« Notre triade nucléaire est plus moderne que n’importe quelle autre », a estimé V. Poutine ce 13 mars, lors d’un entretien fleuve accordé à Rossia-1. « Cela ne signifie pas que nous devons nous mesurer les uns les autres en nombre de vecteurs et de charges, mais il faut le savoir », a ajouté le maitre du Kremlin. Les États-Unis « développent leurs composants. Nous aussi. Cela ne veut pas dire à mon avis qu’ils veulent déclencher une guerre nucléaire, mais s’ils le veulent […] on est prêts », a-t-il estimé. Le dirigeant russe a néanmoins écarté une telle option, répondant à la relance de Dmitri Kissilev, qui évoquait les « difficultés » sur le front à l’automne 2022, et la retraite des troupes russes de Kherson.
« Pourquoi devrions-nous utiliser des moyens de destruction massive ? Il n’y a jamais eu une telle nécessité », a-t-il déclaré, soulignant que le retrait avait été proposé par le commandement russe et ajoutant que la doctrine militaire russe ne prévoyait l’usage de l’arme ultime que si l’existence de la Russie était menacée ou en cas « d’atteinte à la souveraineté de l’État et à notre indépendance ».
Le président russe a également réagi pour la première fois personnellement aux propos d’Emmanuel Macron, qui avait déclaré le 26 février « ne pas exclure » l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, estimant que cela ne changerait rien à la situation sur le champ de bataille et à l’issue du conflit. « S’il s’agit de contingents militaires officiels de pays étrangers, je suis certain que cela ne changera pas la situation sur le champ de bataille. C’est le plus important, tout comme l’envoi d’armes ne change rien », a balayé V. Poutine.
« En ce qui concerne ces États qui déclarent ne pas avoir de lignes rouges à l’égard de la Russie, ces États doivent comprendre les conséquences que la Russie n’aura pas de lignes rouges à leur égard », a-t-il encore poursuivi. Et d’ajouter que « quand ces petits États appellent à durcir la politique à l’égard de la Russie, notamment le déploiement de troupes, ces États doivent comprendre les répercussions de ces déclarations provocatrices. » « Ceux qui peuvent les ressentir se comportent avec beaucoup plus de retenue », a-t-il enfin fait remarquer.
Ces propos interviennent alors que la Russie est en position de force depuis l’échec de la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023. À cela s’ajoute le ralentissement de l’aide occidentale, soulevant des inquiétudes en Europe sur les capacités des troupes de Kiev à tenir encore la ligne de front.
Avril Haines, directrice du renseignement américain (DNI), a souligné de son côté que la Russie reste un « adversaire résilient et compétent dans un large éventail de domaines » pour les États-Unis, sans chercher la confrontation directe, souligne un rapport de l’agence. « La Russie ne souhaite certainement pas un conflit militaire direct avec les États-Unis et les forces de l’Otan et poursuivra ses activités asymétriques en dessous de ce qu’elle estime être le seuil d’intervention militaire », précise ce document.
Sur le plan économique, le rapport rappelle que Moscou est parvenu à contourner les plafonds sur le pétrole que voulaient imposer le G7. Malgré toutes les sanctions, la Russie reste par ailleurs le deuxième exportateur de gaz naturel liquéfié vers l’Europe.
« Moscou a réussi à dérouter la plupart de ses exportations pétrolières maritimes et vend probablement des volumes nettement supérieurs aux plafonds de prix fixés par le G-7. La Russie a accentué son recours à des options non occidentales pour faciliter le déroutement de son pétrole », notent les renseignements US.
En matière de diplomatie, Moscou se tourne désormais vers la Chine, l’Iran et les « principaux pays du Sud » pour trouver des partenaires, note encore le rapport.
Moscou a souligné à plusieurs reprises que l’Alliance de l’Atlantique Nord visait la confrontation, critiquant une expansion à l’Est nocive pour la sécurité en Europe. Le Kremlin a souvent déclaré que la Russie ne constituait pas une menace pour les pays de l’Otan, indiquant cependant qu’elle n’ignorerait pas les actions potentiellement dangereuses pour ses intérêts.