L’Arabie saoudite a retiré ses mercenaires de la plupart des camps militaires du sud, notamment dans la province d’al-Mahra. Idem pour les combattants pro-émiratis dans cette région. Bien qu’Abou Dhabi craint la perte du contrôle de la province d’al-Mahra, ses planificateurs se focalisent davantage sur les côtes du sud, notamment les provinces d’Aden et les régions de l’Ouest jusqu’au détroit de Bab el-Mandeb.
À Ma’rib, les forces de Sanaa et un certain nombre de tribus dialoguent en vue de parvenir à un accord au terme duquel tous les supplétifs de l’Arabie saoudite devraient quitter la région. Les habitants de cette ville stratégique privilégient une solution qui pourrait les épargner, eux aussi bien que leur ville. De quoi frustrer Riyad qui voit qu’aucune des forces et tribus qui ont collaboré avec les Saoudiens pendant les six derniers mois n’a pu faire grand-chose pour arrêter, voire ralentir les percées militaires pour la prise de ce verrou stratégique. Même, quand les Britanniques ont bloqué le trajet par lequel les combattants d’Ansarullah progressaient vers Chabwa (sud), ces derniers ont fini par se diriger plutôt vers le Sud où ils ont enregistré des exploits encore plus grands.
Ces exploits ont permis aux combattants d’Ansarullah d’encercler tous les points de passage du Sud et de l’Est qui permettaient un accès à Ma’rib, ce qui a poussé les mercenaires et forces du Conseil de transition du Sud (pro-émiraties) à se soumettre à un recul forcé. Ansarullah a explicitement annoncé sa décision d’atteindre les champs pétroliers de Safer, situés à une soixantaine de kilomètres de Ma’rib. Tous les signes montrent actuellement que le mouvement en est bien capable.
L’Arabie saoudite est convaincue que toute attaque visant les installations pétrolières de Safer sera suivie par une série de frappes menées par Ansarullah contre les ports, les champs pétroliers et les raffineries saoudiens.
D’autre part, la mauvaise situation économique au sud du Yémen a suscité la colère des habitants contre les politiques de Riyad, d’autant plus que les conditions économiques vont de mieux en mieux dans les régions du Nord libérées par Ansarullah. L’Arabie saoudite sait bien qu’Ansarullah a sous son commandement une cellule d’opération qui prépare une opération rapide pour reprendre Bab el-Mandeb. Autrement dit, l’opération de libération de Bab el-Mandeb suivra celle de Ma’rib. Ainsi, les forces spéciales d’Ansarullah, qui auront pour mission d’atteindre Bab el-Mandeb via les montagnes entourant Hodeïda, ont déjà été équipées et armées.
La grande hantise a trait au fait que la résistance yéménite puisse être en mesure d’entraver la circulation de navires dans la mer Rouge, d’autant plus qu’elle a récemment testé des missiles sol-mer dont la portée leur permet de toucher n’importe quelle cible dans la mer Rouge.
Voilà qui explique l’agitation d’Abou Dhabi auprès de nombre d’acteurs régionaux pour qu’ils lui servent de médiateur afin de se rassurer et de rassurer, par la même occasion, ses alliés, dont Israël. Les Émirats arabes unis craignent aussi qu’Ansarullah ne s’installe sur les frontières de la province d’al-Mahra avec Oman qui ne sont qu’à des dizaines de kilomètres du territoire émirati. Le général Yehya Sarii, porte-parole des Forces armées yéménites, a récemment déclaré que le Yémen avait fait une liste des dizaines de localités aux Émirats qui pourraient être les prochaines cibles.
Tous ces développements font peur à la partie émiratie et la poussent à s’asseoir à la table du dialogue avec Ansarullah au risque de s’attirer les foudres de son allié saoudien. Abou Dhabi sait, au fond, que la seule chose qui pourrait calmer la partie adverse est que les Émiratis se retirent du Yémen, mettent fin à leur coopération avec Israël dans la mer Rouge et s’engagent à contribuer à la reconstruction du Yémen.
