Après la signature du décret par le chef de l’Etat, le secrétaire général du conseil des ministres a annoncé les noms des 24 ministres qui le forment. La liste comprend Tarek Mitri, vice-Premier ministre, Michel Menassa, ministre de la Défense, Ahmad Hajjar, ministre de l’Intérieur, Youssef Raji, ministre des Affaires Etrangères, Yassin Jaber : ministre des Finances, Ghassan Salameh, ministre de la Culture, Laura Khazen Lahoud, ministre du Tourisme, Kamal Chehade, ministre des Déplacés, Nora Berkadrian, ministre des Sports, Rima Karami, ministre de l’Education, Adel Nassar, ministre de la Justice, Rakan Nassereddine, ministre de la Santé, Mohammad Haidar, ministre du Travail, Joe Saddi, ministre de l’Energie, Amer Bsat, ministre de l’Economie, Charles Hajj, ministre des Télécommunications, Joe Issa Khoury, ministre de l’Industrie, Fayez Rasamni, ministre des Travaux Publics, Nizar El Hani, ministre de l’Agriculture, Fadi Makki, ministre du Développement administratif, Tamara Zein, ministre de l’Environnement, Hanine Sayyed, ministre des Affaires Sociales Paul Marcos : ministre de l’Information.
Selon le correspondant d’al-Manar, le Courant patriotique libre n’a pas été représenté dans le prochain cabinet. Il devra se réunir pour la première fois mardi prochain au palais de Baabda, a indiqué la présidence de la République sur X. Force est de souligner que le véto que Washington n’a pas manqué de brandir face à la participation du Hezbollah s’est révélé sans effet à Baabda. Deux des 5 ministres chiites de cette formation ont été nommés par le Hezbollah et les trois autres par le mouvement Amal.
N. Salam a affirmé, dans sa première déclaration, que son gouvernement s’efforcera de « restaurer la confiance entre les citoyens et l’État, entre le Liban et son environnement arabe, ainsi qu’entre le Liban et la communauté internationale ». Il a ajouté que « le gouvernement travaillera avec le Parlement pour poursuivre la mise en œuvre de l’accord de Taëf et avancer dans les réformes financières et économiques. Le gouvernement sera un espace de travail commun constructif, et non de querelles ». Il a également souligné qu’ « il est important pour moi que le gouvernement soit un gouvernement de réforme et de sauvetage, car la réforme est le seul chemin vers un véritable sauvetage ».
Si la fumée blanche a fini par être visible au-dessus du Palais Baabda, il n’en reste pas moins que le climat dans lequel devrait travailler le nouvel Exécutif libanais est des plus tendus. Et les véritables périls proviennent, pour l’essentiel, de l’extérieur. En effet, sans la journée de samedi, l’occupation israélienne persistait à incendier maisons et buissons dans la localité de Odaysseh, comme dans d’autres périmètres à la frontière avec la Palestine occupée. Plus, on a signalé 3 martyrs et des blessés dans un raid israélien sur la région al-Chaara aux confins avec la montagne orientale du Liban.
La veille, Nabih Berri, président du Parlement libanais, avait lâché face à Morgan Ortagus, adjointe de l’envoyé spécial de la Maison Blanche pour le Moyen-Orient en visite au Liban depuis jeudi, qu’ « Israël est un mal absolu ». Rappelant des propos de Moussa Sadr, fondateur du mouvement Amal, datant des années 70 du siècle dernier. Evoquant les violations israéliennes au sud du Liban qui n’ont eu de cesse depuis la conclusion de l’accord le 26 novembre 2023, N. Berri a insisté devant la délégation américaine qui accompagnait M. Ortagus sur la nécessité que son administration « en tant que parrain de l’accord de cessez-le-feu de pousser Israël à le respecter entièrement, ainsi que les autres clauses de la résolution onusienne 1701, dont en tête le retrait de la totalité du sol libanais ». N. Berri a salué le « rôle professionnel de l’armée libanaise dans son déploiement en application à l’accord de cessez-le-feu ».
Depuis le conclusion de la trêve, l’armée sioniste a procédé à des actes de destruction d’infrastructures et de dynamitage de maisons dans les régions sud-libanaises qu’elle n’avait pu investir pendant la guerre de 66 jours. Sans compter les violations aériennes comptées par centaines. Elle a entravé les efforts de l’armée libanaise pour se déployer. Les plaintes exprimées par le président de la République auprès du comité des cinq chargé de superviser le cessez-le-feu ont été vaines.
L’émissaire US avait soulevé vendredi un tollé au sein de la classe politique libanaise en déclarant, depuis Baabda, qu’Israël a vaincu le Hezbollah et que ce dernier ne doit pas être représenté au sein du gouvernement. Elle a été accusée « d’ingérence insolente dans les affaires internes libanaises ».
