Les États-Unis estiment qu’Israël avait « le droit de défendre sa population » contre les militants islamistes, mais appellent à protéger les civils, après une opération de l’armée israélienne lundi qui a fait au moins huit morts en Cisjordanie occupée. « Nous soutenons la sécurité d’Israël et son droit à défendre sa population contre le Hamas, le Jihad islamique palestinien et d’autres groupes terroristes », a déclaré un porte-parole du département d’État américain. Un porte-parole du Conseil de sécurité nationale a ajouté dans un communiqué que l’administration « surveillait de près la situation ».
Mahmoud Abbas, dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP), a demandé lundi à la direction palestinienne de tenir une « réunion urgente » sur l’opération de Jénine, a rapporté l’agence de presse officielle Wafa. L’agence a également indiqué que l’AP et la Jordanie se sont entretenues à ce sujet.
La Jordanie avait auparavant déjà condamné « l’agression israélienne » à Jénine et appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il mette fin à l’opération avant que la situation « n’explose ». Selon le ministère jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi s’est entretenu avec Hussein al-Cheikh, haut responsable palestinien, pour condamner l’opération, la qualifiant de « dangereuse escalade qui déclencherait de vastes cycles de violence ».
A. Safadi a estimé que « les attaques israéliennes répétées contre les villes palestiniennes ne feront qu’accroître les tensions, qui sont également alimentées par des mesures israéliennes illégales qui sapent la solution des deux États et tuent l’espoir de parvenir à une paix juste et globale ». Le plus haut diplomate jordanien a également appelé Israël à s’engager dans des négociations pour parvenir à une solution à deux États.
De son côté, Ismaïl Haniyeh, leader du Hamas, a déclaré dans un communiqué que son peuple « sait comment répondre » à l’opération massive menée par Tsahal dans la ville de Cisjordanie. « Nous appelons notre peuple, dans toute la Cisjordanie, à se tenir aux côtés de Jénine et à défendre ses habitants afin de contrecarrer le plan de l’ennemi », a relevé le communiqué. « Le sang versé à Jénine déterminera la nature de la prochaine étape dans toutes les directions », a-t-il ajouté.
Ziad Nakhleh, chef du Jihad islamique palestinien, a qualifié de « massacre » l’opération menée à Jénine et a affirmé que son groupe réagira. « La résistance palestinienne et les brigades Al-Quds réagiront pour mettre fin à ce massacre », a-t-il ajouté.
Les Émirats arabes unis ont fermement condamné l’opération militaire, appelant à « l’arrêt immédiat des opérations répétées et croissantes contre le peuple palestinien ». sa diplomatie a également souligné la nécessité de revenir aux efforts de paix régionaux et internationaux et de mettre fin aux pratiques qui menacent une solution à deux États.
Le ton des Émirats arabes unis a été nettement moins virulent que celui de la Jordanie et de l’Égypte.
Ayman Odeh, député et président du parti Hadash-Taal, a déclaré que l’opération faisait partie d’un plan visant à annexer des pans de la Cisjordanie. « L’objectif est l’annexion de la zone C », a déclaré Odeh au début de la réunion de sa faction à la Knesset, faisant référence aux zones contrôlées par Israël dans le cadre des accords d’Oslo. « La nation palestinienne continuera à lutter jusqu’à ce qu’une nation soit formée sur les lignes de 1967, aux côtés de l’État d’Israël », a-t-il déclaré.
Lynn Hastings, coordinatrice humanitaire des Nations Unies pour la Cisjordanie et Gaza, a tweeté qu’elle était « alarmée » par l’ampleur de l’opération et a déclaré que « des frappes aériennes ont été utilisées dans le camp de réfugiés densément peuplé ». « L’accès à tous les blessés doit être assuré », a ajouté L. Hastings, précisant que son bureau « mobilisait les partenaires humanitaires pour fournir de l’aide ».
Dans une missive adressée aux troupes, le général de brigade Avi Blot, chef de la division militaire de Cisjordanie, a déclaré que l’objectif de l’opération majeure à Jénine est de « changer la situation » dans la ville de Cisjordanie. « La ville de Jénine, et en particulier le camp de réfugiés, est un bastion du terrorisme qui s’exporte dans toute la Cisjordanie et sur le front intérieur », a-t-il précisé. A. Blot a fait référence à l’opération « Bayit Végan », littéralement « Maison et Jardin », alors que l’unité du porte-parole de Tsahal avait précédemment déclaré que l’opération n’avait pas de nom officiel.
Des affrontements sporadiques et des frappes aériennes israéliennes se sont poursuivis tout au long de la matinée et de l’après-midi à Jénine.
Des membres du Bataillon de Jénine, branche locale du Jihad islamique palestinien, ont affirmé que leurs membres avaient ouvert le feu sur les troupes israéliennes dans la ville et avaient visé des véhicules militaires, dont un bulldozer D9, à l’aide d’engins explosifs.
