« Nous sommes là pour rester. Nous resterons attachés à notre résistance, à nos droits et à notre terre », a entonné Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, depuis le Sud-Liban. Dimanche, à l’expiration du délai de 60 jours fixé pour le retrait israélien du sud du Liban, des milliers d’habitants sont entrés dans leurs villages, en dépit de l’interdiction décrétée la veille par l’armée d’occupation de retourner vers plus de 60 villages frontaliers. Ils s’étaient rassemblés au volant de leur voitures dans les entrée de ces villages, à Kfar Kila, Aïta al-Chaab, al-Khiam, Houla, Naqoura et autres. Arborant les portraits des martyrs, Sayed Hassan Nasrallah en tête, et les drapeaux du Hezbollah et du mouvement Amal, les habitants ont contourné les rues bloquées par l’armée sioniste en entrant à pied dans leurs villages à Wadi al-Hujeir, Yaroun, Kfar Kila et autres..
Les forces d’occupation ont ouvert le feu sur les gens dans plusieurs villages dont Kfar Kila, Aytaroun, Mays Al-Jabal, Markaba, Blida, al-Dahira, Houla, Bani Hayane, Chaqra, Deir Mismas, Maroun al-Ras, Tayebh, Odaysseh, Yarine et autres. Le ministère libanais de la Santé a fait état de 22 martyrs dont 6 femmes et un soldat de l’armée libanaise et de 125 blessés. Dans le village de Houla qui est toujours occupé, 2 Libanais ont été enlevés par l’armée israélienne.
Des images de défi entre les habitants du sud et les soldats de l’occupation ont fait un buzz sur les réseaux sociaux. Dans le village de Aytaroun, les chars de l’occupation tentaient en vain de terroriser les jeunes qui se moquaient d’eux. La chaine de télévision israélienne KAN a indiqué que le plus inquiétant est de voir le Libanais s’approcher de la distance zéro d’un char israélien comme à Maroun al-Ras.
Dans plusieurs villages libanais, le déploiement de l’armée libanaise a suivi le retour des habitants comme à Aïta al-Chaab, al-Dhahira près de Naqoura, à Odaysseh et Mays al-Jabal, ont constaté les correspondants sur place.
Dans ce contexte, le député du Hezbollah Hassan Fadlallah depuis Aïta al-Chaab a évoqué l’équation « Peuple-résistance-armée ». Il a affirmé que « la résistance a combattu ici jusqu’au dernier jour, le peuple libère Aïta al-Chaab et ouvre la voie à l’armée libanaise ».
Les habitants d’Aïta al-Chaab et d’autres villages ont en outre récupéré les dépouilles des martyrs qui se sont élevés pendant les combats de 66 jours contre l’occupation israélienne. À la fin de la journée, les habitants du sud ont pu entrer dans plus de 33 villages et localités. Le correspondant d’Al-Manar a indiqué que les données indiquent que ls forces israéliennes ont déserté le secteur, à l’exception de Jabal Balat. Les localités qui sont toujours occupées par l’ennemi israélien sont Kfar Kila, Maroun al-Ras, Aytaroun, Yaroun, Blida, Houla, Mays al-Jabal et Markaba. Les habitants de Maroun al-Ras ont décidé de passer la nuit dans les périphéries de leur village, à proximité des lieux où se trouvent les forces ennemies, et ils ont commencé à y installer des tentes.
En vertu de l’accord conclu le 27 novembre 2024, mettant fin à la guerre de 66 jours, l’armée d’occupation devrait avoir retiré ses troupes des zones frontalières du sud du Liban ce dimanche. Profitant de cette trêve supervisée par les Etats-Unis, la France et les Forces Intérimaires de l’Onu (FINUL), l’armée d’occupation a détruit et endommagé plus de 800 bâtiments au Liban-Sud ainsi que les rues menant aux villages frontaliers. Ce qu’elle n’avait pu faire pendant les 66 jours de l’offensive israélienne contre le Liban, grâce à la résistance féroce des combattants du Hezbollah.
Vendredi, le bureau du Premier ministre israélien a déclaré que le retrait des forces israéliennes se poursuivrait au-delà de la date limite du 26 janvier accusant des retards de déploiement de l’armée libanaise. Samedi, cette dernière a riposté en assurant que son retard est dû aux tergiversations de l’armée d’occupation qui rechigne à retirer ses troupes. Celle-ci a évacué toute la région côtière dans le secteur occidental de la frontière ainsi qu’une partie du secteur central mais occupe encore des zones dans le secteur oriental.
Ali Fayyad, député du Hezbollah, avait affirmé samedi que « les prétextes invoqués par les forces d’occupation israéliennes » visent « à poursuivre une politique de la terre brûlée » et à rendre « impossible le retour des habitants » dans le sud.
Le président Joseph Aoun a déclaré sur la plateforme X partager avec « le peuple dans le sud la joie de la victoire » et a appelé à la « retenue » et à la « confiance dans les forces armées ». Il a aussi affirmé que la « la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban ne sont pas négociables, je suis cette affaire au plus haut niveau pour garantir nos droits et votre dignité ».
