Constatant l’absence de la Russie à cette rencontre, le chef de la diplomatie russe souligne que « la justice ne peut être rendue dans aucun conflit si les droits des minorités nationales ne sont pas strictement respectés par tous », a fortiori en Ukraine, « où le Russe a toujours été la langue maternelle de la majorité », ajoute-t-il. Le ministre revient également sur le silence des capitales occidentales concernant les agissements du régime de Kiev, à ses yeux ouvertement hostiles aux russophones.
A Djeddah, les négociations se baseront sur la « formule Zelensky », plan de paix en dix points présenté par le président ukrainien en mai dernier lors du G7 à Hiroshima. Ce plan en dix points comporte notamment la réaffirmation des frontières de l’Ukraine datant de 1991, le retrait total des troupes russes, l’instauration d’un tribunal pénal international pour juger des « crimes de guerre russes », incluant des réparations, et la déclaration de la fin de la guerre. S. Lavrov regrette ainsi l’absence de discussions fondées sur les réalités du terrain, au bénéfice d’une « formule Zelensky » qui, poursuit-il, exige « ni plus ni moins que la capitulation totale de la Russie ». Et d’ajouter que ladite formule « néglige sa sécurité et abandonne à leur triste sort des millions de Russes dont les ancêtres vivent sur ces terres depuis des siècles ». « Tous ceux qui sont courtisés par l’Occident pour faire passer la « formule Zelensky » doivent être conscients que le sort de ces personnes, que le régime de Kiev promet ouvertement de détruire, est en jeu », a averti le responsable russe.
Mi-juin, lors d’une autre initiative visant à trouver une issue au conflit ukrainien, Cyril Ramaphosa, président sud-africain, avait mené une mission diplomatique africaine en Ukraine et en Russie. Lors de leur escale à Kiev, Volodymyr Zelensky avait adressé une fin de non-recevoir aux demandes des dirigeants africains. Quelques semaines plus tard, lors du sommet de l’OTAN à Vilnius, aucun processus de paix n’a été véritablement évoqué par les membres de l’Alliance, qui ont réaffirmé leur soutien militaire à Kiev.
Dossier céréalier
Dans une déclaration conjointe publiée vendredi 4 août, les sept dirigeants de l’initiative de paix africaine pour l’Ukraine et le président russe ont appelé à lever les obstacles à l’exportation de céréales et d’engrais russes. « Les dirigeants ont convenu de poursuivre le dialogue sur l’initiative de paix africaine afin d’ouvrir la voie à la paix ». Le texte appelle notamment « à des mesures concrètes pour supprimer les obstacles à l’exportation des céréales et d’engrais russes ». Ceci permettra selon eux « de reprendre pleinement la mise en œuvre de l’initiative du paquet mer Noire du secrétaire général des Nations unies, approuvée le 22 juillet 2022 à Istanbul ».
Signé sous l’égide de l’ONU, cet accord devait permettre à l’Ukraine de poursuivre ses exportations de céréales et de denrées alimentaires, mais Moscou n’a pas renouvelé mi-juillet sa signature à sa prorogation. La Russie réclame en effet, depuis des mois, le respect des clauses de ces accords la concernant, inappliqués par l’Occident. Bruxelles a accusé Moscou de faire de la nourriture « une arme ». Afin de rassurer les pays africains inquiets de voir leurs importations se tarir, le chef du Kremlin a annoncé le 27 juillet que la Russie serait en mesure d’assurer dans trois mois des livraisons gratuites de 25 à 50 000 tonnes de céréales au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Erythrée.
« Les dirigeants ont également exhorté l’ONU à prendre les mesures nécessaires pour libérer les 200 000 tonnes d’engrais russes bloqués dans les ports maritimes de l’Union européenne pour une livraison immédiate et gratuite aux pays africains », ajoute la déclaration conjointe. V. Poutine a régulièrement dénoncé ce blocage, du fait des sanctions instaurées par Bruxelles. Etaient présents lors de cette réunion à Saint-Pétersbourg le président de l’Union des Comores et de l’Union africaine Azali Assoumani et le président de la République d’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa, à l’origine de l’initiative de paix, mais aussi Denis Sassou Nguesso, président de la République démocratique du Congo, Abdelfattah Sisi, président de la République arabe d’Égypte, Macky Sall, président du Sénégal, Yoweri Museveni, président de la République de l’Ouganda, ainsi que le ministre des Affaires étrangères de la Zambie Stanley Kakubo.
Les 16 et 17 juin derniers, les membres de la mission diplomatique africaine s’étaient rendus à Kiev et à Moscou avec une proposition en dix points afin de tenter de trouver une résolution pacifique au conflit. Si V.Zelensky avait adressé une fin de non-recevoir à la proposition portée par les chefs d’Etat et de gouvernement africains, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin avait, quant à lui, déclaré que « parmi les idées proposées, certaines étaient tout à fait réalisables, selon Vladimir Poutine ». A ses yeux, « ce n’est pas aux Américains d’assurer une quelconque sécurité », balayant ainsi les propos du Secrétaire d’Etat américain.
La veille, Antony Blinken avait affirmé que les Etats-Unis feraient « tout ce qui est nécessaire » pour permettre à la Russie de poursuivre ses exportations de céréales si elle acceptait de revenir dans l’Initiative de la mer Noire. « Nous continuerons certainement à faire tout ce qui est nécessaire pour que chacun puisse exporter sa nourriture librement et en toute sécurité, y compris la Russie », avait déclaré A. Blinken le 3 août. Mais pour le Kremlin, Washington doit d’abord assurer l’application des clauses non respectées. « Les Américains doivent, s’ils le veulent, contribuer à la mise en œuvre de la partie russe de l’accord », a réitéré D. Peskov.