Lors d’un briefing donné par les forces spéciales américaines en Syrie à un groupe de militants qu’elles soutenaient avant le renversement de Bachar al-Assad, des combattants entraînés par la Grande-Bretagne et les États-Unis dans l’armée des « Commandos de la Révolution » se sont vu dire : « C’est votre moment ». Selon le journal britannique qui rapporte l’information, la première indication que Washington était au courant de l’attaque à l’avance c’est qu’il avait ordonné à l’armée des « Commandos de la Révolution » qu’elle soutenait, d’augmenter le nombre de ses forces et de se préparer à une attaque qui pourrait conduire à la fin du « régime Assad ».
The Telegraph cite Bashar al-Mashhadani, l’un des commandants de cette armée de mercenaire. « On nous a dit : tout est sur le point de changer, soit vous profitez de votre moment historique, soit vous tomberez. Mais ils n’ont pas précisé quand ni où. Ils nous ont plutôt dit : Préparez-vous », a-t-il indiqué.
Dans les semaines précédant le point de presse donné par les forces spéciales américaines sur la base aérienne d’Al-Tanf, que Washington contrôle à la frontière avec l’Irak, « les rangs des « Commandos de la révolution » se sont étoffés d’unités plus petites et indépendantes », selon B. Al-Mashhadani. Lequel a ajouté que « le nombre de forces est passé d’environ 800 à 3 000 combattants lourdement armés soutenus par les États-Unis, chaque combattant recevant environ 400 dollars ».
Le journal a souligné qu’à mesure que les militants avançaient vers le sud en direction de la capitale, Damas, l’armée des « Commandos de la Révolution » avançait à l’extérieur d’Al-Tanf, afin d’empêcher les restes de Daech d’exploiter le vide du pouvoir en cas de chute d’Assad, et ce selon ce que des officiers supérieurs de l’armée américaine ont déclaré aux chefs militaires de l’opposition syrienne.
Il est à noter que l’armée des « Commandos de la Révolution » occupe désormais près d’un cinquième de la superficie du pays, y compris des poches au nord de la capitale syrienne Damas. « Cela indique non seulement que Washington était au courant de l’attaque menée par Hay’at Tahrir al-Cham (HTC), mais qu’il disposait également d’informations précises sur son ampleur », révèle The Telegraph. Lequel explique « qu’avec le début de l’attaque contre la capitale Damas, le 8 décembre, les forces des ‘Commandos de la Révolution’ se sont déployées dans le désert oriental, ont pris le contrôle des routes principales et ont rejoint une faction armée dans la ville de Deraa, dans le sud de la Syrie. Puis, elles sont arrivées à Damas avant le HTC ».
B. Al-Mashhadani a déclaré que « l’armée des ‘Commandos de la Révolution’ et les combattants de Hay’at Tahrir al-Cham étaient en bonne coordination et coopération, et que les communications entre les deux groupes étaient coordonnées par les Américains basés à al-Tanf ».
The Telegraph conclut en exprimant sa surprise de « l’alliance efficace entre Washington et un groupe comme Hay’at Tahrir al-Cham, qui était affilié à Al-Qaïda en Syrie depuis sa création jusqu’à sa séparation de cette organisation terroriste en 2017 ».
Moscou exfiltre des Iraniens
Le président russe a annoncé jeudi, lors de sa conférence de presse annuelle et de l’émission « Ligne directe », que Moscou avait aidé à évacuer 4 000 combattants pro-iraniens de Syrie, où le régime du parti Baas, en place depuis 61 ans, a été renversé par des groupes anti-régime qui ont pris le contrôle de la capitale, Damas, au début du mois. « Auparavant, par exemple, nos amis iraniens nous demandaient de les aider à transférer leurs unités sur le territoire syrien ; aujourd’hui, ils nous demandent de les évacuer de ce territoire. Nous avons évacué 4 000 combattants iraniens à Téhéran à partir de la base de Hmeimim », a précisé Vladimir Poutine.
Le président russe a également indiqué que lors de la chute du régime Baas, 350 combattants anti-régime sont entrés dans Alep, tandis que 30 000 soldats du régime Assad et des troupes pro-iraniennes se sont retirés sans combattre. « Les troupes gouvernementales, ainsi que les unités dites pro-iraniennes, ont battu en retraite sans opposer de résistance, ont fait sauter leurs positions et sont parties », a-t-il dit.
Interrogé sur un éventuel départ de la Russie de ses bases en Syrie, le maitre du Kremlin a répondu ne pas le savoir pour l’instant. « Nous devons décider nous-mêmes de l’évolution de nos relations avec les forces politiques qui contrôlent aujourd’hui et contrôleront à l’avenir la situation dans ce pays. Nos intérêts doivent coïncider », a-t-il ajouté. Il a également proposé d’utiliser les bases de Moscou à Hmeimim et à Tartus pour acheminer l’aide humanitaire.
