« Je démens ce communiqué du département d’État parce qu’il est basé sur quelque chose d’absolument faux », a affirmé jeudi le président José Raul Mulino, lors d’une conférence de presse, qualifiant la situation d’ « intolérable ». L’Autorité du Canal de Panama, qui administre le canal, avait déjà rapidement affirmé n’avoir « procédé à aucun ajustement de ces droits ».
Mercredi, c’est le département d’état US qui annoncé cette décision. « L’Etat du Panama a donné son accord pour ne plus faire payer aux navires de l’Etat américain la traversée du Canal de Panama », s’est félicité la diplomatie US sur le réseau social X, ajoutant que cela « va faire économiser des millions de dollars à l’Etat américain ». Mais l’Autorité du Canal de Panama, organisme indépendant créé par la Constitution panaméenne pour administrer le canal, a rapidement démenti. « L’Autorité du Canal de Panama, qui a le pouvoir de fixer les péages et autres droits pour le franchissement du canal, annonce qu’elle n’a procédé à aucun ajustement de ces droits », a-t-elle écrit dans un communiqué sur X. Elle a ajouté être « disponible pour établir un dialogue avec les fonctionnaires compétents des Etats-Unis concernant le passage des navires de guerre de ce pays ».
Avant même de prendre ses fonctions le 20 janvier, Donald Trump avait fait monter la pression sur le Panama, menaçant de « reprendre » le canal entre l’Atlantique et le Pacifique construit par les Etats-Unis, inauguré en 1914 et qui était resté sous souveraineté US jusqu’en 1999. Le Panama avait récupéré le canal cette année-là, en vertu d’un accord conclu en 1977 avec Jimmy Carter, président démocrate de l’époque. « Nous avons été très maltraités par ce cadeau insensé qui n’aurait jamais dû être fait. La promesse que le Panama nous avait fait n’a pas été tenue », avait déclaré D. Trump dans son discours d’investiture, en affirmant que les navires US étaient « gravement surtaxés ». « Et surtout, la Chine exploite le canal de Panama, et nous ne l’avons pas donné à la Chine, nous l’avons donné au Panama. Et nous allons le reprendre », avait-il asséné.
En visite dimanche au Panama, Marco Rubio, secrétaire d’Etat américain, avait laissé entendre que le président panaméen avait pris note des préoccupations des Etats-Unis concernant les péages imposés aux navires militaires US. Selon Washington, l’influence croissante de la Chine autour du canal menace les intérêts américains et pourrait permettre à Pékin de bloquer cette voie maritime stratégique en cas de conflit. En cause: la concession accordée depuis 1977 à une filiale du conglomérat hongkongais CK Hutchison pour exploiter les ports panaméens de Balboa et de Cristobal, aux deux entrées du canal, la voie d’eau elle-même restant administrée par l’Autorité du Canal de Panama. Hutchison Ports PPC, filiale de Hutchison Holdings, avait obtenu une première concession de 25 ans, qui a été prolongée de 25 ans en 2021. Depuis les pressions de D. Trump, la société fait l’objet d’un audit des autorités panaméennes afin de vérifier si elle respecte ses engagements financiers. Et deux avocats panaméens ont déposé une plainte demandant l’annulation de la concession.
Pendant la visite de M. Rubio, le président panaméen a en outre annoncé que son pays ne renouvellerait pas le mémorandum d’accord sur la participation du pays au projet mondial chinois d’infrastructures dit des « Nouvelles routes de la soie ». Conclu en 2017, ce mémorandum avait fait du Panama le premier pays de la région à s’associer à ce programme de Pékin. Il est renouvelé tous les trois ans par tacite reconduction, la prochaine échéance étant en 2026.
Les gouvernements américain et panaméen prévoient de nouveaux pourparlers vendredi sur le canal, par lequel transite 5% du commerce mondial et dont les Etats-Unis et la Chine sont les principaux usagers.
Pékin réagit
Pour sa part, la Chine a exhorté le Panama, mercredi, à « résister aux interruptions extérieures » concernant la coopération dans le cadre de l’initiative « Belt and Road », suite aux menaces du président américain de prendre le contrôle du canal de Panama. « Nous espérons que la partie concernée renforcera sa confiance, résistera aux interruptions extérieures et prendra la bonne décision tout en gardant à l’esprit les relations bilatérales globales et les intérêts à long terme des peuples des deux pays », a déclaré Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Lin a précisé à la presse que Pékin « s’oppose fermement et a déposé des protestations contre les États-Unis », qualifiant les commentaires de Washington de « délibérément déformés, attaquant et caricaturant la coopération concernée ».
Après sa rencontre avec le secrétaire d’État américain Marco Rubio, lundi, le président panaméen José Raul Mulino a déclaré que son gouvernement ne renouvellerait pas un accord de 2017 avec la Chine dans le cadre de l’initiative « Belt and Road », selon lequel Pékin a élargi ses investissements au Panama. J.R. Mulino a ajouté que son gouvernement envisageait de résilier l’accord plus tôt que prévu. Pékin a répondu en précisant que l’initiative se poursuivait «normalement».
La décision du Panama est intervenue après que D. Trump ait pointé une violation d’un accord avec les États-Unis concernant le canal, et a affirmé que les États-Unis reprendraient le contrôle du canal en raison de l’influence chinoise sur cette infrastructure stratégique. La Chine a réaffirmé qu’elle n’était jamais intervenue dans la gestion du canal de Panama après les menaces américaines, soulignant que Pékin « n’a pas été impliqué dans la gestion ou l’exploitation du canal de Panama ».