La Russie s’est une nouvelle fois prononcée vendredi contre toute intervention armée au Niger, estimant que l’usage de la force provoquera une « forte déstabilisation » de ce pays sahélien, où s’est produit un coup d’État il y a plus de deux semaines. « Nous pensons qu’une voie militaire de résolution de la crise au Niger pourrait conduire à une confrontation prolongée dans ce pays africain ainsi qu’à une forte déstabilisation de la situation dans l’ensemble de la région du Sahara et du Sahel », a indiqué un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.
Répondant à l’appel lancé par des organisations de la société civile soutenant le CNSP, les manifestants regroupés à la Grande Mosquée de Niamey pour la prière du vendredi, ont emprunté la route de l’aéroport en direction du rond-point Esquadrille où se trouve l’entrée du site occupé par plusieurs bases militaires nigériennes et étrangères, dont celle de l’armée française située quelques kilomètres plus loin. Les milliers de manifestants se sont ensuite rassemblés devant cette entrée gardée par un check-point des forces nigériennes. Ils ont crié des slogans hostiles à la France dont ils exigent le départ de ses 1 500 militaires.
Les slogans étaient aussi hostiles à la Cédéao. Ils reprochent à l’organisation sous-régionale d’avoir ordonné jeudi l’activation de sa force en attente pour une éventuelle opération de libération de Mohamed Bazoum, président déchu. Le nom du chef des putschistes, le général Tiani a été scandé de nombreuses fois par des manifestants. Certains faisaient flotter des drapeaux du Niger et des drapeaux russes.
Le rassemblement s’est dispersé en fin d’après-midi sans violence et sans débordement. Cette manifestation a eu lieu alors que le nouveau gouvernement du Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine se réunissait pour la première fois.
Le report de la réunion des militaires de la Cédéao à Accra intervient à l’heure où l’intervention du Sénégal, avec un gros contingent, faisait toujours débat à Dakar, comme ce fut le cas à Abuja. Une potentielle intervention militaire de la Cédéao au Niger ne fait donc pas l’unanimité. Plusieurs tribunes ont été publiées pour s’y opposer. Plus de 170 personnalités du monde politique et de la société civile ont signé celle publiée par Seneplus. « Une telle intervention serait une régression dans le cours de l’histoire » et « l’avenir immédiat du Niger doit être déterminé par les Nigériens eux-mêmes », indique la tribune signée notamment par les écrivains Felwin Sarr et Boubacar Boris Diop mais aussi par Birahim Seck, coordinateur de Transparency international à Dakar. Des politiques ont aussi signé le document comme le député Mamadou Lamine Diallo ou l’ancienne Première ministre Aminata Touré. « Toute intervention mènerait à une catastrophe dans la sous-région », commente l’ex-chef de gouvernement. « Le Sénégal n’a pas les moyens d’intervenir militairement alors que le pays a d’autres urgences à régler comme la cherté de la vie », explique la femme politique qui espère toujours qu’une solution soit trouvée par le dialogue.
Thierno Alassane Sall, député non-aligné, qui s’était déjà opposé à une intervention militaire à l’Assemblée nationale le 5 août dernier a de nouveau jugé que « la Cédéao n’a aucune base juridique pour déclarer la guerre au Niger qui n’a agressé personne et ne s’est immiscé dans aucune affaire d’État membre », estime l’ancien ministre de Makky Sall.