Ces frappes, rapportées par ABC ou Fox News, sont intervenues peu après que Joe Biden a présidé une cérémonie solennelle d’accueil sur le sol américain des dépouilles de ces trois militaires, tués dimanche près de la frontière syrienne.
Six combattants pro-Iran ont été tués vendredi dans des frappes menées « probablement » par les Etats-Unis dans l’est de la Syrie, a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Rami Abdel Rahmane, directeur de cette ONG, a déclaré à l’AFP que les frappes avaient été « probablement menées par les Etats-Unis ». A Washington, des médias ont fait état de frappes américaines en Syrie.
Le porte-parole du gouvernement irakien a démenti toute coordination préalable avec les forces US dans les frappes qu’elles ont menées à l’aube de vendredi contre des sites en Irak et en Syrie. « L’administration américaine a commis une nouvelle offensive contre la souveraineté de l’Irak », a déclaré Bassem al-Awadi, assurant que des sites des forces de sécurité irakiennes dans les régions de Akacha et al-Qaem « ont été bombardés dans les raids aériens américains, ainsi que des endroits civils avoisinants ». Il a assuré que ces frappes « ont tué 16 personnes dont des civils et blessé 25 autres, et causé des dommages dans les bâtiments résidentiels et les biens des gens ».
Le Pentagone a pour sa part, indiqué que les frappes US ont visé des centres de commandement et de renseignement, ainsi que des infrastructures de stockage de drones et de missiles « qui ont permis les attaques contre les forces américaines et de la coalition ».
B.Al-Awadi a accusé les Etats-Unis de « tromperie et de falsification des faits en annonçant une coordination préalable pour commettre cette agression, ce qui est une fausse affirmation visant à tromper l’opinion publique internationale, et à éluder la responsabilité légale pour ce crime rejeté conformément à toutes les lois internationales ». Le responsable irakien répondait aux déclarations à l’AFP de la Maison Blanche selon laquelle les Etats-Unis avaient « prévenu le gouvernement irakien avant les frappes ».
Selon B. al-Awadi, « la frappe américaine entraine la situation sécuritaire en Irak et dans la région vers le bord du gouffre et s’oppose aux efforts déployés pour consacrer la stabilité nécessaire » et de rappeler que « l’Irak refuse que son territoire devienne le terrain de règlements de compte et tous devraient en être conscients ». Et de conclure que « la présence de la Coalition internationale, qui est sortie de sa mission à laquelle elle a été mandatée, est devenue une source de menace pour la sécurité et la stabilité en Irak et l’alibi pour impliquer l’Irak dans des conflits régionaux et internationaux ».
Selon le commandement des opérations des Forces de mobilisation populaires, al-Hachd al-Chaabi, dans la province d’al-Anbar à l’ouest de l’Irak, il y a eu 16 martyrs et 25 autres blessés dans la brigade 13 al-Tofouf de cette province. Sur les 7 sites où 85 cibles ont été frappées, trois se trouvent en Irak et 4 en Syrie, a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche,.
Un communiqué de l’armée syrienne a indiqué que les frappes américaines ont ciblé plusieurs positions et localités dans les régions orientales syriennes, à proximité de la frontière avec l’Irak. Assurant qu’il y a eu des martyrs et des blessés parmi les civils et les militaires. Selon le texte, la région frappée est la même où l’armée syrienne pourchasse les restes des groupuscules affiliés à Daech. « Ce qui atteste que les Etats-Unis et leurs forces militaires sont impliquées et sont les alliées de ce groupuscule et œuvrent pour le resusciter aussi bien en Syrie qu’en Irak ».
Le texte de l’armée syrienne a de nouveau vilipendé la présence des forces US sur le territoire syrien estimant que « l’occupation par les forces américaines de parties du sol syrien ne peut se poursuivre ». Les Etats-Unis disposent d’une douzaine de bases militaires dans le nord et le nord-est syrien. Elles sont illégales au regard du droit international car sans autorisation de la part des autorités de Damas.
Le ministère syrien des AE a quant à lui averti que « les offensives américaines contre la Syrie attisent le conflit au Moyen-Orient d’une manière extrêmement grave ».
Washington menace
« Nous ne voulons plus voir une attaque de plus contre des positions ou des militaires américains dans la région », a déclaré John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche. « Notre riposte a commencé aujourd’hui. Elle continuera selon le calendrier et aux endroits que nous déciderons », a par pour sa part indiqué Joe Biden, le président américain.
Depuis la mi-octobre, en soutien à la bande de Gaza, en proie à une guerre israélienne sanguinaire, avec le soutien des Etats-Unis, plus de 165 frappes de drones et tirs de roquettes ont visé les forces US déployées en Irak et en Syrie, mais aucun militaire américain n’avait été tué, jusqu’à l’attaque de dimanche en Jordanie.
