Dans une interview accordée à l’agence TASS, publiée mercredi 24 avril, le secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie et l’ancien ministre russe de la Défense, a fustigé une « campagne » en Europe « de préparation » à un conflit avec la Russie. « A différents niveaux, des délais possibles pour un tel affrontement sont annoncés – de trois à cinq ans » a déclaré le haut responsable russe, et d’ajouter : « Dès 2030, les politiques et les militaires européens veulent être prêts à nous combattre ».
Depuis plusieurs mois, sous couvert de dissuasion et brandissant la « menace » russe, l’OTAN, la Commission européenne et certaines chancelleries au sein de l’UE multiplient les déclarations allant dans le sens d’une nécessaire augmentation significative des dépenses militaires afin de se préparer à un éventuel conflit. La Russie « surveille de près les préparatifs militaires des pays européens », a assuré S. Choïgou. Cet ancien ministre de la Défense russe a rappelé par ailleurs, au cours de cette interview, que la doctrine nucléaire du pays avait été amendée fin 2024 et que la Russie se réservait le droit d’utiliser l’arme nucléaire en cas d’agression « y compris avec l’utilisation d’armes conventionnelles ».
« Conformément à la Stratégie de sécurité nationale de la Fédération de Russie », S. Choïgou a rappelé qu’« en cas d’actions hostiles de la part d’États étrangers menaçant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie, notre pays considère qu’il est légitime de prendre les mesures symétriques et asymétriques nécessaires pour réprimer ces actions et empêcher leur répétition ». Le 19 novembre dernier, deux jours après la révélation par un média américain que Washington avait octroyé à Kiev son feu vert pour effectuer des tirs dans la profondeur du territoire russe à l’aide de missiles longue portée fournis par les chancelleries occidentales, Vladimir Poutine avait signé un décret approuvant la mise à jour de la doctrine nucléaire russe.
Annoncée deux mois plus tôt, celle-ci élargit les possibilités de recours à l’arme nucléaire, notamment pour riposter à une « attaque conjointe » menée par un État non nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d’un pays nucléaire. Une réponse nucléaire est également devenue possible en cas de « menace critique » contre sa souveraineté, même avec des armes conventionnelles, en cas d’attaque contre la Biélorussie ou encore dans le cas de « lancement massif » de missiles de croisière ou de drones franchissant les frontières russes.
Dans un long entretien à l’hebdomadaire français Le Point, publié mardi 23 avril, le porte-parole du Kremlin est notamment revenu sur les exigences de Moscou en vue d’une cessation des hostilités avec Kiev ainsi que sur l’attitude des chancelleries européennes ces trois dernières années.
« Il n’y a aucun point sur lequel s’accorder puisque l’Europe veut la guerre, et non des négociations. Nous n’allons pas l’y entraîner de force ! » a déclaré Dmitri Peskov, dans cet entretien. Le porte-parole du Kremlin était alors interrogé sur le regard que Moscou porterait sur une éventuelle présence de « l’Europe » à la table des négociations, en vue de résoudre le conflit en Ukraine. « Jusqu’à présent, elle n’a montré aucun signe d’indépendance. C’est comme si toute l’Europe travaillait pour l’administration Biden ! » a poursuivi D. Peskov, ajoutant que l’Europe « n’est pas souveraine ». Interrogé sur les relations entre les États-Unis et la Russie, le porte-parole du Kremlin a déclaré que « réguler le conflit avec l’Ukraine sans remettre en selle des relations normales entre Washington et Moscou est impossible ». Concernant le conflit avec Kiev et les « exigences » de Moscou pour mettre fin aux hostilités, il a rappelé que les forces ukrainiennes devaient « déposer les armes » et se « retirer » des territoires des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ainsi que des régions de Kherson et de Zaporojié.
Des conditions qu’avait énoncées Vladimir Poutine en juin 2024. « Je ne sais pas pourquoi aujourd’hui personne ne s’en souvient », a tancé le porte-parole du Kremlin. Celui-ci a par ailleurs rappelé la nécessité pour la Russie de garantir sa propre sécurité, notamment face à l’extension continue de l’OTAN vers ses frontières. « Si vous voulez garantir la sécurité de l’Ukraine et que vous l’attirez dans l’Otan, vous violez la sécurité de la Russie », a-t-il souligné à cette occasion. « Il faut donc un statut neutre pour l’Ukraine. Et reconnaître la réalité pour les territoires » a-t-il ajouté.
