Le PS a dit, dans un communiqué publié jeudi, avec prudence être « attachée à l’amitié franco-marocaine », mais avec une « inquiétude quant aux conséquences » du revirement de l’Elysée sur le dossier saharien. Tout en appelant à une « diplomatie fondée sur l’apaisement et le dialogue », ladite formation estime qu’« aucune urgence ne justifiait une telle annonce au cœur de l’été, à un moment où le gouvernement démissionnaire est censé gérer les affaires courantes ». Selon les socialistes français, « le président joue un coup de communication sans vision politique qui s’inscrive dans le temps long ».
Au lendemain de cette reconnaissance, le roi Mohammed VI a donné suite au message du président Emmanuel Macron, en l’invitant à se rendre prochainement au Maroc. L’initiative déplaît également au sein du camp socialiste, selon qui « la diplomatie française ne peut être conditionnée par la visite d’Etat prochaine » à Rabat.
La réaction du PS ne fait cependant pas l’unanimité au sein de ses rangs. Certains de ses membres ont désavoué pareille sortie, considérant sa non-conformité au positionnement de la formation. En 2010, le bureau national du PS a voté une résolution en faveur du plan d’autonomie du Sahara, sous souveraineté marocaine. Sous le mandat de Martine Aubry, alors première secrétaire du PS, cette position a été soutenue à l’occasion de la campagne de l’actuelle maire de Lille à l’élection présidentielle. « Nous avons toujours appuyé l’initiative marocaine d’autonomie et nous continuerons à le faire si on est au pouvoir », a-t-elle déclaré en mars 2012, lors d’une visite au royaume. A ce moment-là, le PS a estimé que la proposition marocaine constituait « la solution la plus réaliste » auprès des Nations unies.
Depuis, la question divise au sein des tendances de gauche. De son côté, la France Insoumise (LFI) observe le silence. Elu de la neuvième circonscription des Français établis à l’étranger, Karim Ben Cheikh (Génération-s) a quant à lui salué la position de son pays, en qualifiant cette évolution de « clarification » apportée par E. Macron sur le dossier.
Alger menace Paris
En Algérie, la colère anticipée sur la reconnaissance française de la marocanité du Sahara franchit une nouvelle étape, après l’officialisation de la position de Paris. Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, a menacé de recourir à des mesures supplémentaires, notamment de sanctions économiques à l’encontre de Paris, comme ce fut le cas avec l’Espagne lorsque Madrid a soutenu le plan d’autonomie marocain au Sahara occidental.
Revenant d’abord sur le retrait de l’ambassadeur algérien en France, A. Attaf a insisté qu’il ne s’agissait pas d’une simple convocation pour consultations, mais bien d’« une réduction de la représentation » diplomatique dans le pays. Pour le ministre, c’est « une haute expression de désapprobation » du revirement de Paris. « Nous sommes en train de tirer les conclusions qu’il faut de la démarche française. Nous prendrons les mesures nécessaires à travers lesquelles nous exprimerons notre rejet d’une telle initiative de la France », a menacé le chef de la diplomatie.
La reconnaissance française de la souveraineté du Maroc sur le Sahara « ne peut en aucun cas contribuer à relancer le processus politique » d’une solution au différend régional, a estimé le responsable algérien. Elle nourrirait plutôt un « blocage », qui d’après lui durerait « depuis plus de 17 ans ». « Les autorités françaises nous ont informé, par l’intermédiaire de notre ambassadeur à Paris, du contenu du message que le président comptait adresser au roi du Maroc, notamment la partie relative au Sahara. Avec instructions des plus hautes autorités du pays, notre ambassadeur a exprimé la position algérienne sur cette démarche, mettant en garde contre ses graves conséquences », a-t-il fait savoir.
D’un ton colérique, le chef de la diplomatie algérienne a réitéré à deux reprises que la décision française était « un cadeau de ceux qui n’en ont pas à ceux qui ne le méritent pas », tout en révélant quele président E. Macron avait informé son homologue Abdelmadjid Tebboune du changement de position de la France sur la question, le 13 juin, lors du sommet du G7 en Italie.