En première instance, les accusés n’ont écopé que d’une peine d’emprisonnement de deux ans pour des griefs allant de détournement de mineure avec fraude jusqu’à l’attentat à la pudeur avec violence. Si le Code pénal prévoit la réclusion criminelle, les juges ont invoqué des circonstances atténuantes pour alléger les peines ce qui a engendré la colère noire parmi de nombreux acteurs de la société civile et l’indignation de l’opinion publique.
Agée de 13 ans, la victime violée à 11 ans, a eu une grossesse. Après l’accouchement, un test ADN joint au dossier en première instance a établi la filiation parentale du mis en cause, sans contraindre ce dernier ni à la reconnaissance du nouveau-né, ni au versement d’une pension. En effet, la preuve scientifique reconnue par les juges n’a pas été tenue en compte dans le jugement. Ce dernier invoque « la situation sociale » des accusés et l’absence d’antécédent judiciaires, ainsi que l’interprétation de la loi au bon vouloir de l’autorité judiciaire, pour motiver une peine largement en-dessous de ce que prévoient les dispositions pénales.
La veille de cette première audience, un sit-in devait se tenir devant la Cour d’appel au Palais de justice de Rabat. A l’initiative de la Coalition « Printemps de la dignité », le rassemblement a pour objectif de réunir acteurs de la société civile et simples citoyens, afin de demander justice pour la victime.
A signaler aussi que Ladite Coalition a adressé, mardi, une lettre ouverte à Mohamed Abdennabaoui, es qualité de président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), à El Hassan Daki es qualité de président du ministère public, outre Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, au sujet de la sentence dans le viol de Tiflet.
La coalition a souligné dans sa missive que ce verdict « ne réparera pas les dommages physiques et psychologiques profonds d’une enfant qui a subi des agressions sexuelles répétées » et, fait plus grave, considère que ce jugement « approfondit le sentiment d’injustice et d’exclusion du droit à la justice » de la part des victimes de ces actes criminels, « avec ce que cela comporte en termes de sécurité juridique et judiciaire ».
La coalition estime qu’« il y a lieu, dans ce cas particulier, comme dans d’autres, que les différentes autorités concernées enquêtent, y compris le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), doté d’un mécanisme national de plaintes pour les enfants victimes de violations de leurs droits ». Ceci permettra d’« identifier où se situe la faille dans ce qui s’est passé, pour que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne demeure pas un prétexte ou une façade dissimulant les injustices », insiste-t-elle. Dans ce sens, elle souligne que la pratique de la justice prouve « l’urgence d’une réforme radicale et globale du droit pénal, reconsidérant le ‘pouvoir discrétionnaire’, dans sa portée, ses fondements et sa philosophie, et dans la grande disparité entre les peines maximales et minimales, ainsi que dans les circonstances atténuantes du crime de viol et autres agressions sexuelles ».
La coalition a saisi l’occasion pour appeler à « une révision complète du Code de procédure pénale et la suppression des obstacles spécifiques aux ONG féministes pour se porter partie civile dans les cas de violences faites aux femmes ».