Kevin McCarthy, président républicain de la Chambre des représentants, a dû trouver un accord avec les démocrates, ce qui lui a valu les foudres de la branche dure de son parti. Car l’accord trouvé par 335 voix contre 91 a été voté par une majorité des élus républicains… mais rejeté par quelques trumpistes. Une manœuvre qui risque bien de coûter son poste de leader à K. McCarthy. L’un des meneurs de la droite dure américaine a affirmé dimanche vouloir le destituer McCarthy « J’ai bien l’intention de déposer une motion pour destituer le président (Kevin) McCarthy cette semaine », a dit sur CNN Matt Gaetz, élu de Floride.
« Allez-y », a aussitôt répliqué K. McCarthy sur CBS. « Je survivrai » à cette initiative fratricide, a-t-il assuré. Pourtant, la veille du vote, K. McCarthy avait dit être conscient qu’il risquait son siège. En effet, il avait été élu à la tête de la Chambre des représentants au prix de nombreuses tractations avec le « Freedom Caucus » (groupe parlementaire « de la liberté »).
Pour l’heure, les républicains sont divisés sur cette question du budget en plus de la potentielle motion, alors même qu’ils sont déjà fragilisés par une faible majorité à la Chambre.
L’accord trouvé pour éviter in extremis le « shutdown » ne prévoit pas d’aide à l’Ukraine, mais ce texte est seulement provisoire, le temps que les élus trouvent une solution pérenne. Il faudra à nouveau voter dans 45 jours pour éviter le « shutdown ». Les trumpistes qui réclamaient la fin de l’aide à l’Ukraine l’ont obtenue. L’accord validé par le Sénat exclut en effet les 24 milliards promis par Joe Biden au pays en guerre.
Le président américain a promis dimanche que Washington n’abandonnerait pas l’Ukraine et exhorté les républicains à cesser « de jouer » avec la menace d’un « shutdown ». « Je veux le dire à nos alliés, au peuple américain et au peuple d’Ukraine, vous pouvez compter sur notre soutien. Nous n’abandonnerons pas », a déclaré l’hôte du bureau ovale dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche. « Il y a un sentiment d’urgence » à approuver une nouvelle mesure de financement pour l’Ukraine dans les jours et semaines qui viennent, a déclaré J. Biden, fustigeant les républicains qui exigent de fortes réductions dans les dépenses du gouvernement. « Trop, c’est trop. (…) J’en ai assez de la politique de la corde raide », a-t-il fustigé. « Cette politique (…) doit cesser. Il ne doit pas y avoir d’autre crise », a-t-il ajouté.
La liste des membres du « Freedom Caucus » (groupe parlementaire « de la liberté ») n’est pas publique, mais il est communément admis qu’il est composé d’une quarantaine d’élus, intégrés sur invitation. Le bloc, composé de lieutenants de D. Trump, dispose d’un pouvoir disproportionné en raison de la très fine majorité républicaine à la Chambre des représentants. Il suffit donc de quelques élus pour que le programme de la direction des républicains à la Chambre soit contesté. Le groupe avait reçu l’ordre de la part de l’ex-Président de pousser au « shutdown » à moins d’obtenir gain de cause sur « tous » les dossiers budgétaires en débat.
Le « Freedom Caucus » trouve ses origines dans le mouvement ultra-conservateur Tea Party, qui avait émergé après l’élection de Barack Obama. Rien que cette année, 19 membres ont manqué de faire échouer l’élection du président de la Chambre, K. McCarthy, et une poignée d’entre eux a provoqué une crise de la dette qui a failli mener à un défaut de paiement des États-Unis, première économie mondiale. K. McCarthy a été élu au 15ᵉ tour en janvier, lorsque ses ennemis du « Freedom Caucus » ont enfin accepté de le soutenir en échange d’énormes concessions, dont un retour à la possibilité pour les législateurs individuels de convoquer un vote pour destituer le président de la Chambre. Si ses pratiques peuvent parfois paraître déconcertantes, son but est clair : des réductions drastiques dans les dépenses et un État moins interventionniste.
Dernièrement, le groupe est parvenu à investir les plus hauts échelons du parti. Jim Jordan, l’un de ses membres fondateurs, est devenu le chef de la puissante commission des Affaires judiciaires. Il a été l’un des instigateurs de l’enquête en destitution lancée contre J. Biden.
