Hannibal est une directive militaire controversée qui permet à l’armée israélienne depuis son adoption officielle en 2006, de risquer la vie des soldats capturés pour empêcher leur enlèvement et ne plus être contraint de négocier la libération de prisonniers palestiniens en échange de leur libération. Sa devise repose sur le principe « qu’un soldat mort vaut toujours mieux qu’un otage en captivité ».
Le recours à cette directive est de plus en plus suspecté après que les factions palestiniennes de la bande de Gaza ont capturé des dizaines de soldats israéliens, dont des militaires de haut rang, lors de l’opération Déluge d’al-Aqsa le 7 octobre dernier. Conscient du fait qu’ils sont disséminés dans la bande de Gaza, ceci n’a pas empêché l’armée israélienne de bombarder et de raser toutes les régions, sans aucune considération pour leur vie.
Dans une déclaration au journal Haaretz mardi, rapporte le site web arabophone de la télévision qatarie al-jazeera, le lieutenant-colonel Nof Erez, a indiqué la possibilité que l’armée israélienne soit intervenue pour faire face à l’attaque du Hamas en appliquant le protocole Hannibal. « Il semble que le protocole Hannibal ait été mis en œuvre à un moment donné ce jour-là, car lorsqu’une situation d’otages a été découverte, cela a nécessité Hannibal, sachant que les manœuvres Hannibal que nous avons menées au cours des 20 dernières années se limitaient à un seul véhicule transportant des otages. Mais ce que nous avons vu lors du Déluge d’al-Aqsa serait considéré comme un Hannibal de masse. »
Selon des informations rapportées par les médias israéliens, le lieutenant-colonel Erez a été démis de ses fonctions le 31 octobre, après avoir critiqué le Benjamin Netanyahu sur des questions politiques alors qu’il était en service actif dans l’aviation israélienne.
Un article du Haaretz a révélé, samedi 18 novembre, qu’un hélicoptère israélien a ouvert le feu sur les Israéliens participant à une fête organisée près du kibboutz Ra’im, à la frontière de la bande de Gaza, le 7 octobre dernier, alors que ce sont les combattants palestiniens qui étaient visés. Laissant planer le doute sur le recours à ce protocole même pour les civils israéliens.
Un ancien militaire israélien a confirmé l’existence de ce protocole, assurant avoir pour la première fois, entendu parler de lui lorsqu’il servait dans l’armée israélienne à la frontière avec le Liban entre 2001 et 2004. Selon Yehuda Shaul, aujourd’hui âgé de 41 ans, et qui est cofondateur de l’ONG Breaking the silence, composée d’anciens militaires israéliens appelant à la fin de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza, la directive aurait été utilisée la dernière fois en 2014 selon des fuites d’enregistrements audio militaires, bien que l’armée ait nié l’avoir utilisé.
La directive, également connue sous le nom de Procédure Hannibal ou Protocole Hannibal, est une politique militaire israélienne qui stipule le recours à la force maximale en cas d’enlèvement d’un soldat, a ajouté Y. Shaul, lors d’une interview le 3 novembre dernier avec le site web anglophone d’al Jazeera . « Vous ouvrirez le feu sans contrainte, afin d’empêcher l’enlèvement », a-t-il déclaré, ajoutant que le recours à la force s’effectue même au risque de tuer un soldat captif.
En plus de tirer sur les ravisseurs, les soldats peuvent tirer sur des carrefours, des routes, des autoroutes et d’autres voies par lesquelles les opposants pourraient emprunter un soldat kidnappé, a expliqué Y. Shaul. Selon l’activiste israélien, la directive avait été partagée oralement avec lui et d’autres commandants. « Je n’ai jamais vu de texte écrit sur les règles d’engagement », a-t-il déclaré.
Cette description concorde avec ce qui s’était passé au Liban en l’an 2000 puis en 2006, lorsque le Hezbollah avait kidnappé 3 soldats puis 2 soldats. Dans les deux situations, les avions israéliens ont été dépêchés pour bombarder les voies de leur évacuation sans prendre en compte la vie des soldats israéliens.
Se basant sur un enregistrement sonore, des médias israéliens ont accusé leur armée de l’avoir utilisé pour éliminer un militaire le lieutenant Hadar Goldin, capturé par le Hamas en août 2014.
On pense qu’il existe deux versions différentes de la directive Hannibal, l’une étant écrite est secrète et n’est disponible qu’aux plus hauts niveaux de l’armée israélienne, et l’autre une directive orale est destinée aux commandants de division et aux niveaux inférieurs.
Cafouillage mortel
Par ailleurs, un article paru lundi dans le Haaretz a fait état de plusieurs incidents de « tirs amis » entre soldats de l’armée d’occupation, au cours de l’agression terrestre israélienne contre la bande de Gaza, entraînant des morts et des blessés. Le journal a affirmé que « depuis le début des opérations terrestres dans la bande de Gaza, il y a eu plusieurs incidents au cours desquels les forces israéliennes ont ouvert le feu sur d’autres soldats de l’armée israélienne, entraînant la mort de soldats ». Et d’ajouter que « l’armée affirme que la plupart de ces tirs amis se sont produits lors de combats conjoints entre les forces blindées et l’infanterie » , et a noté que « ces incidents font l’objet d’une enquête afin d’en tirer des leçons pour l’avenir ».
Haaretz a ajouté que « l’une de ces leçons est que chaque force entrant dans le bâtiment doit indiquer son emplacement exact, et les chars doivent faire plus attention lorsqu’ils tirent sur le bâtiment. »
Les scènes diffusées par les médias israéliens de la pénétration des forces d’infanterie dans la bande de Gaza ont montré une confusion dans les rangs des soldats et une confusion au moment où ils recevaient des balles de combattants de la résistance, ce que de nombreux observateurs ont commenté sur les réseaux sociaux, y voyant la preuve que les forces de réserve engagées n’ont pas de réelle expérience en matière de guerre urbaine, ce qui pourrait conduire à une augmentation des pertes face à la résistance.
Cette réalité a forcé le porte-parole de l’armée d’occupation israélienne a reconnaitre deux décès supplémentaires survenus lors des affrontements en cours dans le nord de la bande de Gaza, portant à 387 le nombre de morts au sein de l’armée israélienne depuis le 7 octobre, selon les médias israéliens. Un bilan à relativiser au regard du bilan établi par la résistance palestinienne…