Le président russe a regretté l’attitude d’Israël qui, au lieu de quitter la Syrie, y envoie des troupes supplémentaires. Il a également déclaré n’avoir pas parlé au chef du régime syrien déchu, Bachar al-Assad, depuis que ce dernier a obtenu l’asile en Russie mais qu’il a « l’intention de le faire.»
Agitation turque :
Le ministère turc de la Défense a déclaré que ses forces continueront à prendre des mesures préventives et destructrices contre les organisations terroristes, et que la Turquie coopérera avec la nouvelle administration syrienne dans la lutte contre le terrorisme. Lors du point de presse hebdomadaire tenu jeudi au ministère, le contre-amiral Zeki Aktürk, conseiller pour la presse et les relations publiques du ministère de la Défense, a déclaré que les forces armées turques continuaient à mener des opérations ininterrompues sur le territoire national et au-delà des frontières contre toutes sortes de menaces et de dangers, en particulier les organisations terroristes PKK//PYD-YPG, Daech et FETO. Ainsi, 41 terroristes ont été neutralisés la semaine dernière et 2 959 terroristes ont été neutralisés depuis le 1er janvier, dont 1438 dans le nord de l’Irak et 1521 dans le nord de la Syrie, et que 3 autres terroristes du PKK qui se sont enfuis de leurs abris se sont rendus aux postes frontières la semaine dernière, a-t-il fait savoir.
Le haut gradé turc a également commenté les attaques israéliennes dans la région. « Nous condamnons fermement la décision d’Israël d’étendre les colonies illégales sur le plateau du Golan, qu’il occupe depuis 1967. Israël, qui méprise le droit international à Gaza et en Cisjordanie, poursuit maintenant son activité illégale en Syrie et continue son occupation des terres », a-t-il fait valoir. « Un cessez-le-feu doit être déclaré dès que possible et la stabilité régionale doit être assurée. Les derniers développements en Syrie ne doivent pas faire oublier qu’Israël continue de tuer des femmes et des enfants à Gaza et poursuit ses massacres », a-t-il spécifié.
Le contre-amiral a par ailleurs fournit des informations sur la situation actuelle en Syrie. « La situation actuelle et tous les développements en Syrie, où une nouvelle ère a commencé, sont suivis de près, et les efforts pour assurer le retour volontaire, sûr et digne des Syriens se poursuivent », a-t-il assuré. Plus, a-t-il ajouté, « nous soulignons une fois de plus que nous soutenons la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie » et que « notre priorité est l’élimination de l’organisation terroriste PKK/YPG, qui représente une menace pour la sécurité de notre pays et de la Syrie, que nous continuerons à prendre des mesures préventives et destructrices contre les organisations terroristes, et que nous coopérerons avec la nouvelle administration syrienne dans la lutte contre le terrorisme. »
Le haut gradé turc a rejeté les déclarations du département d’Etat US faisant référence à un prétendu accord de cessez-le-feu entre la Türkiye et le PKK/YPG/FDS en Syrie. « Nous ne négocions avec aucune organisation terroriste, nous pensons qu’il s’agit d’un lapsus », a-t-il lancé. « Nos mesures dans la lutte contre le terrorisme se poursuivront jusqu’à ce que le PKK/YPG soit désarmé et que ses combattants étrangers quittent la Syrie. Nous pensons que le nouveau gouvernement syrien et son armée, l’Armée Nationale Syrienne, libéreront les territoires occupés par les terroristes du PKK/YPG », a-t-il enfin assuré.
CNN se décrédibilise
L’aura de la chaine de télé US la plus cotée à l’étranger vient d’en prendre, une fois encore, pour son grade. Son reportage sur le sauvetage d’un prisonnier en mauvais état, présenté comme un civil ordinaire, a suscité une controverse. L’enquête révèle que cet homme est en réalité un officier du renseignement syrien. Ces révélations remettent en question la fiabilité de la chaîne américaine, souvent critiquée pour ses pratiques journalistiques.
Le 15 décembre 2024, CNN diffusait un reportage mettant en scène Clarissa Ward, correspondante internationale en chef, explorant une prison prétendument abandonnée à Damas, en Syrie. Elle y « découvrait » un homme enfermé dans une cellule, identifié comme Adel Ghorbal, un civil de Homs présenté comme une victime de la barbarie du régime déchu . Dans la vidéo diffusée avec un ton dramatique, la journaliste procède à la libération de ce prisonnier qui la remerciait avec émotion. Il prétendait avoir été détenu pendant trois mois sans eau ni nourriture et accusé de transporter des contenus suspects sur son téléphone. CNN qualifiait cette scène de témoignage poignant des supposés « abus » de l’ancien pouvoir syrien.
