Réagissant à cette affirmation de J.M. Alvares, J. Vivas a offert « l’entière collaboration » de son cabinet « pour la gestion matérielle desdites douanes et a demandé que des voies de communication fluides soient établies entre les deux administrations et les opérateurs économiques ». Ce sujet de la douane a été également au centre des discussions, tenues lundi, entre J.M. Albares et Edouardo de Castro, président de Melilla, indique un communiqué du ministère espagnol des Affaires étrangères.
Pour rappel, la déclaration conjointe publiée au terme du sommet Maroc-Espagne a réitéré l’engagement des deux parties à continuer d’« avancer de façon ordonnée de la pleine normalisation de la circulation des personnes et des marchandises, y compris des dispositifs appropriés de contrôle douanier et des personnes au niveau terrestre et maritime. Elles tiennent compte des conclusions du test pilote du 27 janvier dernier. Elles poursuivront cette série de tests sur le calendrier accordé pour dépasser les contraintes éventuelles ». De quoi fonder le chef de la diplomatie espagnole dans ses assertions d’autant plus que la question de la rétrocession des Présides et des iles qui s’y rattachent n’a pas été officiellement exigée par le Maroc.
En Espagne, l’affaire continue à nourrir les spéculations. Juan Carlos Domingo Guerra, général espagnol, assure dans son dernier opus « Soldats » que la récupération par le Maroc des Présides est « une question de temps ». Il précise dans des déclarations à La Razon que Rabat va répéter « le coup qui a déjà bien marché avec le Sahara » en 1975 lors de la Marche verte.
Les revendications marocaines de récupérer les deux villes « ne sont pas mortes », malgré la nouvelle étape dans les relations entre Rabat et Madrid, a-t-il souligné.
Outre les « ambitions du nationalisme marocain de constituer le Grand Maroc », le haut gradé explique que Sebta et Melilla « ne sont pas bien défendues » en raison « d’une anomalie dans le système de sécurité et de défense espagnol ». A ce facteur s’ajoutent les « doutes portant sur la solidarité des alliés en cas d’attaque marocaine, car la direction de l’OTAN est assurée par les Etats-Unis qui considèrent le Maroc comme un allié privilégié ».
Le gouvernement espagnol avait échoué, fin juin, de convaincre les 30 membres de l’Alliance atlantique, lors du sommet de l’OTAN organisé à Madrid, d’intégrer les Présides dans son champ d’action. Mettre les deux présides sous la protection de l’organisation « est une décision politique [et] doit donc être prise par consensus par tous les alliés au sein du conseil de l’organisation », avait souligné Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN.
La position défendue par le général à la retraite dans son livre est partagée par d’autres hauts gradés. Le Maroc est une « menace directe » contre l’Espagne, avait affirmé Fernando Alejandre, général et ancien chef des armées, de 2017 à 2020, dans son livre « Le Roi servi et la patrie honorée », publié en mars 2022. A ses yeux, le Maroc concrétisera ses menaces « le moment venu », mais avant d’entrer dans un conflit armé conventionnel, le royaume lancera des opérations hybrides, tels que les assauts aux frontières. Le général avait, d’ailleurs, mis en garde contre « une menace sérieuse » qui ne doit pas être prise à la légère.
L’actuel chef des armées, l’amiral Teodoro López Calderón n’adhère pas, du moins publiquement, à cette version. « Le Maroc ne constitue pas une menace pour Ceuta et Melilla », avait-il indiqué, en novembre 2021 à l’occasion de sa participation à une conférence à Madrid. Toutefois, il avait reconnu qu’il y a des actions de la part de Rabat entrant dans le cadre de ce qui est appelé « zone grise », citant particulièrement la crise migratoire de mai 2021 lors de l’exode de milliers de Marocains vers Sebta.
L’actuel gouvernement espagnol prend au sérieux les positions exprimées par des généraux à la retraite. Margarita Robles, ministre de la Défense, s’est rendue en novembre à Sebta et en janvier à Melilla. Des visites qui intervenaient dans le sillage de l’annonce de l’inauguration par les Forces armées royales (FAR) d’un nouveau commandement militaire à Al Hoceima. Elle avait assuré, en décembre 2021, que « la présence militaire actuelle à Ceuta et Melilla est suffisante ». L’Exécutif que préside Pedro Sanchez a, par ailleurs, consacré en septembre 2022, un budget de 22 millions euros pour blinder les réseaux de communications déployés dans les Présides.
Le Maroc avait demandé en août 1975 d’inscrire Sebta et Melilla sur l’agenda de la 4e Commission de l’ONU chargée de la décolonisation et des questions politiques, sans suite. En 2015, le gouvernement espagnol, dirigé alors par Mariano Rajoy du Parti Populaire, avait redouté une nouvelle saisine des Nations unies par Rabat. Si rien n’a été fait du côté de Rabat, la revendication marocaine n’est pas de nature à être frappée de caducité.