À une semaine de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 adoptée sans vote à l’Assemblée nationale le 20 mars dernier, les opposants à la réforme des retraites sont à nouveau mobilisés sur l’ensemble du territoire français. Selon les premiers chiffres annoncés par la CGT, quelque 400 000 personnes seraient présentes dans les rues parisiennes, contre 450 000 lors de la précédente manifestation parisienne. Près de 2 millions de manifestants dans tout le pays, selon les syndicats.
De son côté, le ministère de l’Intérieur a annoncé que 57 000 personnes ont défilé à Paris (contre 93 000 manifestants le 28 mars) et 570 000 dans tout le pays (contre 740 000 lors de la 10e mobilisation). Cent onze interpellations dans tout le pays lors de cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites et 154 policiers et gendarmes blessés, « certains gravement », selon un bilan provisoire tweeté par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur.
Avant le départ du cortège parisien, Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT a fustigé un gouvernement qui « vit dans une réalité parallèle », l’accusant de faire « comme si de rien n’était » face à la « profonde colère » contre la réforme. Laurent Berger, numéro un de la CFDT, a observé que « la contestation est toujours aussi forte » même si les chiffres de participation du jour ne sont « pas les plus importants depuis le début » du mouvement social. Les organisations syndicales annoncent une nouvelle journée de mobilisation le 13 avril. L’intersyndicale paraissait unie jeudi au départ du cortège parisien.
En fin de matinée, des cheminots ont aussi envahi brièvement l’ancien siège du Crédit Lyonnais à Paris, où se trouvent actuellement plusieurs entreprises de la finance, notamment BlackRock, le géant de Wall Street. « On est là ! » ont chanté les militants SUD-Rail et CGT dans le hall de l’immense immeuble dans le IIe arrondissement de la capitale, choisi parce qu’il symbolise selon eux les banques et la richesse. Les manifestants qui ont envahi le bâtiment ont entamé des chants ciblant directement BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, avant de reprendre en cœur « Anti, anti-capitalistes » au milieu de la fumée générée par les fumigènes. Entrés vers midi sans obstacle ni violence, les manifestants en sont ressortis vers 12h20, poursuivant leur manifestation dans le centre de Paris, sous le regard étonné ou amusé des passants.
Dans la matinée, la banque Natixis, filiale de Banque Populaire Caisse d’Épargne (BPCE), a aussi été la cible de militants. L’ONG altermondialiste Attac a occupé pendant deux heures le hall du siège de l’entreprise situé dans le 13e arrondissement de Paris, selon des publications sur Twitter de l’ONG. Les militants arboraient une banderole « la fraude fiscale nuit gravement à nos retraites ». Natixis et quatre autres banques font l’objet d’une enquête du parquet national financier (PNF) pour des soupçons de fraude fiscale.
Autre symbole, un départ de feu a été constaté à la Rotonde, célèbre brasserie parisienne appréciée par le président français après un jet de fumigène. Parti de l’esplanade des Invalides en direction de la place l’Italie, le cortège est donc passé devant le célèbre restaurant où Emmanuel Macron avait célébré en 2017 sa qualification pour le second tour de la présidentielle. C’est alors qu’« un groupe en noir » placé à l’avant de la manifestation a « envoyé des projectiles », dont des « bouteilles, pavés et pétards » sur les forces de l’ordre qui se sont placées en protection de la brasserie, selon un journaliste de l’AFP. Un peu plus loin, sur le boulevard Raspail, un groupe de manifestants radicaux s’en est pris à une agence bancaire après avoir retiré les plaques de protection. Les forces de l’ordre, cibles de nouveaux projectiles, ont usé de gaz lacrymogène pour les disperser, a constaté l’AFP.
Même si, comme l’assure le ministère de l’Intérieur, le nombre de manifestants était ce jour de 570 000 partout en France, en baisse par rapport à la semaine dernière, la colère contre Emmanuel Macron et son gouvernement reste intacte et les manifestants promettent d’aller « jusqu’au bout ».
Des actions de blocages aux portes de grandes villes ont provoqué des embouteillages, notamment à Lyon et Rennes, mais aussi autour de Brest et Caen. L’exécutif, table sur un essoufflement du mouvement. L’entourage du président assume un projet « porté démocratiquement » et rejette la responsabilité de l’échec du dialogue sur les syndicats, et notamment la CFDT qui n’a pas « voulu entrer dans un compromis ».
Un peu moins de deux mois après la première journée de grève, qui avait eu lieu le 19 janvier, les perturbations s’annonçaient en effet moindres dans les transports en commun, notamment à la SNCF, avec trois TGV sur quatre et un TER sur deux et, à Paris, un trafic « quasi normal » pour le métro et le RER.
Selon l’Éducation nationale, environ 8% des enseignants se sont déclarés grévistes. Toutefois, quelques lycées et universités font l’objet de blocages, par exemple, à Paris, la Sorbonne et Assas. À Rennes, la faculté de droit a été fermée, tout comme les trois campus de Lyon-2.
Les syndicats, toujours déterminés ont prévu de se retrouver dans la soirée pour décider d’une éventuelle nouvelle journée de mobilisation.