« Selon les lois de la guerre, c’est parfaitement possible, et il n’y a pas de contradiction, je peux riposter ou me battre contre celui qui m’attaque depuis son territoire », a affirmé ce 28 mai le chef de la diplomatie européenne, en marge d’une réunion des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles. « Il faut un équilibre entre le risque d’escalade et le besoin des Ukrainiens de se défendre », a-t-il ajouté.
Les déclarations se multiplient depuis plusieurs semaines autour des frappes ukrainiennes sur le territoire russe avec les missiles fournis par ses alliés occidentaux. « On doit leur permettre de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles (…) les sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée », a déclaré de son côté Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse à l’occasion d’un conseil des ministres franco-allemand au château de Meseberg, près de Berlin. « Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles », a-t-il aussitôt ajouté. « Nous ne voulons pas d’escalade », a répété Macron. « Ce qui a changé c’est que la Russie a un peu adapté ses pratiques » et attaque l’Ukraine depuis des bases qui sont en Russie, a-t-il tenté de faire valoir.
Olaf Scholz, chancelier allemand, a aussi admis cette possibilité sachant que l’Allemagne refuse de livrer des missiles de longue portée (plus de 500 km) à l’Ukraine, à la différence de Paris, Londres et Washington. « L’Ukraine a toutes les possibilités de le faire, en vertu du droit international », a-t-il déclaré. « Il faut le dire clairement, elle est attaquée et peut se défendre ».
Lundi, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, s’était aussi, une nouvelle, fois, prononcé en faveur de l’utilisation de ces missiles. Kiev « a le droit de se défendre » et a donc « le droit de frapper des objectifs militaires légitimes en dehors de l’Ukraine », a plaidé le patron de l’OTAN.
L’Ukraine a fait régulièrement pression sur ses partenaires occidentaux, en particulier Washington, pour obtenir l’autorisation d’utiliser les missiles à longue portée contre des cibles en Russie. D’autres pays européens, dont l’Estonie ou les Pays-Bas, se sont montrés favorables ce 28 mai à cette option. « Je ne l’ai jamais exclu et j’espère que d’autres pays qui ont une position différente en changeront », a déclaré Kajsa Ollongren, ministre néerlandaise de la Défense, à son arrivée à Bruxelles, rapporte l’AFP.
Giorgia Meloni, Première ministre italienne, a néanmoins déclaré lundi 27 mai à la chaîne Rai 3 : « Je ne sais pas pourquoi Stoltenberg a dit une telle chose, je pense que nous devons être très prudents ». « Ce monsieur devrait soit demander pardon, soit rectifier ses propos, soit démissionner », ajoutait même Matteo Salvini, son vice-premier ministre. « S’ils veulent aller se battre en Ukraine, que [Jens] Stoltenberg, Emmanuel Macron et tous les pilotes qui veulent la guerre y aillent », a-t-il encore déclaré.
Les plus important allié de Kiev, les Etats-Unis, sont aussi réticents, soulignant la menace d’un conflit direct avec Moscou. Reste que la pression de parlementaires s’accentue sur l’administration Biden afin qu’elle donne son feu vert à l’élargissement des frappes ukrainiennes. Washington a déjà livré secrètement, en février dernier, des missiles ATACMS de longue portée. Début mai, c’est David Cameron, ministre britannique des Affaires étrangères, qui soutenait le droit des forces ukrainiennes à frapper sur le territoire russe avec des armes livrées par Londres. La Russie avait alors notifié Londres qu’elle se réservait le droit de riposter aux frappes ukrainiennes utilisant des armes britanniques sur le territoire russe sur « n’importe quelle installation et équipement militaire britannique sur le territoire ukrainien et au-delà ». Moscou dénonce les frappes ukrainiennes qui visent déjà la Russie et atteignent des bâtiments civils, frappes sur lesquelles les alliés occidentaux de Kiev ferment les yeux. Le président russe a, ce 28 mai, prévenu que l’usage d’armes occidentales visant le territoire russe, provoquerait de « graves conséquences ».
Lors d’une conférence de presse en marge de son déplacement en Ouzbékistan, la mise en garde du maitre du Kremlin intervient après que l’Ukraine a réclamé de pouvoir utiliser les missiles livrés par l’Occident pour frapper en Russie. « En Europe, en particulier dans les petits pays, ils doivent réfléchir à ce avec quoi ils jouent. Ils doivent garder en mémoire qu’ils sont bien souvent des États ayant un petit territoire avec une grande densité de population », a prévenu Vladimir Poutine. « Ce facteur est une chose sérieuse qu’ils doivent avoir à l’esprit avant de parler de frapper en profondeur le territoire russe », a-t-il poursuivi. Selon V. Poutine, ces frappes ukrainiennes seraient préparées par les Occidentaux, qu’il accuse de vouloir « un conflit mondial ». « Regardez tous les reportages occidentaux, personne ne couvre les frappes contre Belgorod, tout le monde dit que la Russie attaque Kharkov. Pas un mot à propos de ce qui a causé une telle situation ! », a dénoncé le président russe. Et d’ajouter : « Qu’ils récoltent les fruits de ce qu’ils ont semé. La même chose peut survenir avec l’utilisation d’armes de longue portée ».
Le 10 mai dernier, les troupes russes ont lancé une offensive sur le front nord, qui a bousculé les lignes de défense ukrainiennes. V. Poutine a expliqué quelques jours plus tard que cette manœuvre visait un créer une « zone tampon », afin de protéger la région russe de Belgorod des frappes ukrainiennes. Ce 28 mai, Poutine a fustigé le refus occidental de condamner les bombardements ukrainiens dans les régions frontalières russes. Interrogé sur le déploiement d’instructeurs occidentaux en Ukraine, le président russe a estimé qu’ils étaient déjà là, « sous l’apparence de mercenaires. Nous le savons bien. Il n’y a rien de nouveau », a-t-il considéré.