Joe Biden, en campagne pour un second mandat, était sous intense pression pour répondre à leur mort, a précisé l’AFP. « Les Etats-Unis ne veulent de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde. Mais que ceux qui veulent nous faire du mal le sachent bien : si vous touchez à un Américain, nous répondrons », a encore indiqué dans un communiqué le président américain.
L’exécutif américain avait déjà fait savoir auparavant que les représailles seraient multiples et étalées dans le temps, contre des cibles différentes. Les frappes ont duré trente minutes environ et a été « un succès », a indiqué la Maison Blanche, qui a assuré à nouveau ne pas vouloir d’une « guerre » avec l’Iran.
Nasser Kanaani, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a condamné les frappes US les qualifiant « d’aventure et d’une autre erreur stratégique qui aboutira à l’escalade des tensions et a l’instabilité dans la région ». Il n’a pas indiqué si des Iraniens ont été tués dans les frappes.
Après ces frappes, la Résistance islamique en Irak a revendiqué des tirs sur la base américain Harir à Erbil dans le nord de l’Irak à l’aide de drones. Dans un communiqué, elle a assuré qu’elle poursuivra « sa lutte contre les forces d’occupation américaines en Irak et dans la région et en riposte aux massacres commis par l’entité sioniste contre nos gens à Gaza » Elle a aussi bombardé samedi la base Kharab al-Jir, en Syrie, également avec des drones.
Selon Al-Jazeera, les groupes irakiens ont également affirmé avoir attaqué avec « plusieurs drones et missiles » la base américaine d’Al-Tanf en Syrie à la frontière jordanienne, ainsi que la zone de Green Village dans l’est du territoire syrien, à la frontière irakienne. « Toute frappe [américaine] entraînera une réponse appropriée», a averti dans un communiqué Akram al-Kaabi, chef d’Al-Noujaba, groupe armé qui fait partie de la nébuleuse de combattants de la Résistance islamique en Irak. Le mouvement des Al-Noujaba, une faction irakienne des Hachd al-Chaabi, a assuré qu’il va lui aussi riposter.
La Résistance islamique au Liban a condamné les frappes US en Irak et en Syrie assurant qu’elles « révèlent que les Etats-Unis mentent lorsqu’ils prétendent qu’ils ne veulent pas étendre le conflit dans la région alors qu’il agit tout le contraire en contribuant à attiser le conflit et les tensions et à provoquer des guerres dans la région ».
Moscou dénonce
La diplomatie russe a fermement condamné samedi les frappes menées la veille par les forces américaines en Irak et en Syrie. Des bombardements qui constituent un « nouvel acte flagrant d’agression américano-britannique contre des États souverains », a dénoncé dans un communiqué Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe. Des frappes qui, aux yeux de la diplomatie russe, « ont démontré une fois de plus au monde la nature agressive de la politique américaine au Proche-Orient et le mépris total de Washington pour le droit international », ainsi que « leur obsession à créer des foyers de tension depuis la Finlande jusqu’au canal de Suez, de la Libye à l’Afghanistan ». « Il est évident que les frappes aériennes sont spécifiquement conçues pour attiser davantage le conflit » a fustigé la diplomate. « En attaquant presque sans relâche récemment des cibles de groupes prétendument pro-iraniens en Irak et en Syrie, les États-Unis tentent délibérément de plonger les plus grands pays de la région dans un conflit », a-t-elle poursuivi.
« Washington, croyant en son impunité, continue de semer la destruction et le chaos au Proche-Orient », a également dénoncé M. Zakharova. À ses yeux, « la plus grande opération aérienne américaine dans la région depuis 2003, présentée par Biden comme un « acte de représailles » à l’attaque effectuée à l’aide d’un drone d’origine inconnue contre une base américaine en Jordanie » n’a aucune justification.
Dans la nuit du 2 au 3 février, le Commandement militaire américain pour le Proche-Orient (Centcom) a annoncé avoir « frappé plus de 85 cibles » sur sept sites différents (quatre en Syrie et trois en Irak). Des frappes qui ont « impliqué plus de 125 munitions de précision », avait précisé le Centcom dans un communiqué.
Damas a dénoncé l’occupation américaine sur des pans de son territoire et Bagdad a fermement dénoncé une « violation de la souveraineté irakienne ». La diplomatie irakienne a également convoqué le chargé d’affaires américain, l’ambassadrice des États-Unis étant, selon le ministère irakien des Affaires étrangères, absente de la capitale irakienne.