères de six pays européens – Allemagne, Espagne, France, Italie, Pologne et Grande-Bretagne – avaient notamment accusé la Russie d’intensifier ses « activités hybrides » dans les pays de l’OTAN et de l’UE dans une déclaration commune. Les ministres occidentaux avaient également condamné la Russie pour son « révisionnisme » et son « refus constant de mettre un terme à l’agression et d’engager des négociations significatives » ainsi que ses liens avec l’Iran et la Corée du Nord. En conséquence, ces chancelleries avaient appelé au renforcement du soutien militaire, économique et financier à Kiev, et salué l’octroi d’un prêt de 50 milliards de dollars par le G7.
V. Poutine a déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à négocier avec l’Ukraine, mais en gardant à l’esprit les intérêts de Moscou. À l’été 2024, il a posé comme conditions préalables à des négociations le retrait des troupes ukrainiennes des régions des républiques populaires de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL) ainsi que les régions de Zaporojié et de Kherson, la reconnaissance de ces quatre régions et de la Crimée comme territoires russes, ainsi que la renonciation de l’Ukraine à rejoindre l’OTAN. V. Zelensky avait de son côté considéré ces conditions comme un « ultimatum » à la « Hitler », insistant sur la mise en œuvre de sa « formule de paix », qui contient une demande de retrait des troupes russes jusqu’aux frontières de 1991. Moscou rejette la possibilité de négociations sur la base de cette formule. Dans le même temps, la Russie dénonce l’aide militaire apportée par l’Occident à l’Ukraine, insistant sur le fait qu’elle ne peut que prolonger le conflit, sans pour autant en modifier l’issue.