Damas a précisé jeudi que l’attaque a été réalisée au moyen de drones armés à la fin de la cérémonie, rendant compte d’un nombre important de morts parmi les civils et les militaires et de dizaines de blessés. « Nous allons riposter avec fermeté à ces groupuscules terroristes où qu’ils se trouvent. Les planificateurs et exécutants de cet acte ignoble en paieront le prix cher », assurait un communiqué de l’armée syrienne.
Selon l’agence russe Sputnik, l’attaque a visé un bâtiment de l’Académie des sciences militaires à l’ouest du gouvernorat de Homs, ville débarrassée des miasmes du terrorisme depuis près de trois ans.
Une source sécuritaire syrienne a démenti les rumeurs selon lesquelles le ministre syrien de la Défense se trouvait dans le bâtiment lors de l’assaut qui a eu lieu 20 minutes après son départ, selon elle. Elle a ajouté que l’attaque a été perpétrée pendant que les officiers prenaient des photos avec leurs proches, « raison pour laquelle des civils et de enfants ont péri ».
Selon la chaine de télévision saoudienne al-Arabiya, le chiffre des martyrs s’élève à 54. L’Observatoire syrien des droits de l’homme, tribune médiatique siégeant à Londres a pour sa part fait état de 7 tués et de plus de 20 blessés parmi les officiers syriens.
Les autorités syriennes évoquent, elles, un bilan de 89 morts, « dont 31 femmes et 5 enfants », et environ 277 blessés. L’attaque n’a pas été revendiquée. Des groupes jihadistes qui contrôlent une partie du territoire syrien ont parfois recours aux drones. Mais le recours à des drones armés à large rayon d’action a été avalisé par des puissances étrangères. Un doigt accusateur, rapporte la télévision libanaise Al-Mayadeen, est dirigé aussi bien vers la France que la Turquie. Ce dernier pays qui occupe un pan de la Syrie dispose d’au moins une centaine de points militaires dans la zone d’Idlib.
L’armée arabe syrienne a réagi par des bombardements massifs qui ont visé, selon des habitants, la région d’Idleb, dernier bastion rebelle du pays, dans le nord-ouest. L’OSDH a fait état de huit morts et 30 blessés. Les directions des groupes jihadistes ont intimé à leurs combattants l’ordre d’éviter les attroupements et de se terrer dans les abris-sous-terrains.
Vendredi 6 octobre, des dizaines de proches de victimes se sont rassemblés tôt le matin, le visage fermé, devant l’hôpital militaire de Homs d’où les ambulances ont commencé à transporter les dépouilles des officiers et des membres de leurs familles vers leur dernière demeure, selon un journaliste de l’AFP. Des soldats portant des couronnes précédaient les cercueils, au son d’une musique militaire. L’armée syrienne a accentué ses opérations dans la zone d’Idlib où l’activité militaire avait été gelée. L’escalade torpille les accords passés et libère Damas de ses engagements envers la Turquie.
Ankara à l’offensive
A rappeler que l’armée turque a mené jeudi des frappes de drones en Syrie contre des cibles militaires et des infrastructures dans des régions sous contrôle des Kurdes, tuant au moins neuf personnes, en représailles à un attentat à Ankara. La plupart des frappes ont eu lieu dans la province de Hassaké, sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition dominée par les Kurdes et soutenue par les Etats-Unis.
Dimanche, deux policiers ont été blessés dans un attentat à Ankara, revendiqué par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, turc), en lutte armée contre les autorités turques depuis 1984. La Turquie a affirmé que les auteurs de l’attaque avaient été formés en Syrie, pays voisin. Elle qualifie de « terroriste » la principale composante des FDS, les YPG (Unités de protection du peuple), qu’elle considère comme une extension du PKK. « Sept ouvriers ont été tués dans les raids » turcs qui ont notamment visé deux briqueteries, a affirmé à l’AFP Farhad Chami, des FDS. Selon lui, une série de raids ont visé des objectifs civils et militaires, dont un site pétrolier, un véhicule militaire et une motocyclette. « Il y a une escalade claire depuis les menaces turques » contre les zones contrôlées par l’administration kurde autonome dans le nord-est de la Syrie, a-t-il ajouté.
