Tôt ce 31 mai, un responsable de la Défense américaine a confirmé à l’agence TASS que l’administration Biden avait autorisé Kiev à frapper le territoire russe avec des armes américaines dans le cadre d’opérations de « contre-batterie ». « Notre position concernant l’interdiction de l’utilisation des ATACMS ou d’armes à longue portée en Russie reste inchangée », a-t-il affirmé.
Quelques heures plus tôt, le Pentagone déclarait encore publiquement que la position US sur l’usage d’armes américaines en Ukraine restait inchangée. « Encore une fois, telle est notre politique et rien n’a changé », déclarait encore le 30 mai Sabrina Singh, porte-parole adjointe du Pentagone, interrogée sur un éventuel « assouplissement » de son ministère vis-à-vis de l’emploi par Kiev des armes fournies par les États-Unis. « Nous avons toujours dit, dès le début, que l’assistance à la sécurité que nous fournissons à l’Ukraine était destinée à être utilisée en Ukraine », a-t-elle poursuivi. « Si quelque chose change, bien sûr, nous vous le ferons savoir», a-t-elle ajouté.
Le même jour, Politico annonçait que J. Biden avait « secrètement » donné l’autorisation à l’Ukraine de frapper en Russie avec des armes fournies par les États-Unis. Citant trois responsables américains et deux autres sources proches du dossier, le média washingtonien a ainsi révélé que le président américain avait « discrètement » autorisé l’Ukraine à frapper à l’intérieur des frontières russes. Un feu vert de la Maison Blanche, détaille Politico, qui inclut notamment l’ouverture du feu sur des bombardiers russes évoluant au-dessus de la Russie. « Le président a récemment demandé à son équipe de permettre à l’Ukraine d’utiliser des armes fournies par les États-Unis à des fins de contre-batterie dans la région de Kharkov afin que l’Ukraine puisse répondre aux forces russes qui l’attaquent ou se préparent à l’attaquer », a confirmé, auprès de RIA Novosti, un porte-parole du département d’État. « Non seulement Joe Biden est atteint de démence, mais il est fou ! » « L’incohérence au sein de l’administration Biden à ce sujet est alarmante », a fustigé sur X (ex-Twitter) le représentant républicain Matt Gaetz. « Avec ce changement de politique, l’administration Biden risque une escalade encore plus grave, dont les conséquences pourraient être une troisième guerre mondiale », a poursuivi l’élu de Floride. « Non seulement Joe Biden est atteint de démence, mais il est fou !», a réagi son homologue de Géorgie, la représentante républicaine Marjorie Taylor, dénonçant une « escalade qui pourrait nous conduire à une guerre directe avec la Russie ». « Les États-Unis devraient rechercher la paix et non la guerre mondiale ! », a-t-elle insisté.
Depuis plusieurs semaines, les appels à autoriser Kiev à utiliser les armes fournies par ses soutiens contre la Russie se sont multipliés au sein des responsables politiques occidentaux. Un appel qui ne fait pas l’unanimité parmi les soutiens de l’Ukraine. Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien, a enjoint le 26 mai à « une plus grande prudence ». Son vice-Premier ministre Matteo Salvini, réagissant à l’appel de Stoltenberg, a déclaré que celui-ci ne pouvait pas « parler au nom du peuple italien », soulignant que Rome envoyait des armes à Kiev uniquement pour « se défendre » et non pour « combattre, frapper et tuer en dehors de son territoire ».
« On doit leur permettre de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles […] les sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée », avait pour sa part déclaré le 28 mai le président français, lors d’une conférence de presse avec le chancelier allemand Olaf Scholz. « Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles », avait-il aussitôt ajouté, assurant ne pas vouloir d’escalade.
Le même jour, le président russe avait averti que l’usage d’armes occidentales visant le territoire russe provoquerait de « graves conséquences ». Mi-mai, le New York Times révélait qu’un groupe de députés ukrainiens avait fait le déplacement à Washington afin de plaider, auprès de membres du Congrès, en faveur de la levée de l’interdiction de frapper en Russie avec les armes américaines. Moscou dénonce les frappes ukrainiennes qui visent déjà la Russie et atteignent des bâtiments civils, frappes sur lesquelles les alliés occidentaux de Kiev ferment les yeux.