Mohamad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, y a vu « un manquement aux étiquettes diplomatiques et aux exigences des relations internationales.» Les propos de l’Américaine sont « emplis de haine et d’irresponsabilité », a-t-il ajouté tout en assurant qu’il s’agit-là d’un « affront contre une composante nationale qui fait partie intégrante du consensus national et de la vie politique libanaise ». Le député a estimé que « la déclaration exprimée par la présidence de république qui s’est démarquée des propos de l’envoyée américaine nous dispense de nous attarder sur ses déclarations ». Le Bureau médiatique de la présidence libanaise a déclaré que « certains propos de l’envoyée américaine au Moyen-Orient Morgan Ortagus à Baabda n’expriment pas notre point de vue et la présidence n’en est pas concernée ».
M.Raad a poursuivi que « ce que font les Israéliens, avec l’approbation de l’administration américaine, ne fait que remettre en cause la crédibilité de la démocratie qu’elle revendique à tout moment et en tout lieu. L’image hideuse montrée par la guerre d’Israël contre Gaza et contre le Liban suffit à amener tout le monde dans le monde à juger qui soutient le terrorisme, l’arme, le finance, déplace des gens de leurs terres et les prive de leurs droits, en violation au droit international et à toutes les normes et critères internationaux ». Et de conclure que « le vainqueur est celui qui a révélé l’image hideuse de l’agresseur, qui se voue pour commettre un génocide contre les civils, contre les enfants, contre les femmes, contre les maisons et les hôpitaux sûrs, détruisant les quartiers résidentiels, et c’est un envahisseur qui usurpe la terre … Nous misons sur la volonté de notre peuple qui est attaché à l’option de la résistance, qui protège ce pays grâce à l’équation de l’armée, du peuple et de la résistance, qui est l’équation réaliste à travers laquelle le Liban peut être fier pour protéger sa souveraineté. »
Le mufti Jaafarite cheikh Ahmad Qabalane a également riposté vigoureusement aux déclarations de M. Ortagus. « À l’envoyée américaine, Mme Morgan Ortagus, je dis : le Liban appartient aux Libanais, et le Hezbollah est une force nationale et représentative de la taille du Liban et un partenaire de ses composantes nationales. Le Hezbollah n’a pas été vaincu et ne le sera pas. Aucune force sur terre ne peut l’éliminer. La souveraineté appartient au Liban et à ses composantes nationales uniquement, et non à l’Amérique et à ses projets d’exclusion et de destruction. Le Liban ne sera pas une colonie de l’Amérique ou d’Israël. Le jeu des menaces et des intimidations est vain, et le projet américano-israélien, qui a volé en éclats aux abords de la ville de Khiam, n’existera pas au cœur du système souverain du Liban. »
Après avoir traité M. Ortagus « d’insolente qui cautionne l’assassinat des enfants », le ministre du travail Mostafa Bayram a écrit sur sa page X que « le Hezbollah, qui a la plus grande représentation démocratique de l’histoire du Liban, restera à jamais victorieux et fait honneur aux peuples libres du monde. Il a humilié votre bande meurtrière à al-Khiyam, brûlé vos camarades à Shamaa, Aïta et à Adaïsseh et a écrasé leur élite».
Khaled Haddadeh, secrétaire général du Parti communiste libanais a qualifié la réaction de la présidence libanaise comme « insuffisante et ne protège pas la souveraineté ». « A minima, il faudrait la considérer comme indésirable, l’expulser du pays et demander à son gouvernement de la remplacer », a-t-il réclamé.
Le député Yanal Solh de la Bekaa a qualifié les déclarations de M. Ortagus « d’ingérence insolente dans les affaires libanaises » et « de propos colonialistes qui illustrent l’hégémonie arrogante ». « Le Hezbollah fait partie du tissus politique et social libanais personne ne peut l’éliminer ni l’ignorer. Sans les voix du duo chiite, le président n’aurait pas été élu », a-t-il rappelé.
Après avoir condamné « son ingérence flagrante dans les affaires internes libanaises », le parti syrien national social a qualifié les propos de l’envoyée US d’« indécence sans précédent, d’autant plus qu’elle a remercié l’ennemi sioniste pour sa guerre destructrice et ses crimes contre le Liban et les Libanais. » Et d’affirmer que « la résistance est un droit naturel garanti par toutes les lois et réglementations locales et internationales. C’est une réaction au crime de l’ennemi qui a envahi notre territoire et en a occupé certaines parties. C’est un choix ferme et définitif jusqu’à la libération et la fin de l’occupation. »
Même condamnation d’ingérence dans les affaires internes libanaise de la part du parti du Congrès populaire libanais selon lequel « les félicitations adressées à l’entité sioniste pour avoir tué et blessé des milliers de libanais et d’avoir détruit des villages et des localités constituent un mépris des valeurs morales et humaines les plus préliminaires». « Les propos de cette sioniste qui a fait exprès de porter une bague avec l’étoile de David pendant sa visite au Liban est un signe de mépris », a-t-il ajouté. « Il faut refuser de l’accueillir une seconde fois et refuser qu’elle préside le comité de surveillance du cessez-le-feu et demander à l’administration américaine de la changer », a-t-il exigé.
Après les propos de l’envoyée américaine, des dizaines de citoyens libanais ont organisé un rassemblement de protestation devant l’aéroport international de Beyrouth.