L’affaire est pourtant grave. En effet, l’importance de cette initiative pourrait se lire à l’aune de la collecte des données historiques dont le Royaume a été délesté par les forces coloniales. Il y a quelques années, on avait même imaginé le déclenchement d’une guerre des archives entre le Maroc et l’Algérie, la Turquie ayant décidé de solder ses milliers de tonnes de papiers historiques après avoir réussi à numériser tout son trésor. Mais il faut croire que la proximité entre l’AKP et son alter ego marocain, le PJD en l’occurrence, n’aura pas été à la hauteur des défis exigés par ce « solde ». Lors de sa traversée du désert, après avoir été débarqué de la diplomatie, Saad Eddine El Othmani a été même sensibilisé sur ce dossier. Mais il faut croire que l’enjeu du dossier n’a pas suscité d’engouement chez-lui au point d’aller battre le fer alors qu’il était encore chaud. En d’autres termes, mobiliser les moyens du pays pour pouvoir mettre la main sur le fonds documentaire mis en vente par la Turquie, et tout particulièrement tout ce qui se rapporte de près ou de loin au Maroc.
La pertinence d’une telle quête, ratée pour le coup, se mesure à l’aune de ce que l’administration Ottomane avait pu établir comme dossiers sur le Maroc, alors pays voisin puisqu’une partie de l’Algérie actuelle se trouvait sous domination turque.
Avec cet accord, les « Archives du Maroc » pourraient déterrer chez les partenaires turcs bien des pépites historiques qui ont leur pesant en or. Car très organisée, y compris pour l’époque, l’administration ottomane, alors tutélaire du voisin de l’Est, savait jusqu’où courait sa juridiction et jusqu’où s’arrêtait son empire. Les historiens du Maroc disposent d’une chance de voir le passé du Royaume sous un autre jour que celui des puissances occidentales. Celles-là mêmes qui ont occupé le pays et qui refusent non seulement de restituer les archives marocaines, mais aussi de lever sur le secret sur bien d’autres. Osera-t-on y aller ?