Mais le Freedom Caucus n’est lui-même pas à l’abri des divisions. Ses membres ont ainsi voté pour exclure en juillet Marjorie Taylor Greene, fervente défenseure de D. Trump, pour avoir qualifié sa collègue Lauren Boebert de « petite salope ».
A souligner que les républicains ont entamé, jeudi 28 septembre, leur enquête en destitution contre le président américain, motivée par les affaires controversées de son fils à l’étranger, mais jugée complètement infondée par les démocrates. Les conservateurs, majoritaires à la Chambre des représentants depuis janvier, accusent le dirigeant démocrate d’avoir menti au peuple américain sur les entreprises de Hunter Biden, son fils cadet. Pour certains républicains les plus à droite, les fonctions passées de J. Biden lui ont facilité la tâche.
Lors de la première audition parlementaire consacrée à cette procédure, James Comer, chef de la commission d’enquête de la Chambre, a assuré avoir « trouvé une quantité écrasante de preuves démontrant que le président Biden a abusé de ses fonctions publiques pour que cela profite financièrement à sa famille ». « Durant des années, le président Biden a menti au peuple américain au sujet de sa connaissance et de sa participation aux affaires corrompues de sa famille », a déclaré l’élu républicain du Kentucky.
L’enquête est balayée d’un revers de main par les démocrates. « Si les républicains avaient une quelconque preuve irréfutable, ils seraient en train de les présenter aujourd’hui », a moqué Jamie Raskin. « La commission a reçu 12 000 pages de documents bancaires. Et pas une seule page ne montre que le moindre centime est allé au président Joe Biden. Nous avons reçu 2 000 pages de rapports, nous avons tenu des auditions et eu des entretiens avec tout le monde, et malgré cela, nous n’avons trouvé aucune preuve de malversation du président Biden. Ils n’ont rien sur Joe Biden », explique ce représentant du Maryland.
L’élu a accusé ses collègues républicains de mener cette investigation uniquement en raison des « pressions » de D. Trump, lui-même mis en accusation deux fois par le Congrès, et qui avait réclamé cette enquête contre son successeur. Pour l’un des témoins auditionnés par la commission, un juriste célèbre pour ses analyses sur la chaine ultraconservatrice Fox News, « une enquête oui, mais des motifs de destitution, à ce stade, non ».
J. Biden, ancien homme d’affaires de 53 ans, est devenu une cible privilégiée de la droite US. Les élus lui reprochent notamment d’avoir fait des affaires douteuses en Ukraine et en Chine alors que J. Biden était vice-président de Barack Obama (2009-2017), en capitalisant sur le nom et les réseaux de son père. La Constitution US prévoit que le Congrès peut destituer le président en cas de « trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs».
Le président de 80 ans a toujours soutenu publiquement son fils, au passé semé d’addictions, également aux prises avec la justice, accusé de détention illégale d’arme à feu. « Je me lève tous les jours […] sans me focaliser sur la destitution. J’ai un travail à faire. Je dois m’occuper des problèmes qui affectent le peuple américain tous les jours », avait-il déclaré en septembre.
Si cette investigation n’a quasiment aucune chance d’aboutir, elle pourrait se transformer en casse-tête pour la Maison Blanche avant la présidentielle de 2024 à laquelle J. Biden est candidat. La procédure se déroule en deux étapes. Après avoir mené son enquête, la Chambre des représentants vote, à une majorité simple, des articles de mise en accusation détaillant les faits reprochés au président : c’est ce qui s’appelle « impeachment » en anglais.
Si la mise en accusation venait toutefois à être votée, le Sénat, chambre haute du Congrès, ferait alors le procès du président. Il serait néanmoins très probablement acquitté, le parti de J. Biden étant majoritaire dans cette chambre.
Pour rappel, jamais un président n’a été destitué dans l’histoire américaine. Trois ont été mis en accusation : Andrew Johnson en 1868, Bill Clinton en 1998 et Donald Trump en 2019 et en 2021. Mais tous ont été finalement acquittés. Richard Nixon avait préféré, lui, démissionner en 1974 pour éviter une destitution certaine par le Congrès en raison du Watergate.