Paris aux avant-postes !
Trois sources diplomatiques ont fait savoir à l’agence Reuters que Paris espérait « forger et mener une coalition de pays » afin d’apporter une aide à la formation des militaires sur le territoire ukrainien. Cette annonce pourrait être faite par Emmanuel Macron début juin, lors de la visite prévue de Volodymyr Zelensky à l’occasion du 80e anniversaire du Débarquement de Normandie. « Les arrangements sont très avancés », a déclaré l’une des sources. Ils n’ont pas eu lieu sous l’autorité de l’OTAN. «La France enverrait dans un premier temps un nombre limité de personnels pour évaluer les modalités d’une mission avant d’envoyer plusieurs centaines de formateurs, ont indiqué deux des diplomates », précise Reuters. La formation serait, toujours selon la même source, axée sur « le déminage, le maintien des équipements opérationnels et l’expertise technique des avions de combat qui seront fournis par l’Occident », poursuivent les sources diplomatiques, alors que « Paris financerait, armerait et entraînerait également une brigade motorisée ukrainienne ». La France a formé environ 10 000 soldats ukrainiens depuis le début du conflit, mais sur le territoire de l’UE. Alexandre Syrsky, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, avait indiqué le 27 mai dernier avoir permis la visite d’instructeurs français dans des centres de formation en Ukraine, mais le ministère français des Armées n’a toutefois pas confirmé le départ de militaires français. E. Macron, en déplacement en Allemagne, avait pour l’heure refusé de commenter cette annonce.
Le 16 mai, le New York Times révélait que l’Ukraine avait demandé aux États-Unis et aux pays de l’OTAN de l’aider à former 150 000 nouvelles recrues plus près de la ligne de front, et non dans des centres en Occident, pour un déploiement plus rapide. Une mobilisation jugée « inévitable » par le chef d’état-major des armées des États-Unis, Charles Quinton Brown Jr, selon la même source. S’il estimait une telle opération risquée pour l’heure, celui-ci a toutefois déclaré : « Nous y parviendrons, au final, avec le temps .» « Toute attaque contre les instructeurs forcerait les États-Unis à honorer leurs obligations envers l’OTAN, les entraînant ainsi dans la guerre », a précisé le quotidien new-yorkais. Les informations s’accumulant sur un envoi de forces françaises s’inscrivent bien sûr aussi dans un contexte d’exacerbation des tensions entre la France et la Russie. Au cœur de celles-ci, le refus d’E. Macron, au nom d’une « ambiguïté stratégique », d’exclure un envoi de troupes occidentales en Ukraine, plusieurs fois répété depuis le 26 février. Le 2 mai dans The Economist, le président français a de nouveau réitéré cette possibilité, notamment si Kiev en faisait la demande. La diplomatie russe a prévenu que des troupes françaises en Ukraine deviendraient des « cibles légitimes » pour les forces russes, dénonçant de surcroît la rhétorique « de plus en plus belliqueuse » de Paris. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, a estimé jeudi 30 mai que les déclarations des pays occidentaux sur un éventuel déploiement de contingents militaires en Ukraine « suggéraient que leur plan initial pour Kiev » avait « complètement échoué ».
Autre surprise « attendue », l’Allemagne a décidé d’autoriser l’Ukraine à utiliser des armes allemandes contre des cibles militaires en Russie pour se défendre des attaques lancées par Moscou notamment dans la région de Kharkiv, a annoncé vendredi le porte-parole du chancelier O. Scholz. « L’Ukraine a le droit, garanti par la législation internationale, de se défendre contre ces attaques. Pour ce faire, elle peut également utiliser les armes fournies à cet effet », « y compris celles que nous avons livrées », a déclaré Steffen Hebestreit dans un communiqué.