Israël a frappé « avec une grande force » Jénine, « plaque tournante du terrorisme », où l’armée sioniste mène une vaste opération visant notamment le camp de réfugiés palestiniens de cette ville de Cisjordanie, a déclaré lundi Eli Cohen, ministre israélien des Affaires étrangères.
Les dirigeants du mouvement pro-implantations se sont quant à eux réjouis de l’opération menée par l’armée israélienne à Jénine, après une récente série d’attaques en Cisjordanie qui ont donné lieu à des demandes de la part des hommes politiques responsables des implantations en faveur d’une réponse militaire proactive.
A rappeler que le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont demandé à Israël de revenir sur sa décision d’autoriser la construction de nouveaux logements en Cisjordanie, et se sont dits « très préoccupés » par le feu vert donné à la construction de 5.700 nouveaux logements sur les 13 082 foyers d’établissement en projet.
Dans une déclaration commune publiée vendredi dernier, les ministres des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, Australie et Canada ont condamné « la poursuite de l’expansion des implantations » par Israël, décrite comme « un obstacle à la paix » et une décision « ayant un impact négatif sur les efforts pour parvenir à une solution négociée à deux États ».
« Nous sommes gravement préoccupés par l’autorisation donnée par le gouvernement d’Israël, le 26 juin dernier, de construire plus de 5 700 nouvelles unités de peuplement en Cisjordanie. Nous sommes également préoccupés par les changements apportés au processus d’autorisation des implantations par le gouvernement d’Israël, le 18 juin, qui l’accélèrent grandement », ont déclaré James Cleverly, Penny Wong et Mélanie Joly, respectivement ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, d’Australie et du Canada. « Nous demandons au gouvernement israélien de revenir sur ses décisions », ont-ils écrit.
Les ministres se sont également dits « profondément troublés par les violences et les morts en Israël et en Cisjordanie », et ont déclaré « condamner sans ambage toute forme de terrorisme ou de violence contre les civils, comme l’attentat terroriste du 20 juin à Eli contre des civils israéliens » et « les violences répréhensibles des résidents d’implantations envers les Palestiniens ».
La semaine passée, le Conseil de sécurité de l’ONU avait demandé que les auteurs des violences soient jugés, dans un communiqué de presse au ton manifestement adouci à la demande des États-Unis. Robert Wood, ambassadeur adjoint des États-Unis à l’ONU, a dit au Conseil que l’administration Biden partageait l’inquiétude née des violences. Il a ajouté que les États-Unis étaient « horrifiés par l’attentat terroriste brutal contre les Israéliens » à Eli, qu’ils condamnaient « avec la plus grande fermeté ». Il a par ailleurs condamné « les récentes attaques menées par des résidents d’implantations extrémistes contre des civils palestiniens, qui ont fait des morts, des blessés sans parler des dégâts importants ».
Washington avait déjà mis Israël en garde contre ses projets d’expansion des implantations, suite à l’annonce faite en ce sens par Jérusalem. L’administration Biden est de plus en plus franche dans sa critique d’Israël en matière d’implantations. En juin, le Secrétaire d’État Antony Blinken a ainsi qualifié les implantations « d’obstacle aux espoirs que nous portons », dans un discours prononcé devant le groupe de lobbying pro-israélien AIPAC.
Mais le gouvernement extrémiste d’Israël, qui compte un assez grand nombre de partisans et de théoriciens du mouvement des implantations, semble déterminé à profiter de l’occasion pour en finir avec l’idée d’un État palestinien, bien que Nenyamin Netanyahu assure avoir pour objectif de normaliser sa relation avec l’Arabie saoudite.
Un responsable américain a déclaré au Times of Israël, la semaine dernière, que la poursuite du mouvement des implantations « obère » les chances de parvenir à la normalisation, d’autant que Ryad est bien décidé à utiliser cet argument pour faire progresser la question de la souveraineté palestinienne.
Le gouvernement Netanyahu a par ailleurs adopté une résolution qui confère la quasi-totalité du contrôle sur les projets de construction en Cisjordanie à Bezalel Smotrich, ministre des Finances d’extrême droite, lui-même résident d’implantation et ardent défenseur du mouvement nationaliste. Cette décision aura pour conséquence d’accélérer et de faciliter le processus d’expansion des implantations existantes en Cisjordanie et de légalisation rétroactive de certains avant-postes illégaux.
Pour la communauté internationale et les Palestiniens, la construction de telles implantations est illégale et dénuée de toute légitimité, en plus d’être un obstacle à la paix. Plus de 700 000 Israéliens vivent aujourd’hui en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, territoires pris par Israël en 1967 et revendiqués par les Palestiniens pour la constitution d’un futur État.