La Défense civile à Gaza a fait état de 14 martyrs mardi lesquels s’ajoutent à six autres ayant succombé dans des raids israéliens contre Khan Younes et Beit Lahia dans la bande de Gaza. Un raid aérien a été signalé mardi contre la ville de Gaza et l’artillerie sioniste a été actionnée contre Abassan al-Kabira. Autant dire que le bilan des victimes est appelé à être revu à la hausse au regard des opérations israéliennes aussi massives qu’indiscriminées.
La veille lundi, le Comité international de la Croix-Rouge avait dénoncé « une attaque » contre ses locaux à Rafah. Dans ce raid, un « projectile explosif » a été utilisé alors que le siège du CICR était « clairement identifié et notifié auprès de toutes les parties ». Aucun membre du personnel n’a été blessé, a précisé le CICR. L’armée israélienne a prétendu avoir tiré sur le bâtiment sans le savoir, pensant avoir « identifié des suspects ». À Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, l’armée israélienne a poursuivi son « opération » lancée la veille dans le quartier Tel al-Sultan. L’objectif est de « démanteler les infrastructures terroristes et d’éliminer les terroristes dans la région ». On déplorait déjà 21 morts dans la matinée. Selon la Défense civile de Gaza, « environ 50 000 civils sont pris au piège » dans cette zone à cause des opérations qui ont « fait des dizaines de morts et de blessés ».
Les Israéliens intensifient aussi leurs bombardements aériens. On peut voir sur les réseaux sociaux, ces dernières heures, des images de zones habitées, de camps de tentes, pris pour cible.
Deux journalistes abattus
Un journaliste travaillant pour Al Jazeera a été tué, lundi 24 mars, dans une frappe israélienne contre la bande de Gaza où l’armée poursuit des opérations au sol en encerclant un quartier de Rafah, dans le sud du territoire palestinien. Hossam Shabat travaillait pour Al Jazeera Mubasher, le service arabophone de diffusion en direct, a précisé la chaîne qatarie. La Défense civile de Gaza a indiqué que sa voiture avait été visée par un drone à Beit Lahia (nord).
Selon des images de l’AFPTV, la voiture, qui portait l’estampille TV et le logo de la chaîne, a été touchée à l’arrière et le corps du journaliste a été retrouvé allongé sur le sol à proximité.
La Défense civile a également indiqué qu’un employé de la télévision du Jihad islamique Palestine Today, Mohamed Mansour, a été tué dans une autre frappe à Khan Younès (sud).
Le Syndicat des journalistes palestiniens a dénoncé « un nouveau massacre contre les journalistes ». Le 15 mars, quatre journalistes ont été tués dans une frappe israélienne à Beit Lahia où ils travaillaient ce jour-là pour une organisation caritative.Plus de 206 journalistes et employés de médias ont été tués depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza le 7 octobre 2023, selon le Syndicat.
Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU Stéphane Dujarric a pour sa part déclaré que des frappes sur des bâtiments des Nations unies le 19 mars à Deir el-Balah (centre), tuant un employé bulgare, avaient été causées par « un char israélien ».
L’accord de trêve arraché par les médiateurs après des mois de tractations difficiles était entré en vigueur le 19 janvier après 15 mois d’une guerre dévastatrice. Mais après des semaines de désaccord sur la poursuite de la trêve constituée de trois étapes, Israël a rompu celle-ci le 18 mars avec des bombardements massifs suivis d’offensives terrestres, disant vouloir forcer le Hamas à rendre les derniers otages qu’il détient. Pourtant l’accord stipulait la mise en œuvre de la 2ème étape de l’accord censé aboutir à libérer les 58 captifs israéliens toujours retenus à Gaza en échange des centaines de Palestiniens incarcérés dans les geôles de l’occupation.
La guerre génocidaire israélienne contre Gaza a fait au total 50.082 martyrs, majoritairement des civils, selon un bilan annoncé dimanche par le ministère de la Santé.
Lynchage de H. Ballal
L’armée d’occupation israélienne a arrêté Hamdan Ballal, l’un des coréalisateurs palestiniens du film documentaire oscarisé No other land, après qu’il a été violemment agressé par des colons israéliens, rapporte Haaretz. Selon le quotidien israélien, des dizaines de colons en Cisjordanie l’ont attaqué le blessant ainsi que d’autres personnes. Il a été placé dans une ambulance pour recevoir des soins, mais à l’arrivée des soldats israéliens, ceux-ci l’ont extrait du véhicule et arrêté.
Le journaliste israélien Yuval Abraham, autre co-réalisateur du film, a dénoncé cette agression sur X, affirmant que H. Ballal avait été « lynché » et souffrait de blessures à la tête et à l’abdomen.
Le film No other land traite de la colonisation israélienne en Cisjordanie vue par ceux qui la subissent. Il a remporté il y a moins d’un mois l’Oscar du meilleur documentaire après avoir été récompensé en 2024 du prix du meilleur documentaire à la Berlinale. Miki Zohar, ministre israélien de la Culture, avait qualifié l’attribution de l’Oscar au documentaire israélo-palestinien de « triste moment pour le monde du cinéma ».
Tourné à Massafer Yatta, zone du sud de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, le documentaire suit Basel Adra, un jeune Palestinien luttant contre ce que l’ONU qualifie de déplacement forcé des habitants des villages de cette région. Massafer Yatta, dont Adra, l’un des réalisateurs est originaire, a été déclarée zone militaire par Israël. Après une longue bataille judiciaire, la Cour suprême a donné raison en mai 2022 à l’armée israélienne, dans une décision ouvrant la voie à l’expulsion des habitants des huit villages installés là où l’armée souhaite établir un champ de tir.
La colonisation de la Cisjordanie par Israël est régulièrement dénoncée par l’ONU comme étant illégale au regard du droit international.
De tension en tension
Par ailleurs, un conflit ouvert a éclaté entre Israel Katz, ministre israélien de la Défense, et Eyal Zamir, le nouveau chef d’état-major de Tsahal, concernant l’enquête visant un officier supérieur à la retraite. Cette dispute, qui s’est intensifiée mardi matin, marque leur première confrontation publique depuis la prise de fonction de E. Zamir.
La controverse a débuté lorsque I. Katz a protesté contre la convocation du général de brigade Oren Solomon par la police militaire. O. Solomon aurait effectué une enquête critique sur les événements du 7 octobre 2023 dans le commandement sud, mettant en cause les hauts responsables militaires, ont rapporté les médias israéliens. « Le fait que le général Solomon, qui a mené une enquête autorisée sur les événements du 7 octobre où il critique le haut commandement militaire, soit convoqué pour interrogatoire soulève des questions », a déclaré I. Katz.
La réponse du chef d’état-major ne s’est pas fait attendre : « Je ne reçois pas d’instructions via les médias. L’allégation selon laquelle l’officier est interrogé en raison de son rôle dans les enquêtes sur le 7 octobre est fausse et sans fondement. » Selon E. Zamir, « l’officier a été convoqué pour des soupçons de graves violations de sécurité informationnelle » et qu’il « soutient les organes d’application de la loi militaire qui agissent conformément à la loi. »
Mardi matin, I. Katz a riposté en qualifiant la réaction du chef d’état-major de « superflue et déplacée », ajoutant qu’il « donnera des instructions au chef d’état-major, qui est subordonné à l’échelon politique, de la manière qu’il jugera appropriée. »
Selon des sources militaires, cette tension s’explique aussi par l’agacement des politiques face au soutien tacite de E. Zamir envers Ronen Bar, le chef du Shin Bet récemment limogé par Benyamin Netanyahu.