Fin 2021, quelques semaines avant l’éclatement du conflit russo-ukrainien, Moscou avait réclamé à Washington et à l’OTAN des garanties écrites en matière de sécurité, dont la non-intégration de l’Ukraine au bloc militaire occidental. Une demande qu’avaient formellement rejetée les États-Unis et l’OTAN. « Ni Macron ni les autres dirigeants européens n’ont voulu écouter Poutine quand il leur a dit qu’on avait acculé la Russie sur le plan de sa sécurité et que c’était inacceptable », a encore fait valoir D. Peskov.
L’autre casus belli
Dmitri Medvedev a vivement critiqué la Сour pénale internationale, la qualifiant de « zéro juridique », l’accusant de partialité pro-occidentale et proposant la formation d’un nouvel organe juridique sous les auspices des BRICS. Il a également averti que l’exécution du mandat d’arrêt à l’encontre de V. Poutine pourrait conduire à une guerre. De tout cela, D. Medvedev en parle dans un article publié dans le journal Pravovedenié de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, sous le titre « Illusions perdues, ou Comment la Сour pénale internationale est devenue un zéro juridique ». En s’attaquant de front à la CPI, il a cité de nombreuses raisons expliquant l’« inconsistance » de cet organe juridique. La publication révèle la tendance, « évidente pour tous », de la CPI de « n’exercer la justice que dans les intérêts des pays occidentaux, sur la base de leur politique préférée de deux poids, deux mesures ». « Il suffit d’évoquer l’histoire de cette institution judiciaire qui est passée, durant une période relativement courte, de sa prétendue pertinence à la futilité totale, frôlant l’absurdité, le biais idéologique et le cynisme », écrit-il. L’un des points clés de la publication concerne la décision illégale d’émettre un mandat d’arrêt contre le président russe V. Poutine, qui, en cas d’exécution, selon le vice-président du Conseil de sécurité russe, « peut être considérée comme un casus belli [une cause de guerre, ndlr] à l’encontre des pays impliqués ».
« Inutile de parler du danger des décisions visant les autorités d’une puissance nucléaire et d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. On ne mentionne pas non plus le fait que les personnes qui ont pris cette décision, peuvent et doivent être poursuivies par les organes judiciaires d’enquête du pays dont les autorités ont été illégitimement tenues responsables », souligne l’article. D. Medvedev a également évoqué la situation concernant le mandat d’arrêt lancé contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Il a rappelé que certains pays européens, qui avaient initialement soutenu cette décision de la CPI, avaient ensuite refusé de l’appliquer. « Strictement parlant, la CPI aurait dû se dissoudre ensuite, vu qu’il n’était pas possible d’imaginer un plus grand manque de respect de la part des pays membres du Statut », a noté le vice-président du Conseil de sécurité de la Russie. L’article suggère également la création d’une alternative à la Cour sous l’égide du groupe BRICS. D’après lui, le nouvel organe judiciaire « pourrait confirmer l’élan commun des États membres de l’alliance de suivre rigoureusement les principes de la Charte de l’ONU ». Parmi ces principes, note la publication, figureraient « l’immunité des chefs d’État face à une juridiction extérieure et l’interdiction de toute ingérence dans les affaires intérieures des États par le biais, entre autres, d’instructions illégales données par une puissance étrangère aux représentants de l’opposition ».
La Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs hauts responsables russes, notamment contre le président russe Vladimir Poutine en mars 2023. La critique ne s’est pas fait attendre. D.Peskov, porte-parole de la présidence russe, ainsi que Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, ont qualifié cette décision de « nulle et non avenue ». Suite au lancement du mandat d’arrêt contre le chef d’état-major de l’armée russe Valeri Guérassimov et l’ancien ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou en juin 2024, le Conseil de sécurité russe a jugé que la décision de la CPI n’était que « des paroles en l’air », puisque sa compétence ne s’étendait pas à la Russie.