Evgéni Prigojin, « patron » du fameux groupe Wagner, entouré de ses hommes dans ce qui était présenté comme une des mines de sel de Soledar : telle est l’image qui a fait le tour du monde dans la nuit de mardi à mercredi. C’est comme cela que Wagner avait annoncé la prise de contrôle de la ville, tout en précisant que les combats s’y poursuivaient.
Sur l’issue de cette bataille, le Kremlin avait recommandé la prudence. Avant que l’annonce officielle de la prise de Soledar ne soit confirmée par la Défense russe. Le ministère de la Défense, lui, donne plus de détails sur les pertes humaines et matérielles ukrainiennes, sur les forces en présence côté russe dont « des troupes aéroportées ».
Une heure après cette annonce est apparue sur la chaîne Telegram officielle d’E. Prigojine un échange avec un média, comme la chaîne le fait souvent. La question portait sur les menaces que les États-Unis font peser sur le groupe. « Les États-Unis sont un adversaire sérieux, mais pour le moment, pas un adversaire clé (…) Des dommages importants peuvent être causés à Wagner par (…) la corruption, la bureaucratie et les fonctionnaires qui veulent rester à leur place. » Et d’ajouter : « on essaie constamment de voler la victoire aux soldats de Wagner ». Sans préciser qui est ce « on ».
Face à cette avancée russe qui en annonce d’autres dans les prochains jours, le soutien occidental à l’Ukraine n’en finit pas de croître. En plus d’avoir inauguré une vague de dons de blindés à l’Ukraine, Paris s’apprêterait à fournir un système antiaérien et ferait pression pour l’envoi de chars lourds Leopard 2.
En dépit de son implication dans l’armement de l’Ukraine, la France se défend de toute cobelligérance. Des blindés par dizaines, des canons automoteurs et des systèmes antiaériens dernier cri… au niveau des promesses de dons militaires, l’année débute en fanfare pour Kiev.
Selon L’Opinion, à la suite de la rencontre à Kiev entre Sébastien Lecornu et son homologue ukrainien Oleksy Reznikov fin décembre, Paris s’apprêterait à fournir à l’Ukraine une batterie de son système antiaérien moyenne portée dit « MAMBA SAMP/T ». Tout comme le Patriot US, ce système franco-italien sophistiqué dispose de capacités antibalistiques. Il « pourrait donc être déployé en Ukraine durant l’été prochain», précise le quotidien dans sa livraison du 10 janvier – compléterait les systèmes Patriot promis par Washington et Berlin ainsi que le système NASAMS acheté par Ottawa. Un achat canadien pour le compte de Kiev, chiffré à plus de 400 millions de dollars, annoncé à l’issue de la rencontre entre Justin Trudeau et Joseph Biden le 10 janvier à Mexico.
La veille, le Premier ministre suédois déclarait que les canons automoteurs «Archers» − jusque-là refusés à Kiev − feraient partie du prochain paquet d’aides de son pays à l’Ukraine. Il serait question de céder 12 de ces pièces d’artillerie mobiles, soit le quart de la dotation de l’armée suédoise.
Sky News relate qu’à Londres la question d’envoyer aux Ukrainiens des chars de combat Challenger 2 se poserait « depuis quelques semaines ». Si cette livraison britannique était entérinée, elle constituerait une nouvelle étape en matière de livraisons d’armements, après celle qui a été franchie par Paris le 4 janvier et sa promesse de livrer aux forces ukrainiennes des chars légers AMX-10 RC.
Par cette annonce d’envoyer à Kiev des blindés, les premiers de conception occidentale, l’Elysée a brisé un tabou et surtout franchi une « ligne rouge » qu’Emmanuel Macron avait lui-même désignée en mars dernier. Dès le 5 janvier, Olaf Scholtz était mis sous pression et finissait par promettre à son tour 40 véhicules de combat d’infanterie (VCI) «Marder». Visiblement dans les starting-blocks, les Etats-Unis ont dès le 5 janvier promis de livrer à Kiev 50 VCI «Bradley».
« Nous avons le devoir d’aider [Kiev] à se défendre » plaidait, le même jour, la ministre françaises des Affaires étrangères Catherine Colonna sur le plateau de LCI. Invoquant les « principes fondamentaux du droit international » et soutenant que des « discussions diplomatiques » étaient en cours avant le début de l’offensive russe, la cheffe de la diplomatie française a rejeté l’idée d’une quelconque « course à l’armement ». Elle a également contesté que les dernières annonces de livraisons de Paris puissent être perçues par Moscou comme un acte de cobelligérance.
A Moscou, l’interprétation est autre. « Avec leur décision provocatrice de fournir au régime de Kiev des chars à roues de leur production, les Français ouvrent de plus en plus la boîte de Pandore et s’engagent de plus en plus dans le conflit. Eh oui, c’est ainsi. Et comment le dire autrement ?», a ainsi réagi le Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
La diplomate russe a en outre qualifié de « douteuse » la déclaration de la ministre française. Régulièrement, depuis le lancement de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, Moscou met en garde contre l’escalade du conflit lié à l’envoi par des puissances étrangères d’armements à Kiev.
Fin septembre, dans la foulée de son allocution à l’Assemblée générale des Nations unies, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, déclarait notamment qu’« en livrant des armes à Kiev, les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN ne peuvent pas prétendre avoir un statut neutre, ils ne peuvent pas prétendre qu’ils ne participent pas au conflit ».
Le 20 janvier prochain, pour la troisième fois depuis le début de l’offensive russe, les sponsors de l’Ukraine se réuniront sur la base américaine de Ramstein en Allemagne. Sous la houlette de Lloyd Austin, Secrétaire américain à la Défense, il est attendu que les Occidentaux s’entretiennent notamment sur l’envoi de nouveaux types d’armements à l’Ukraine. Nul doute que les progrès des forces russes autour de Bakhmout devraient faire l’objet d’une attention toute particulière.