Cependant, une enquête menée par la plateforme indépendante Verify-Sy, relayée par des médias comme The Middle East Eye, a révélé une toute autre vérité : cet homme s’appelle en réalité Mohammad Salama, alias « Abu Hamza », et s’avère être un ancien lieutenant des services de renseignement syriens, connu dans le pays pour avoir commis de graves crimes.
Selon Verify-Sy, M. Salama était un acteur notoire des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne. Il aurait géré des points de contrôle à Homs, extorqué de l’argent à des civils et participé à des opérations de torture.
De nombreux détails du reportage ont suscité des doutes dès sa diffusion. Selon Verify-Sy, le prisonnier, supposément affamé et torturé, paraissait « bien soigné, sans signe de malnutrition, avec des cheveux et une barbe taillés ». De plus, sa réaction à la lumière du jour était étrange pour une personne enfermée dans l’obscurité depuis des jours.
CNN a reconnu, dans un communiqué publié sur son site après ces révélations, que l’homme aurait pu donner une fausse identité, affirmant cependant que la scène avait été rapportée fidèlement. « Personne d’autre que notre équipe ne connaissait l’intention de visiter ce site. Les évènements se sont déroulés tels qu’ils apparaissent dans notre reportage », a insisté la chaîne.
Cette affaire n’est pas une première pour CNN, dont le journalisme a été plusieurs fois critiqué pour son manque de rigueur. En 2021, la même journaliste avait été accusée d’avoir mis en scène un reportage près de la frontière entre Israël et Gaza. De nombreuses séquences avaient été jugées « artificielles et exagérées », rappelle le New York Post dans un article qui remonte au 17 décembre. Ce reportage s’inscrirait également dans un contexte plus large, où CNN est souvent accusée de diffuser des contenus biaisés pour servir une ligne éditoriale favorable à l’Occident et déstabiliser les pays hostiles aux États-Unis.
En conclusion, Verify-Sy s’interroge si cette controverse met en lumière les limites du journalisme occidental, où des récits émotionnels prennent parfois le pas sur les faits. « CNN a-t-elle été victime de désinformation ou a-t-elle délibérément trompé son public ? ».
La Syrie est en ébullition. En effet, dix jours après la chute du régime, l’hostilité envers la communauté chrétienne syrienne refait surface. Le 18 décembre, dans la province de Hama dans le nord du pays, à quelques encablures d’Idleb, l’archidiocèse grec-orthodoxe de Hama a été attaqué et plusieurs tombes vandalisées. Les images ont fait le tour de la toile syrienne et arabe. Des impacts de balle sur la cathédrale grecque orthodoxe de Hama ainsi que la destruction de plusieurs sépultures ont été recensés. Sur l’un des clichés, on peut voir la décapitation d’une statue de la Vierge Marie, la tête gisant sur le sol, des croix ainsi que des sépultures ont été endommagés. Les assaillants ont « violé le caractère sacré des morts et vandalisé les cimetières des familles chrétiennes » a déclaré une source de l’archidiocèse, citée par Sky News Arabia, dont le correspondant a fait état de cette attaque menée par des « hommes armés ». Le cimetière de Mhardeh, petite bourgade chrétienne, a également été pris pour cible. Cette localité avait notamment rejoint la Défense nationale, avec près de 200 combattants, pour défendre la ville contre les incursions djihadistes. Ces actes de vandalisme ont été largement répandus sur les réseaux syriens avec le hashtag « save christians ».
L’association SOS Chrétiens d’Orient a également réagi à cette information sur son compte X, déclarant que « le 18 décembre, un individu aurait ouvert le feu sur la cathédrale grecque orthodoxe de Hama ». Par ailleurs, dans l’église Saint-Georges, un autre aurait tenté de briser les croix en fer et d’accrocher une banderole portant l’inscription de la Chahada, la profession de foi musulmane : « Il n’y a de Dieu que Dieu », tout en affirmant que les actes anti-chrétiens se multiplient en Syrie depuis la chute de B. al-Assad. D
ans une interview accordée au quotidien italien Corriere della Sera le 11 décembre, Mohammad el-Bachir, alias Al-Joulani, nouvel homme fort de Damas, avait déclaré : « c’est précisément parce que nous sommes islamiques que nous garantirons les droits de tous les peuples et de toutes les communautés en Syrie », assurant que l’Islam est « la religion de la Justice ». Les chancelleries occidentales, du G7, ont appelé les nouveaux dirigeants de Damas a former un gouvernement « crédible, inclusif et non sectaire », respectant les minorités religieuses, le tout alors que les appels se multiplient afin de lever les sanctions économiques sur la Syrie. Ces dérapages qui se multiplient pour affecter aussi les soldats de l’Armée arabe syrienne confirment si besoin est que Hayat Tahrir al-Cham, ex-Front al-Nosra, n’a pas le contrôle sur toutes les composantes de la mosaïque jihadiste en activité en Syrie.