Samedi, le président Aoun, a fait part lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, son homologue français, de « la nécessité d’obliger Israël à respecter les dispositions de l’accord afin de préserver la stabilité dans le sud », a indiqué samedi la présidence libanaise. Il a également insisté sur la nécessité qu’Israël « mette fin à ses violations successives, notamment la destruction des villages frontaliers (…) qui empêcheront le retour des habitants ».
E. Macron a demandé dimanche à Benyamin Netanyahu de « retirer ses forces encore présentes au Liban ». « Le président de la République a insisté auprès du Premier ministre sur l’importance que rien ne compromette les efforts des nouvelles autorités libanaises pour restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire de leur pays », a précisé la présidence française. L’Elysée n’a pas mentionné explicitement les violations israéliennes au cours desquelles l’armée israélienne a ouvert le feu sur les gens qui retournaient dans leurs villages, tant 22 personnes et blessant 125 blessées.
Nawaf Salam, Premier ministre désigné, a appelé le président J. Aoun pour suivre l’évolution de la situation dans le sud. « Je partage la pleine confiance avec le président Aoun dans le rôle de l’armée dans la protection de la souveraineté du Liban et le retour en toute sécurité de notre peuple dans le sud », a-t-il indiqué.
Nabi Berry, chef du Parlement, s’est adressé, lui, aux gens du sud-Liban. « Vous confirmez aujourd’hui à tous votre attachement national et que la terre et la dignité méritent les sacrifices les plus coûteux. Vous démontrez que la souveraineté est un acte vécu et non des slogans verbaux », a-t-il souligné. Ajoutant qu’ « Israël persiste à violer la souveraineté du Liban et à violer les termes du cessez-le-feu (…) Aujourd’hui, vous prouvez à tous que vous êtes grand dans votre appartenance nationale et que la terre, comme l’honneur, est bon marché pour les sacrifices les plus précieux ».
Nagib Mikati, Premier ministre sortant, a affirmé dans un communiqué qu’« en ce jour où les habitants du Sud meurtri ont exprimé leur attachement à leur terre et à leur identité malgré les menaces de l’ennemi israélien, nous rendons hommage à nos concitoyens qui sont fermement attachés à leur terre dans le Sud ou à ceux qui ont été contraints par l’agression à être déplacés de leur terre, en particulier ceux qui ont décidé de revenir aujourd’hui et qui ont courageusement affronté les feux de l’agression ».
« Votre patriotisme est devenu un modèle et un témoignage de sang qu’aucun droit ne se perd sans exigence », a-t-il ajouté avant d’appeler « les pays qui ont parrainé l’accord de cessez-le-feu à assumer leurs responsabilités en dissuadant l’agression et en forçant l’ennemi israélien à se retirer des territoires qu’il occupe ».
Michel Aoun, ex-président du Liban, a rappelé que « la terre appartient à ses enfants, à ceux qui l’étanchent de leur sang, à ceux qui la défendent de leur chair et de leur sang, à ceux qui sont martyrisés sur le chemin du retour ». Quant à Emile Lahoud, ex-chef de l’Etat, il a souligné de son côté que « l’équation armée, peuple et résistance restera la seule équation qui protège le Liban face à tout ennemi ».
Saad Hariri, ex-Premier ministre libanais, a affirmé s’être incliné devant les martyrs et les blessés du sud et « leur volonté face à l’occupation qui viole le cessez-le-feu ». Alors que Souleiman Franjieh, candidat à la présidentielle, a rappelé que « les habitants du Sud prouvent aujourd’hui, comme chaque jour, qu’ils sont les fils de la terre. Leur retour aujourd’hui, dans leurs villages et leurs villes, pour affronter un ennemi qui ne se respecte pas les accords, constitue le message le plus fort adressé à la communauté internationale. Cette dernière doit exercer les pressions sur Israël afin qu’il mette en œuvre les résolutions internationales ».
« Nos gens du Sud sont des héros et sont attachés à leur terre, donc ils ne perdront pas, et Israël ne pourra pas rester dans le Sud. Une attitude courageuse est souvent plus forte que les armes, et tous les patriotes libres s’y rallient. Il semble que la garantie du peuple du pays soit plus forte que la garantie de tous les pays », a écrit Gebran Bassil, chef du Courant Patriotique Libre.
Le député Elias Jradi a lui aussi affirmé que « ce qui se passe aujourd’hui est un message adressé à l’histoire et à l’État libanais. Nous ne devons pas répéter les erreurs du passé en laissant les populations du Sud seules ». Pour sa part, Cheikh Ali Al-Khatib, vice-président du Conseil suprême islamique chiite, a indiqué qu’ « il s’agit d’un jour historique écrit par les fils des villages du sud avec l’armée libanaise. Nous libérerons nos régions malgré toutes les menaces de l’ennemi et la guerre d’extermination qu’il a menée contre nous ».