Selon Orient net, le site web d’une télévision de l’opposition syrienne, 10 personnes ont été tuées dont 6 miliciens des FDS. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), deux personnes ont été tuées dans le raid contre le véhicule. En représailles à l’attentat de dimanche, la Turquie a mené des frappes contre des positions du PKK dans le nord de l’Irak, pays frontalier de la Syrie et de la Turquie.
« Dorénavant, toutes les infrastructures et les installations, notamment énergétiques, appartenant au PKK et aux YPG en Irak et en Syrie constituent des cibles légitimes pour nos forces de sécurité », a averti Hakan Fidan, ministre turc des Affaires étrangères. « Je conseille aux parties tierces de se tenir à distance des lieux et des personnes affiliés au PKK et aux YPG », a-t-il ajouté.
Mazloum Abdi, chef des FDS, a démenti mercredi les accusations sur une éventuelle implication des forces kurdes syriennes dans l’attentat d’Ankara. « La Turquie cherche des prétextes pour légitimer ses attaques en cours contre notre région et lancer une nouvelle agression militaire », a-t-il affirmé.
Dans un communiqué jeudi, l’administration autonome kurde a appelé « la communauté internationale, la coalition internationale » ainsi que la Russie à « prendre des positions capables de dissuader » la Turquie. Les Etats-Unis, la Russie et la Turquie déploient des troupes dans des régions distinctes de Syrie. Mais seule l’armée russe bénéficie de l’agrément de Damas.
Le département d’Etat a affirmé que les Etats-Unis étaient « inquiets face à l’escalade militaire dans le nord de la Syrie » et appelé « à la désescalade ». À Washington, le ministère américain de la Défense a annoncé que les États-Unis avaient abattu jeudi un drone de leur allié turc, estimant qu’il représentait une menace potentielle pour des forces US sur place. « C’est vraiment un regrettable incident, les commandants américains ont estimé que le drone, qui se trouvait à moins de 500m des forces américaines, constituait une menace potentielle. Et en conséquence, des avions de combat F-16 américains ont abattu le drone par mesure d’autodéfense », déclare le général Pat Ryder, porte-parole du Pentagone.
Déclenché en 2011, le conflit en Syrie a fait plus d’un demi-million de morts et morcelé le pays, où les Etats-Unis, la Russie, alliée du régime, et la Turquie ont déployé des troupes dans différentes régions. La région contrôlée par l’administration autonome kurde est régulièrement visée par des attaques de drones turcs. Entre 2016 et 2019, la Turquie a effectué trois opérations d’envergure contre les forces kurdes.
Alerte russe
A souligner aussi que l’amiral Vadim Collet, chef adjoint du Centre russe de réconciliation en Syrie, a rapporté bien avant cette attaque contre Homs que « des groupes terroristes se préparent à lancer des attaques contre des sites militaires appartenant à Moscou et à Damas ». Ces groupes sont actifs, a-t-il assuré, dans les provinces d’Idlib, d’Alep et de Lattaquié.
V. Collet a également expliqué que les données reçues par le centre des services de renseignement syriens montraient que les groupes Parti islamique du Turkestan et Ansar al-Tawhid, pilonnés depuis jeudi par l’armée syrienne, se préparaient à mener des attaques contre des bases militaires russes et syriennes, en utilisant des drones de fabrication locale. Les deux groupes utiliseront également des systèmes de lancement de missiles multiples à longue portée, a-t-il ajouté. Le responsable russe a relevé aussi que « les dirigeants du groupe russe et des forces armées syriennes prendront des mesures nécessaires pour prévenir les provocations armées des terroristes ».
L’annonce du centre fait écho aux déclarations de Sergueï Narychkine, chef des renseignements étrangers russes, selon lesquelles les États-Unis « se préparent à aider les groupes armés à mener des attaques terroristes en Syrie ». D’après lui, « ces attaques visent des lieux publics très fréquentés, en plus des institutions gouvernementales syriennes ».