Des Alpes à l’Himalaya, des calottes polaires aux Rwenzori d’Afrique, partout sur la planète, les glaciers fondent et ils fondent de plus en plus vite. Selon les scientifiques, il est déjà trop tard pour la moitié d’entre eux qui vont disparaître. Or, l’eau issue de la fonte entraîne un risque d’inondation avec l’effondrement de lacs glaciaires surchargés. Une menace pour les populations en aval.
Après la fonte vient ensuite la pénurie. « Soixante-dix pour cent de l’eau douce de la planète se trouve sous forme de neige ou de glace », rappelle l’Unesco. Une ressource inestimable pour deux milliards de personnes vivant à proximité de cours d’eau alimentés par les glaciers. Une eau qui sert également aux deux tiers des terres agricoles irriguées de la planète. Cette glace qui fond finit sa route dans l’océan, dont le niveau monte toujours plus vite. Jusqu’à un milliard de personnes vivant sur les côtes sont menacées.
Pour les préserver, quelques projets de géo-ingénierie sont testés, mais ils coûtent cher et ne font que retarder très localement un phénomène mondial. Pour les scientifiques, la seule solution est de baisser la température et donc arrêter nos émissions de gaz à effet de serre. Un chiffre résume à lui seul l’ampleur de la fonte des glaciers.
En Suisse, on estime qu’ils ont perdu 10% de leur masse rien qu’en 2022 et 2023. Des glaciers qui disparaissent, c’est, entre autres, une mémoire qui disparaît, explique Jérôme Chappellaz. Le professeur à l’EPFL de Lausanne est aussi président de la Fondation Ice Memory dont l’objectif est de conserver les carottages d’au moins 20 glaciers dans le monde. « Quand on produit un cylindre de glace d’environ dix centimètres de diamètre, on peut raconter l’histoire du volcanisme par exemple, on peut raconter l’histoire de l’activité solaire, on peut raconter l’histoire des pollutions d’origine humaine… Donc, c’est vraiment une espèce de bibliothèque naturelle », détaille le glaciologue.
Une bibliothèque pour décoder le passé et aussi préparer le futur. Les glaciers renferment des quantités de micro-organismes, dont on ne sait presque rien. Mais qui pourraient nous permettre de créer de futurs médicaments, par exemple. À condition de les sauver à temps. « On vise un glacier qui est à la frontière entre le Canada et l’Alaska où l’on a observé un réchauffement de cinq degrés dans le glacier au cours des derniers dix ans. On sait que dans une décennie, ce glacier sera devenu impropre à ce type d’études », ajoute encore J. Chappellaz. Mais où stocker ces carottes de glace ? Pas en Europe, mais en Antarctique, sur la base franco-italienne de Concordia où la température annuelle moyenne avoisine les moins 55 degrés. Une température parfaite pour créer la première banque mondiale des glaciers. Elle doit accueillir les premiers échantillons, si tout va bien, d’ici à la fin de l’année.