« Ce n’est pas acceptable et nous demandons aux entreprises concernées de ne pas se conformer à la demande du président russe Poutine », a déclaré Robert Habeck, ministre allemand de l’Économie, aux journalistes à Berlin, à l’issue d’une réunion par vidéoconférence avec ses homologues du G7. « Tous les ministres ont pleinement convenu qu’il s’agit d’une démarche unilatérale et d’une violation manifeste des contrats existants », a-t-il ajouté.
Le président russe avait donné ordre à son gouvernement, la semaine dernière, pour que les livraisons d’énergie aux « pays inamicaux », c’est-à-dire aux nations qui l’ont frappé de sanctions à la suite de sa guerre contre l’Ukraine, soient payées en roubles russes.
« Le refus du G7 de payer le gaz russe en roubles aboutira à l’arrêt de l’approvisionnement sans aucun doute », a déclaré Ivan Abramov, député membre de la commission des politiques économiques du conseil de la fédération du parlement russe, selon les agences russes.
Vladimir Poutine a chargé le gouvernement, la Banque centrale et Gazprom de prendre les mesures nécessaires pour changer la monnaie de paiement des fournitures de gaz en rouble d’ici le 31 mars. Une décision qui prend de plein fouet les puissances occidentales qui se sont lancées dans des sanctions très sévères contre la Russie pour punir son opération militaire en Ukraine, sans prendre en considération la réaction de Moscou. « Le gouvernement russe, avec la Banque centrale de Russie et la société par actions publique (Gazprom), doit mettre en œuvre un ensemble de mesures pour changer la monnaie de paiement des livraisons de gaz naturel aux pays de l’Union européenne et d’autres pays, qui ont pris des mesures restrictives à l’encontre des citoyens russes et d’un certain nombre d’entités juridiques russes, au rouble russe », a prescrit un communiqué de presse du Kremlin, publié lundi.
Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’instruction donnée par le président russe le mercredi 23 mars de transférer dans les meilleurs délais tous les paiements pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe dans la monnaie nationale, soulignant que « cela n’a aucun sens de fournir des biens russes à l’Union européenne ou aux États-Unis d’Amérique et de recevoir des paiements en euros et en dollars. »
Suite aux sanctions prises par les puissances occidentales et certains de leurs alliés de sanctionner la Russie, cette dernière a établi une liste d’Etats « inamicaux » comprenant tous les pays de l’Union européenne, ainsi que les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Japon, le Canada, la Norvège, Singapour, la Corée du sud la Suisse et l’Ukraine. Sachant que l’Union européenne importe 40% de ses besoins en gaz russe, pour un montant estimé entre 660 et 880 millions de dollars quotidiennement, ses pays devraient chercher des roubles pour payer ce qui leur est dû. Alors qu’il est impossible de substituer le gaz russe dans le proche avenir.
Dans une interview avec le quotidien américain New York Times, l’économiste Claus Vistesen estime qu’il ne sait pas s’il y a d’autres moyens de payer la facture de gaz russe.
Interrogé par l’agence Reuters, Leon Izbicki de la société de consultations Energie Aspects a indiqué : « On ne sait pas à quel point il sera facile pour les clients européens de convertir leurs paiements en rouble, compte tenu du volume de leurs achats… Sachant qu’il n’y a pas de sanctions qui vous empêchent de payer le gaz naturel russe en roubles. » Il a ajouté que la Banque centrale russe pourrait fournir des liquidités supplémentaires aux marchés des devises, permettant aux entreprises et aux banques européennes d’acheter les roubles nécessaires sur le marché.
Entretemps, la décision du Kremin a permis de compenser de 20% les pertes du rouble face au dollar occasionnées par le gel par les Etats-Unis des avoirs de la Banque centrale russe en dollars, depuis le début de l’opération russe en Ukraine le 24 février. Selon les experts la monnaie russe va continuer à monter, d’autant plus que la décision inclut la vente d’exportations autres que le gaz. Sur le moyen terme, cette mesure pourrait accélérer le renoncement au dollar comme monnaie incontournable pour les échanges mondiaux. Surtout si la Chine décide de se débarrasser de ses réserves en dollars estimés à 3500 milliards de dollars et d’utiliser sa monnaie pour ses tractations.
Pékin dit stop à Washington !
A noter que l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole a elle aussi menacé de l’exporter en Yuan pour obtenir davantage de soutien US dans sa guerre au Yémen.
En droite ligne de cette tension, le ministère chinois des Affaires étrangères a demandé à Washington à s’abstenir de nuire aux intérêts chinois à la suite de l’imposition de sanctions à Moscou. Concernant les sanctions occidentales imposées à la Russie depuis son opération militaire en Ukraine, le communiqué estime que « les sanctions contre Moscou causent des dommages aux mouvements commerciaux entre la Chine et la Russie ». Selon le texte, « les sanctions ne résolvent pas les problèmes, mais créent une escalade des crises, notamment dans les domaines de l’énergie, de la sécurité alimentaire et d’autres secteurs. »
Le ministère chinois a souligné que 140 des plus de 190 États membres de l’ONU n’avaient pas adhéré aux sanctions unilatérales contre la Russie. « Cela signifie que la plupart des pays du monde adoptent une position prudente et responsable sur cette question », a-t-il déclaré. « J’espère que les parties concernées feront preuve de sang-froid, concentreront leurs efforts sur le progrès des négociations et ne chercheront pas à durcir les sanctions », a conclu le ministère chinois.
Il y a quelques jours, la Chine a exhorté les États-Unis à lever tous les droits de douane imposés sur ses exportations, appelant au renforcement des relations commerciales et économiques entre les deux pays.