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Hydrocarbures, concurrence et colère : Lorsque le CC de la concurrence accouche d’une souri…

Le rendu du Conseil de la concurrence relatif au dossier nébuleux des hydrocarbures et les soupçons d’entente entre opérateurs dans le secteur, en tête desquels figure le grand distributeur national appartenant à la famille Akhannouch et ses associés, soulève nombre de questions quant à la liberté d’action du Conseil de la concurrence et les lacunes au niveau de la réglementation ad hoc. Si le verdict de l’institution que pilote Ahmed Rahhou confirme l’existence d’un trafic dont la légalité est en « borderline », il n’en reste pas moins que le manque à gagner exigible, tel qu’approuvé au terme d’un deal négocié, est loin de rendre justice et à l’Etat et aux consommateurs.
Hydrocarbures, concurrence et colère : Lorsque le CC de la concurrence accouche d’une souri…

En mettant la main dans le cambouis, le management du Conseil de la concurrence savait qu’il était attendu au détour. Surtout que les informations qui circulaient laissaient entendre que les importateurs et distributeurs des hydrocarbures se sont fait des bénéfices record depuis que la libération des prix a été décidé par le gouvernement. On parle aujourd’hui de marges fortes cumulées qui flirtent avec les 60 milliards de Dh, tombés dans l’escarcelle des distributeurs, le tout au grand dam de l’économie du pays.  Car qui dit hydrocarbure, dit énergie. Soit, en d’autres termes, le nerf de la guerre économique. L’inflation produite localement trouve son explication, pour partie, dans cette scandaleuse anomalie. Voilà pourquoi les accords de transaction engageant les 9 sociétés pétrolières devant s’acquitter de 1,84 milliard de dirhams à titre de règlement des litiges concernant des pratiques contraires aux règles de la concurrence sur les marchés, a de quoi laisser observateurs et citoyens sur leur faim ! Autant dire que le deal cache à peine le dol. Quand bien même le verdict du Conseil de la concurrence confirme, via cette opération transactionnelle, que les pétroliers ont violé la loi et porté un coup des plus sérieux au pouvoir d’achat des citoyens. Ceci est d’autant plus vrai que la justice n’a pas été appelée à la rescousse alors que la violation de la réglementation en vigueur renvoie au pénal. L’affaire est donc grave. Et sa gravité prend une autre dimension lorsque le « mouton noir » dans cette affaire renvoie directement à la gestion des affaires de l’Etat, la fortune du chef du gouvernement étant liée, entre autres activités lucratives, aux hydrocarbures.

Réagissant à ce développement attendu, Houcine El Yamani, militant au sein de la Confédération démocratique du travail (CDT) es qualité de secrétaire général du Syndicat national du pétrole et du gaz, ne se départit pas de son approche critique. « Le Conseil a tardé à parvenir à cette conclusion que nous avions soulevée depuis 2016. Cette mesure est un signe d’équité et de reconnaissance de nos luttes menées depuis des années », a-t-il relevé. Tout en ajoutant que « cette réparation est intervenue sur la base de la reconnaissance des concernés par les accusations portées à leur encontre. Après huit ans, ils ont admis qu’ils s’étaient mis d’accord sur les prix. Il y avait une intention de nuire aux intérêts du peuple et de l’économie nationale toutes ces années.»

Cet acteur syndical qui a occupé nombre d’espaces médiatiques pour expliquer les tenants et aboutissants de ce sombre dossier qui fleure bon l’affairisme pur et dur, assure que « les entreprises savaient qu’elles étaient impliquées et voulaient bénéficier de l’article 37 de la nouvelle loi, qui prévoit des circonstances atténuantes ». A ses yeux, le volume de la transaction négociée par le CC est jugé insuffisant « par rapport aux profits scandaleux qui ont été réalisés depuis 2016 », année au cours de laquelle le PJD aux affaires avait opté pour la libéralisation des prix des hydrocarbures. A ses yeux, « ce montant n’est même pas égal à la moitié de ce que prévoit la loi concernant la peine maximale, qui s’élève à 10% du chiffre d’affaires annuel, d’autant que nous parlons de huit années.» Une période de vaches maigres pour les familles marocaines qui payaient le prix fort pour qu’une bande d’acteurs cumule les bénéfices sous l’œil désinvolte de l’Etat.

Reste à savoir de quoi demain sera-t-il fait. Difficile de pronostiquer un quelconque retour à la raison des acteurs incriminés par le CC au regard de la faiblesse de la pénalité récoltée par le Trésor. La raison, spécifie H. El Yamani, est imputable à l’institution que pilote A. Rahhou.  « Le Conseil ne fournit pas de garanties suffisantes que ce qui s’est passé ne se reproduira pas », tranche-t-il.

Autant dire que la balle est désormais dans le camp des acteurs politiques appelés à faire des propositions susceptibles de doter le pays d’une architecture légale assez forte pour résister aux vents du libéralisme débridé auquel s’accrochent les opérateurs du secteur pétrolier, mais pas qu’eux… Sans quoi, le risque est grand de voir le précédent se reproduire avec la fin graduelle du soutien au gaz butane que l’actuel Exécutif programme dès 2024. Une affaire socio-économique des plus explosives à l’heure où l’économie nationale, celle dont on conjugue la résilience dans tous les temps, peine à produire la croissance.

A.Rahhou, banquier de talent, en sait un bout, lui qui a piloté une huilerie qui a failli être soufflée par l’ouverture inconsidérée du marché. Militer pour doter le CC d’une armature légale sans failles est dans ses cordes. La patience populaire a ses limites que la raison d’Etat doit assimiler pour réagir en conséquence. Car pour l’heure, de l’Etat social il n’y a que le discours. Alors que la marmite bout, comme le prouve la multiplicité des protestations…

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