#Libération_Palestine

Logo Perspectives med
Previous slide
Next slide

« La guerre cognitive » : Ce que préconisent les éminences grises de l’OTAN

Previous slide
Next slide
Grâce aux Big Data et autres nouvelles technologies, l'OTAN entend modifier non pas ce que pensent les individus mais leur manière de penser. Et ainsi «faire de tout un chacun une arme». On est en plein délire sur « la guerre invisible » telle qu’imaginée par les éminences grises qui phosphorent au service de l’Alliance atlantique.

«Le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle», résume un essai produit par iHub, think tank lié à l’OTAN, tout en dressant les contours d’un virage stratégique majeur que l’Alliance s’apprête à négocier.
Jusqu’à présent, l’organisation transatlantique définissait cinq domaines opérationnels pour ses activités militaires, à savoir la terre, la mer, les air, l’espace et le cyber-espace. Or, selon le think-tank, les conflits présents et à venir ne seront plus seulement «cinétiques», limités au mouvement et à la destruction physique, mais se situeront – et se gagneront – ailleurs.
François du Cluzel, officier français qui a participé en 2013 à la création du Hub de l’innovation de l’OTAN (iHub), évoque longuement sa vision des conflits de demain dans une publication intitulée «La guerre cognitive» publiée fin 2020. Ambitieux, l’objectif reste éthiquement discutable. «Alors que les actions entreprises dans les cinq domaines sont exécutées afin d’avoir un effet sur le domaine humain, l’objectif de la guerre cognitive est de faire de tout un chacun une arme.» iHub précise, comme cela est de rigueur pour des raisons légales, que les opinions exprimées sur sa plateforme ne reflètent pas le point de vue de l’OTAN. Encore faut-il relever que le think tank est parrainé par le Commandement allié Transformation, qui a lui-même demandé de creuser le sujet de la guerre cognitive. Pour F. du Cluzel, l’idée serait d’exploiter les «vulnérabilités du cerveau humain» – de «hacker l’individu» – afin de mettre en œuvre dans les pays visés une ingénierie sociale poussée qui, in fine, permettra de vaincre un adversaire.
Ce concept proche de la guerre de l’information n’a rien de révolutionnaire. Il a toujours existé et a d’ailleurs pris ces dernières décennies une nouvelle dimension sous l’impulsion des théories d’Edward Bernays, père de la manipulation de l’opinion publique, ou encore des travaux du très controversé lieutenant colonel de l’armée américaine Michael Aquino. Mais l’angle sous lequel l’envisage aujourd’hui l’OTAN est beaucoup plus vaste, à la mesure des «opportunités» qu’offrent les avancées technologiques.
«La révolution des technologies de l’information permet des manipulations cognitives d’un nouveau genre, à une échelle sans précédent et très élaborées», souligne ainsi F. du Cluzel. Dans une discussion entre experts tenue le 5 octobre dernier, rapportée par Ben Norton, journaliste de The Gray Zone, F. du Cluzel définit la guerre cognitive comme «l’art d’utiliser les technologies pour modifier la cognition des cibles humaines».
«Il s’agit d’exploiter le Big Data. Nous produisons des données partout où nous allons. Chaque minute, chaque seconde, nous allons sur internet. Et il est extrêmement facile d’exploiter ces données afin de mieux vous connaître et d’utiliser ces connaissances pour changer votre façon de penser», explique-t-il.
Cette dernière réflexion constitue de fait la finalité de cette nouvelle stratégie et représente un véritable saut quantique par rapport à l’approche traditionnelle de la question, puisqu’elle vise la façon même dont notre cerveau traite et transforme l’information en connaissance, plutôt que de se contenter de cibler l’information seule. «La guerre cognitive n’est pas seulement une lutte contre ce que nous pensons, mais c’est plutôt une lutte contre la façon dont nous pensons, pour changer la façon dont les gens pensent. C’est beaucoup plus puissant et cela va bien au-delà de la [guerre] de l’information et des opérations psychologiques [PsyOps]», élabore ainsi F. du Cluzel. «En d’autres termes, la guerre cognitive n’est pas seulement un autre mot, un autre nom pour la guerre de l’information. C’est une guerre contre notre processeur individuel, notre cerveau », ajoute-t-il.
Pour mener à bien cette stratégie, «actuellement développée à Norfolk» aux Etats-Unis, l’officier français recommande dans sa publication de s’appuyer sur un cocktail explosif, à savoir l’utilisation à des fins militaire des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et sciences cognitives), qui, intégrées au cadre de la guerre cognitive, peuvent «constituer un moyen sûr de domination militaire dans un avenir proche». Reste encore à justifier cette guerre dont «la véritable cible [est] l’esprit humain, et au-delà l’humain en soi» ; une formalité à laquelle se soumet F. du Cluzel en agitant le chiffon des sempiternels «adversaires» russes et chinois de l’Alliance atlantique, qui selon lui la pratiqueraient déjà d’une manière ou d’une autre et contre laquelle il entend donc se prémunir. «Le développement de techniques permettant de nuire aux capacités cognitives des adversaires sera une nécessité. En d’autres termes, l’OTAN devra obtenir la capacité de sauvegarder son processus décisionnel et de perturber celui de l’adversaire.»
Plus, avance le même souffleur, «tout utilisateur des technologies modernes de l’information est une cible potentielle. Elle vise l’ensemble du capital humain d’une nation. […] L’objectif de la guerre cognitive est de nuire aux sociétés et pas seulement aux militaires, ce type de guerre ressemble aux « guerres de l’ombre »», lequel insiste sur le fait que «le concept moderne de la guerre ne porte pas sur les armes mais sur l’influence». Citant le major général Robert H. Scales, il assure que «la victoire se définira davantage par la conquête du terrain psychoculturel que par celle du terrain géographique».
La guerre cognitive reste donc à l’ordre du jour pour les décideurs de l’Alliance atlantique. Et ce n’est pas pour rien que le Canada accueillera fin novembre un congrès de l’OTAN intitulé «La menace invisible : des outils pour contrer la guerre cognitive».

Recommandé pour vous