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Algérie : Conseil de guerre, hasardeux ou dangereux ?

Les Algériens se posent un ensemble de questions sur l’opportunité de la réunion du Haut Conseil de Sécurité ou de guerre qui s’est tenue au palais d’El-Mouradia. Les présents étaient tous en tenue vert olive à l’exception d’un seul qui semblait être l’invité « d’honneur ». Selon la dernière constitution algérienne qui définit ses membres, ce Haut Conseil est un organisme consultatif qui, en principe, se réunit en situation exceptionnelle dans les États de droit, et qui s’est transformé en un rouage banalisé du système militaro-politique de l’Algérie. Cependant, pour la première fois, les membres civils de cette instance ne sont pas présents à la réunion. Ainsi en est-il du premier Ministre, du ministre des Affaires Étrangères, du ministre de la Justice, du ministre de l’Intérieur et aussi des directeurs des départements de sécurité, des sécuritaires, du commandant de la gendarmerie, du directeur de la DGSN, de la DGSI et de la DGSE, sans oublier le directeur de la DCSA, tous absents excusés. Cette réunion en comité restreint a réuni outre le chef de l’État désigné Abdelmadjid Tebboun, le chef d’État-major de l’Armée nationale populaire (ANP) Said Chengriha et les chefs de corps de l’État-major : commandants de l’armée de l’air, de la marine, des forces terrestres et de la défense du territoire.
Conseil de guerre, hasardeux ou dangereux ?

Un bref communiqué lapidaire a été publié par El-Mouradia. Le peuple algérien est désormais habitué de ces flashs énigmatiques du général Boumediène, coordinateur des services de sécurité à la présidence, dont la fonction est d’amuser la galerie médiatique et populaire tout en semant le doute et en provoquant les plus folles rumeurs sur les bruits de bottes et préparatifs d’une guerre imminente avec le Maroc. Du point de vue formel, la configuration de la réunion de ce Conseil, il y a deux jours, met en exergue la réalité des analyses fuitées ici et là et soulève les points suivants :

1- Initialement annoncée pour discuter des préparatifs de la visite d’Abdelmadjid Tebboun, le chef d’État-major a présenté un rapport détaillé sur sa mission en France qui vient de se terminer par la signature d’un accord de coopération sécuritaire et militaire, prévu semble-t-il depuis la dernière visite du président français à Alger.

2- Ce partenariat franco-algérien est couronné par une nouvelle alliance stratégique et tactique. Elle vise principalement l’envoi de troupes de l’ANP dans les pays du Sahel, au Mali, au Niger et au Burkina-Faso. Les semaines à venir vont faire apparaître au grand jour cette intervention algérienne dans le Sahel avec un soutien logistique et militaire français et un échange de renseignement sur l’évolution de la situation politique de la zone sahélo-saharienne.

3- Cette fois-ci, l’intervention sera légale et constitutionnelle au regard du droit algérien modifié. Une loi sera votée dans les prochains jours par l’assemblée nationale populaire.

4- Ce déploiement militaire de l’ANP fait l’objet de discussion avec les pays concernés (Mauritanie, Mali, Tchad et Niger).

5- Selon plusieurs sources, le conclave a débattu essentiellement de la situation sécuritaire au Sahel et de la « géopolitique du terrorisme ». Les Français disposent d’un ensemble de données sur les relais algériens et leur capacité de nuisance contre les putschistes de la région. Cependant, le Conseil de guerre ou de sécurité, semble avoir abordé les rapports sur le terrain avec les Russes et  avec la milice Wagner. À ce sujet, il convient de signaler un élément de complexité relatif à la  présence de Maghrébins dans les rangs de cette armée privée.

6- De son côté, la France reconnaîtrait de fait la légitimité de la junte d’Alger et se propose de bénir un deuxième mandat du Président actuel.

Dans ce contexte anxiogène volatile, les relations de l’Algérie avec la Russie vont connaître des tensions suite à la récente déclaration anti-Wagner d’Abdelmadjid Tebboun. La stratégie du caméléon en matière de relations internationales d’Alger serait elle-même piégée par la doctrine de la puissance-équilibre de la France.

Concernant l’achat de l’armement, le général Said Chengriha a présenté une liste qui ne sera certainement pas satisfaite à cause de la difficile mutation technologique de l’ANP.

La rumeur de guerre propagée dans les rues d’Alger illustre bien les luttes de clans dont la survie dépend d’une surenchère permanente à l’égard de « l’ennemi classique : le Maroc » (dixit Said Chengriha). La décision de la guerre, si et seulement il y a guerre, ne sera pas prise à Alger, mais de Paris, de Moscou ou de Washington. L’oligarchie militaire algérienne pourrait se dissimuler et organiser une guerre par procuration en instrumentalisant le Polisario – annexe clonée de l’ANP sans aucun pouvoir de décision -. Ce dernier ayant déjà déclaré la fin du cessez-le-feu signé entre lui et l’Onu en 1991. Il n’est guère exclu que l’État-major algérien provoque, comme à son habitude, des escarmouches limitées dans le temps et l’espace afin de faire diversion et manipuler l’opinion publique intérieure.

En conclusion, la région pourrait connaître une évolution rapide aux conséquences dramatiques en raison de l’inadaptation de l’ANP à la société sahélo-saharienne et de la réticence des militaires algériens du rang. L’aventure pourrait, à court ou à moyen terme, engendrer en Algérie un soulèvement violent accentué par une crise économique aiguë malgré la rente des hydrocarbures qui se rétrécit et continue à être dilapidée.

Abderrahmane Mekkaoui (politologue)

 

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