La poignée de main échangée en ouverture du dialogue de Shangri-La entre L. Shangfu et L. Austin, dont ont beaucoup parlé les réseaux en Chine, est déjà oubliée. Dimanche 4 juin, après un salut militaire du public, le ministre chinois de la Défense s’en est pris aux USA. « Certains pays » aimeraient imposer leurs règles à d’autres, a déclaré le général chinois. « Ils pratiquent les deux poids, deux mesures et ne servent que leurs intérêts », tout en s’immisçant dans les « affaires intérieures d’autres pays » et en adoptant une « mentalité de guerre froide », a-t-il dénoncé lors de la conférence sur la défense et la sécurité en Asie-Pacifique.
A ces critiques s’ajoute une dénonciation d’un ordre international servant, selon le responsable chinois, les intérêts d’une poignée de pays. Un refrain repris cette semaine par des académiciens chinois comme Lei Xiaolu, professeur associé au China Institute of Boundary and Ocean Studies (CIBOS) de l’Université de Wuhan et vice-directeur du SCSPI, selon laquelle les États-Unis « ne respecteraient pas le droit international » notamment en ce qui concerne le droit de navigation. « Nous voyons certains pays en dehors de la région exercer leur hégémonie de la navigation au nom de la liberté de navigation (…) Chaque jour, je vois beaucoup d’informations sur les navires étrangers et les avions de chasse qui arrivent dans des zones proches de notre territoire. Ils ne sont pas ici pour un passage innocent », a affirmé L. Shangfu, alors qu’un contre-torpilleur américain et une frégate canadienne transitant dans le détroit de Taïwan samedi sont accusés de « provocation » par la Chine. Le commandement indo-pacifique américain a, de son côté, parlé de manœuvres dangereuses de la part du destroyer chinois qui leur a coupé le passage.
Le ministre chinois de la Défense a réitéré la position de Pékin sur Taïwan, affirmant que l’île était « le cœur des intérêts fondamentaux de la Chine », et restait un problème interne pour la Chine, hors limites pour les gouvernements étrangers. « Taïwan est le Taïwan de la Chine, et la façon de résoudre la question de Taïwan est une question que les Chinois doivent décider », a déclaré le général chinois. Le principe d’une seule Chine de Pékin – qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan lui appartient – était devenu une « norme de base universellement reconnue régissant les relations internationales ».
Le sujet de Taïwan et des mers de Chine devraient donc revenir au menu des discussions entre les deux superpuissances, à l’occasion de la visite de Daniel Kritenbrink, principal diplomate américain pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, en Chine et en Nouvelle-Zélande, à partir de dimanche.
A signaler aussi que les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud échangeront en temps réel des données « afin d’améliorer la capacité de chaque pays à détecter et à évaluer les missiles lancés par la Corée du Nord ». Cette annonce a été faite après l’échec du lancement, par Pyongyang, d’un satellite espion, en violation des résolutions de l’ONU, assurent les trois partenaires. Depuis un an, la Corée du Nord multiplie les essais de missiles balistiques et s’est déclarée puissance nucléaire.
La réconciliation entre le Japon et la Corée du Sud après des années de querelles incite les États-Unis à prendre des mesures pour moderniser leur alliance et renforcer la dissuasion avec leurs deux plus importants alliés en Asie. L. Austin, estime que les trois pays sont confrontés à des défis communs « liés au comportement coercitif de la Chine, aux dangereuses provocations de la Corée du Nord et à la cruelle guerre choisie par la Russie en Ukraine ».
Face aux tirs de missiles nord-coréens, le Japon a décidé de se doter d’une capacité de contre-attaque. Les États-Unis vont encourager les trois pays à rendre leurs forces militaires « plus polyvalentes, plus résistantes et mobiles ». Et à mener des exercices militaires en commun.
Le Japon et la Corée du Sud ont privilégié l’option d’aligner leur stratégie de défense sur celle des États-Unis. Yoon Suk-yeol, président sud-coréen, a déclaré que « la question de Taïwan n’est pas simplement une question entre la Chine et Taïwan, mais comme la question de la Corée du Nord, c’est une question mondiale ».