Après une série d’écoutes ayant mené plus de 400 entretiens, principalement avec des témoins et des victimes et qui a permis de recueillir plus de 2.800 éléments d’information, la mission a présenté son dernier rapport devant la presse à Genève.
La mission présidée par M. Aujjar a entrepris 13 missions, dont 3 au cours de la dernière période de prorogation du mandat pour établir ce rapport qui a recensé de nombreux cas de détention arbitraire, de meurtre, de torture, de viol, d’esclavage, d’esclavage sexuel, d’exécutions extrajudiciaires et de disparition forcée.
« Depuis le premier instant du cycle de l’enquête menée par la mission, le cœur de notre travail étaient les victimes et leur famille. Notre souci premier était d’écouter leurs doléances et documenter les informations en leur possession, et c’est pour cela que je voudrais commencer par adresser un mot de remerciement à ce groupe cible dans notre travail aux côtés d’autres parties », a déclaré M. Aujjar à cette occasion. Il a tenu à dire aux victimes que sans leur « courage exceptionnel dans la présentation des témoignages personnels et récit écrits », la mission n’aurait pas pu faire son travail.
Dans sa présentation, la mission a exprimé sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation des droits de l’homme en Libye, affirmant dans ses conclusions qu’« il y a des raisons de croire que les forces de sécurité de l’État et les milices armées ont commis un large éventail de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ».
Les enquêteurs ont expliqué que ces violations ont été commises contre les Libyens et les migrants dans toutes les régions de la Libye dans les centres de détention, soulignant que ces établissements sont placés sous le contrôle de la Direction de la lutte contre les migrations illégales, des garde-côtes libyens et de l’appareil de soutien à la stabilité de la Libye. Les experts ont noté en particulier qu’« il existe des motifs raisonnables de croire que l’esclavage sexuel, un crime contre l’humanité, a été commis contre des migrants ». Dans les centres de détentions officiels, les migrants sont réduits à l’esclavage a indiqué la mission, soulignant l’existence de « prisons secrètes » où des viols sont commis. M. Aujjar a rappelé en outre que ces entités ont reçu un soutien technique, logistique et financier de la part de l’Union européenne et de ses États membres, notamment pour l’interception et le renvoi des migrants.
Le communiqué de la mission présidée par M. Aujjar aux côtés d’experts internationaux en droits de l’Homme, souligne que la traite des êtres humains, l’esclavage, le travail forcé, l’emprisonnement, l’extorsion et le trafic de migrants vulnérables « génèrent des revenus importants pour les individus, les groupes et les institutions officielles, ce qui encourage la poursuite des violations ».
Enfin, la mission a souligné que les responsabilités doivent être déterminées dans ces crimes de façon urgente pour mettre fin à l’« impunité généralisée », a déclaré le chef de la mission appelant les autorités libyennes à accélérer l’élaboration d’un « plan d’action pour les droits de l’homme, une feuille de route pour une justice transitionnelle axée sur les victimes, et à demander des comptes à tous les responsables de violations des droits de l’homme ».
La mission indépendante d’établissement des faits a été établie conformément à la résolution 43/39 du Conseil des droits de l’Homme, et a été mandatée pour établir, de manière indépendante et impartiale, la situation des droits de l’homme en Libye et de documenter les allégations de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire depuis 2016.