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Les BRICS se mobilisent : Cap sur la dédollarisation !

Les ministres des Affaires étrangères des BRICS ont appelé à mettre en place un système commercial plus juste et équitable, passant par une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Cap sur la dédollarisation !

Réunis au Cap, les ministres des Affaires étrangères du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud) ont débattu des améliorations à apporter au système commercial mondial. Ils ont exhorté à mettre en place un modèle plus équitable à l’endroit des pays en développement, selon une déclaration conjointe publiée suite à la rencontre. « Les ministres ont exprimé leur soutien à un système commercial multilatéral libre, ouvert, transparent, juste, prévisible, inclusif, équitable, non discriminatoire et fondé sur des règles, dont l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est le noyau, avec un traitement spécial et différencié pour les pays en développement, y compris les pays les moins avancés », indique le document.

Pour atteindre cet objectif, les BRICS ont insisté sur les nécessaires réformes de l’OMC. L’organe d’appel de l’institution, qui compte sept membres, devrait se renouveler, estiment notamment les ministres réunis au Cap. Lesquels ont également invité à ne pas instrumentaliser l’argument écologique pour fausser le jeu commercial mondial. « Ils ont appelé à l’élection de nouveaux membres de l’organe d’appel de l’OMC sans plus tarder. Ils ont condamné les mesures protectionnistes unilatérales sous couvert de considérations environnementales, tels que les mécanismes unilatéraux et discriminatoires, les ajustements du plafond carbone, les taxes et d’autres mesures », indique ainsi la déclaration conjointe.

D’autres grands sujets ont été abordés lors de la réunion des ministres, comme la dédollarisation et la possible mise en place d’une monnaie alternative. La question de l’élargissement du groupe a aussi été évoquée, alors que certains pays africains, comme l’Algérie, ont déjà formulé une demande d’adhésion.

« La grande crainte de l’Europe et des États-Unis, c’est que s’il y a une émancipation des BRICS, s’il y a une émergence du monde multipolaire avec d’autres puissances indépendantes, c’est la fin du règne non seulement militaire, mais du règne financier des États-Unis. Parce que la suprématie du dollar, c’est au fond avoir une rente gratuite sans payer le prix », déclare ainsi Guy Mettan, politologue et député au Grand Conseil de Genève.

Le député genevois souligne d’ailleurs que de nombreux pays africains ont commencé à jouer leur propre partition, depuis que Moscou a « dit stop à l’ingérence des États-Unis et du monde occidental » sur le dossier ukrainien. Bamako a notamment haussé le ton face à Paris, alors que le Président congolais n’en finit pas de critiquer son homologue français Emmanuel Macron.

Un phénomène de dédollarisation s’est ainsi mis en place, porté par les pays émergents. Il passe par exemple par l’usage de devises locales pour commercer. La Chine et l’Inde tentent notamment d’internationaliser le yuan et la roupie, en proposant des partenariats à plusieurs États africains. « Certains aimeraient désormais faire notre commerce dans d’autres monnaies que le dollar. C’est une bonne surprise, je dirais, pour ceux qui défendent une vision un peu plus indépendante, autonome, souveraine de l’Afrique et pour ceux qui défendent un monde multipolaire », affirme ainsi G. Mettan.

Une logique similaire est à l’œuvre au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui planche pour leur part sur une monnaie commune. Celle-ci pourrait être basée sur « l’alliance des cinq R » (rouble, roupie, renminbi, round, réal brésilien), ou bien adossée aux ressources naturelles comme le pétrole, explique G.Mettan qui souligne qu’un tel projet donnerait « une confiance et une dynamique énorme » au groupe des cinq.

Face au G7, les BRICS accroissent constamment leurs positions indique, pour sa part, le général Dominique Delawarde, ex-officier supérieur de l’armée française.

L’organisation qui comprend pour l’heure cinq membres devient le centre d’intérêt d’une vingtaine de pays qui voudraient y adhérer. Au fur et à mesure de son élargissement, elle serait économiquement plus puissante que le G7 suggère-t-il. « Si les BRICS -et ils vont le faire je pense- accueillent de nouveaux candidats comme membres à part entière, un ou deux par exemple par année. Petit à petit, […] leur PIB va distancer très vite celui du G7. Le G7 va devenir marginal. Le G7, c’est 30% du PIB mondial. Ça veut dire que 70% du PIB mondial n’est pas dans les pays du G7. Et les puissances basculant de plus en plus… », a-t-il estimé.

Outre la force économique, les BRICS favoriseront la transition vers la multipolarité et la prédominance occidentale s’écroulera. De plus, les pays africains misent sur une coopération avec l’organisation et avec Moscou, acceptant de prendre part au sommet Russie-Afrique en juillet. « La Russie et la multipolarité surtout, est en train de gagner tranquillement, sereinement », a-t-il poursuivi.

En effet, la dynamique du changement géopolitique du monde est claire. C’est notamment « en faveur des BRICS, du monde multipolaire et ce monde, que ça plaise ou non aux néoconservateurs américains, ça va se faire et ça se fait. Et le dollar va perdre de sa puissance », a tranché l’ancien général français tout en ajoutant que ce passage est « incontestable » même s’il pourrait prendre quelques années à se réaliser. D’après lui, « le dollar américain va se transformer en billet de Monopoly du jeu de Monopoly, sans valeur ».

Et le jour où les Américains « perdront la suprématie de la monnaie de réserve qu’est actuellement le dollar, le jour où une majorité d’États refusera d’adopter dans les échanges le dollar, la puissance américaine sera laminée et terminée par une crise énorme », a-t-il relevé tout en citant plusieurs experts américains comme MacGregor, Mearsheimer, Hersh qui parlent de même.

Enfin, ce ne sont pas seulement les États-Unis mais l’Occident en général qui est en jeu.

« Le concurrent de l’Occident global, c’est bien les BRICS ou l’Organisation de coopération de Shanghaï, ces organisations menées par la Russie et par la Chine. On est en train de leur donner nous-mêmes un plus de compétitivité », a précisé l’ex-officier au sujet du refus des pays occidentaux d’acheter des hydrocarbures russes bon marché.  « Et nous, on s’est tiré une balle dans la tête, effectivement. Mais il faut un certain temps pour s’en apercevoir », a-t-il conclu.

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