L’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a critiqué jeudi 28 juillet la visite à l’Elysée du prince héritier saoudien, approuvée au contraire par la députée de la majorité présidentielle Aurore Bergé au nom de la «nécessité» du «dialogue».
Pour sa première visite en Europe depuis l’assassinat en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul, M. ben Salmane est en effet reçu par la président français Emmanuel Macron pour un «dîner de travail». «Au menu du dîner entre Emmanuel Macron et MBS le corps démembré du journaliste [Jamal] Khashoggi ? Le chaos climatique ? La paix et les droits humains ? Le jour du dépassement ? Non ! Du pétrole et des armes ! L’exact opposé de ce qu’il faut faire !», a dénoncé sur Twitter l’eurodéputé EELV.
«Je crois qu’il est important que le président de la République française puisse recevoir un certain nombre de ceux qui sont de facto ses interlocuteurs […] d’autant plus dans le contexte que l’on connaît, lié à la crise ukrainienne et aux enjeux énergétiques majeurs que nous avons», a au contraire plaidé sur Franceinfo Aurore Bergé, chef de file des députés Renaissance (ex-LREM).
«Discuter avec l’ensemble des pays du Golfe me paraît une nécessité absolue, ça ne veut pas dire que vous oubliez les sujets […] qui sont essentiels en termes de valeurs et de droits de l’Homme, mais vous avez la nécessité d’entretenir évidemment un dialogue», a-t-elle ajouté. «On a besoin aussi de continuer à avoir un dialogue approfondi avec l’ensemble des pays du Golfe, et vous devez le faire, y compris évidemment avec le président saoudien», a-t-elle insisté.
Autant d’argument qui ont peu convaincu, aussi bien dans la sphère politique que chez les organisations non-gouvernementales. Sandrine Rousseau, députée Nupes, a accusé l’Elysée de cynisme, en énumérant les différentes exactions attribuées à Mohammed ben Salmane en concluant par «MAIS [il] a du pétrole DONC est reçu à l’Elysée».
Sa collègue Lisa Belluco a pour sa part pointé du doigt l’écart supposé entre l’urgence écologique et l’agenda politique d’E. Macron, s’en référant notamment au très symbolique «jour du dépassement». «A partir de ce jour l’humanité vit à crédit, consommant plus de ressources que ce que la planète est en capacité de renouveler en un an. Et pendant ce temps là, Emmanuel discute pétrole et armes avec MBS… quel sens des priorités !», s’est-elle insurgée.
Lutte ouvrière a également fustigé cette visite officielle du prince saoudien : «Macron reçoit MBS ce soir : La décapitation des opposants ? Pas grave. La guerre et la famine au Yémen ? On vend des canons. L’intégrisme ? La laïcité c’est juste pour viser les immigrés. Les discours des dirigeants français sur les droits de l’homme passent après les affaires.»
L’ONG Amnesty International a publié un fil sur Twitter énumérant également les nombreuses violations des droits de l’Homme dont l’Arabie Saoudite est accusée, mais en dénonçant aussi l’usage des armes vendues par la France, qui seraient utilisées «contre des civils au Yemen» : «Après le président émirati, au tour de Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite, de rendre visite à Emmanuel. Le Royaume de Riyad est l’un des principaux clients de la France en matière de ventes d’armes.»
«Le journaliste saoudien avait notamment appelé à rendre au royaume sa « dignité » en mettant fin à la guerre « cruelle » au Yémen, ou encore dénoncé les nouvelles vagues d’arrestations [en Arabie saoudite] consécutives à l’intronisation de MBS», a pour sa part rappelé Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué.
La fiancée de J. Khashoggi s’est elle-même déclarée «scandalisée». «Je suis scandalisée et outrée qu’Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé», a ainsi réagi Hatice Cengiz dans un message rédigé en français adressé à l’AFP.
A signaler aussi qu’une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée a par ailleurs été déposée à Paris contre « MBS ». Cette plainte de 42 pages affirme que le nouvel homme fort de Riyad «est un complice de la torture et de la disparition forcée de Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018» et qu’il «ne bénéficie pas de l’immunité de poursuite car, en tant que prince héritier, il n’est pas chef d’Etat», selon l’ONG Democracy for the Arab World Now et l’association Trial International.