A l’issue d’une réunion extraordinaire tenue mardi matin, le chef de l’État Joseph Aoun, le Premier ministre Nawaf Salam et le président du Parlement Nabih Berry, ont exigé un retrait total des forces israéliennes du sol libanais, considérant que toute présence de troupes israéliennes sur son territoire constituait une « occupation », d’où la décision de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU. La décision a été prise suite au maintien de cinq positions par l’armée israélienne au sud du Liban, et ce, après l’expiration du délai prévu pour le retrait de ses troupes du secteur libanais, tel que stipulé par l’accord de trêve.
Najat Charafeddine, porte-parole de la présidence, a confirmé la position des trois hauts dirigeants libanais, et a déclaré qu’ils considéraient « toute présence israélienne en territoire libanais comme une occupation ». « Obliger Israël à un retrait immédiat », c’est en ces termes qu’elle a expliqué la décision de Beyrouth de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU, affirmant aussi que l’armée libanaise était prête à remplir son rôle à la frontière avec Israël. Pour les Nations unies, « tout retard » dans le retrait des troupes israéliennes est une violation de la résolution 1701.
L’armée libanaise a déployé ses troupes dans les onze localités évacuées par l’armée israélienne. Des centaines de civils libanais ont emboîté le pas à l’armée pour revenir dans leurs maisons, découvrant un paysage lunaire de quartiers, d’infrastructures civiles, électriques et sanitaires en ruines. En vertu de l’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël, entré en vigueur le 27 novembre dernier, l’État hébreu devait achever son retrait total du Liban au mardi, après avoir déjà retardé la date initialement prévue du retrait de son armée. Israël Katz, ministre israélien de la Défense, a de son côté confirmé par voie de communiqué que les troupes israéliennes maintiendraient « cinq postes de contrôle » dans le sud du Liban, menaçant « d’agir de façon coercitive et sans compromis contre toute violation du Hezbollah ». En réponse aux questions de la délégation libanaise sur les raisons de leur maintien, les officiers israéliens n’ont pas hésité à dire que « ces sites n’ont pas d’importance militaire ou sécuritaire cruciale, mais plutôt une importance morale. La présence de l’armée israélienne sur place rassure les habitants des colonies du nord pour qu’ils puissent y revenir dès le début du mois de mars prochain.» Les cinq points où l’armée israélienne souhaite maintenir sa présence après le 18 février sont proches des grandes colonies du nord. Il s’agit de la colline al-Hamamès, dans le caza de Marjeyoun proche de la colonie Metulla, des collines de Labouné à la périphérie de Naqoura, dans le caza de Tyr, font face aux colonies les plus importantes de la Galilée occidentale, dont Rosh Hanikra, Shlomi et Nahariya, de Jabal Blat, aux abords de Ramiyé, dans le caza de Bint Jbeil, se trouve à proximité des colonies de Chtoula et Zar’it, de Jal el-Deir et Jabal al-Bat, dans la périphérie de Aïtaroun dans le caza de Bint Jbeil se situent en face des colonies d’Avivim, Yiftah et al-Malikiyah et, enfin, de la route Markaba-Houla, dans le caza de Marjeyoun proche de la colonie de Margaliot.
Le retrait israélien a été entamé, lundi soir, des villages frontaliers, laissant place à l’armée libanaise qui après sécurisation a donné le feu vert aux habitants d’y rentrer. Il s’agit des localités de Yaroun, Maroun al-Ras, Blida, Mays al-Jabal, Houla, Markaba, Odeyssé, Kfar Kela et Wazzani.
Malgré l’ampleur sans précédent des destructions, notamment dans les villages frontaliers, les habitants attendent de rentrer chez eux pour constater l’état de leurs biens et récupérer les corps de combattants parmi leurs proches, laissés depuis des mois sur le champ de bataille.
En réaction à l’occupation israélienne de cinq points stratégique à la frontière libanaise, l’ONU a averti que tout retard dans le retrait israélien du sud du Liban violait la résolution 1701 du Conseil de sécurité ayant servi de base à l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre.
« Aujourd’hui marque la fin de la période fixée pour le retrait de l’armée israélienne… et le déploiement parallèle des forces armées libanaises sur les positions dans le sud du Liban », indiquent l’envoyé de l’ONU au Liban et les Casques bleus dans un communiqué conjoint. « Un autre retard dans ce processus n’est pas ce que nous espérions, d’autant plus qu’il continue de violer la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU » de 2006.
Grise mine à Metulla
Le chef du conseil de la colonie israélienne de Metulla, à la frontière avec le Liban, a qualifié l’accord de cessez-le-feu avec le Liban de « catastrophique ». « Nous avons réalisé un exploit militaire considérable, qui devait se traduire par un exploit politique qui garantirait que le Hezbollah ne soit pas présent au Liban, mais au contraire, un accord de reddition a été conclu » a déploré David Azoulay. Benjamin Netanyahu, « a offert cette victoire au Hezbollah, car ils rentreront chez eux et continueront à nous menacer ».
Et de souligner que « Metulla est entourée de frontières des trois côtés. Il est vrai qu’il y aura une force militaire israélienne qui restera, mais qu’en est-il du côté nord ? Et le côté ouest ? Que se passera-t-il lorsque les habitants reviendront au village libanais de Kfar Kela, situé à seulement quelques mètres des maisons de nos colons ? Il y a des dizaines de milliers de chiites, pour la plupart membres du Hezbollah et de l’unité Radwan, qui reconstruisent leurs maisons et se préparent à revenir en force ».
D. Azoulay a relevé que les habitants de Metulla « ne reviendront pas ». « Nous avons mené une enquête au cours des deux dernières semaines et, selon les résultats, seuls six étudiants sur 95 ont l’intention de revenir avec leur famille. » Car « Outre l’aspect sécuritaire, où est l’aspect logistique et les infrastructures ? », il a noté « qu’environ 70% des maisons des habitants de Metulla ont été endommagées, en plus de 30 bâtiments appartenant à l’autorité locale qui ont été totalement détruits. Ces bâtiments sont inhabitables, et pourtant le gouvernement, déconnecté de la réalité, exige que nous y retournions », a poursuivi le chef du conseil de la colonie.
Il a fait savoir « qu’il y a un bataillon militaire qui protège Metulla depuis le début de la guerre jusqu’à aujourd’hui, et il restera en place même après la fin des combats ». Raison pour laquelle, il s’est interrogé : « Comment la population reviendra-t-elle à la vie normale ? Les enfants sont-ils censés vivre dans une ville remplie de barrières militaires et de barbelés ? Cela nous ramène aux scènes des années 90, au sentiment de danger constant. »
Fait notable, depuis l’entrée en vigueur de l’accord du cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre 2024, les colons du nord ne sont pas encore revenus dans leurs foyers. Par contre, les habitants du sud-Liban sont retournés dans leur villages.
Du soutien à la guerre
Rappelons qu’au lendemain du lancement de la guerre génocidaire israélienne contre Gaza après une opération du Hamas contre les colonies de l’enveloppe de Gaza le 7 octobre 2023, le Hezbollah a ouvert un front de soutien à Gaza en tirant des roquettes en direction des positions israéliennes dans les territoires libanais occupés. Or après les agressions israéliennes contre les villages frontaliers, les tirs du Hezbollah se sont étendus vers les colonies environnantes du Liban. Puis la situation a dégénéré en guerre ouverte en septembre 2024 après le crime israélien des bipeurs ayant affecté 5000 Libanais, dont des femmes et des enfants.
Après l’assassinat des leaders de la Résistance, dont à leur tête le chef du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, Tel-Aviv a cru avoir décimé le Hezbollah, annonçant une invasion terrestre du sud-Liban afin de regagner le fleuve de Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec l’entité sioniste. Or les soldats de l’occupation ont été contrés par une résistance farouche qui les empêché d’occuper un seul village à la frontière du sud-Liban.
Après 66 jours de guerre, Israël a sollicité un cessez-le-feu avec le Liban. Les Etats-Unis ont négocié les clauses de l’accord avec l’Etat Libanais et conclu une cessation des hostilités entrée en vigueur le 27 novembre. Profitant de l’une des clauses de l’accord qui prévoyait un retrait israélien du sud du Liban d’ici au 26 janvier, les forces d’occupation ont avancé vers plusieurs villages frontaliers au sud du fleuve Litani. Elles y ont fait sauter plusieurs domiciles et rasé les rues.
L’échéance du retrait israélien avait été repoussée au 18 février, avait alors informé Washington la partie libanaise. Ce report avait été réfuté par les habitants des localités frontalières ont décidé de défier les forces d’occupation en entrant dans leurs villages. Une trentaine de villages avaient été totalement ou partiellement libérés le 26 janvier. Cette libération a couté la vie à 24 martyrs, dont des femmes. A noter qu’au su et au vu des garants de cet accord, les USA en tête, Israël viole le cessez-le-feu en menant des frappes aériennes contre le sud et la Bekaa qui ont fait plus de 60 martyrs.