« Intimidations et menaces de retombées électorales : révélations sur l’ambassadeur du Maroc en Belgique », est l’intitulé d’une enquête lancée par la RTBF sur les activités de Mohamed Ameur, ambassadeur du Maroc en Belgique. Le média public belge reproche au diplomate de défendre la marocanité du Sahara et de promouvoir une certaine image du royaume à travers l’association «Les Amis du Maroc».
Deux personnes ont apporté des témoignages à visage découvert dans l’enquête de la RTBF. Le premier est l’avocat Alexis Deswaef, ancien président de la ligue des droits humains. « J’ai reçu ce qu’il appelle une demande de visite de courtoisie. L’ambassadeur est venu dans mon cabinet, accompagné d’un conseiller. Ils m’ont fait une leçon sur la réalité du Sahara occidental et ont réécrit toute l’histoire de cette région. Ils m’ont expliqué comment je devais voir les choses. Il était poli, mais très ferme, très donneur de leçon. C’était une forme de pression », racontait-il. Ajoutant que « le Maroc a des petits soldats à l’œuvre dans nos pays. Les ambassades doivent relayer la machine de propagande très efficace de la diplomatie marocaine. S’ils l’ont fait avec moi, j’imagine que d’autres ont connu le même sort. Tout cela fait partie d’une diplomatie de pression ». A travers son récit, l’avocat n’a pas accusé le diplomate marocain de vouloir le soudoyer en échange de son adhésion à la position du royaume sur ce dossier.
Le concours d’Ignacio Cembrero, journaliste espagnol, a été sollicité pour alimenter l’enquête de la RTBF. « A l’étranger, les services de renseignements marocains et les diplomates se concentrent quasi exclusivement sur le dossier du Sahara occidental », a-t-il déclaré.
Les allégations de « pressions », évoquées par A. Deswaef ont été rejetées par Stanislas Eskenazi, avocat de l’ambassade marocaine en Belgique. « Me Deswaef défend les intérêts de son client, le Front Polisario. Et je ne pense pas qu’il soit une personne facilement impressionnable », a-t-il souligné. « Pourtant, Alexis Deswaef affirme n’avoir jamais représenté le Front Polisario », rétorque la RTBF dans son enquête. Pourtant, Me. Deswaef était, au nom de la Conférence européenne de solidarité et de soutien au peuple sahraoui (EUCOCO), que préside Pierre Galand ex-sénateur belge, membre de la délégation des pétitionnaires choisis par le Polisario pour participer, à New York, à la réunion de la 4è Commission de l’ONU d’octobre 2018. Dans son intervention, il avait notamment dénoncé « l’illégalité de l’occupation du Sahara occidental par le Maroc au regard du droit international, l’accusant d’être une puissance occupante », comme précise un document des Nations unies.
La « visite de courtoisie » de M. Ameur à Me Deswaef est intervenue quelques mois après son passage à la tribune de la 4e Commission de l’ONU, comme le confirme la date figurant sur la copie du mail adressé par l’ambassade du royaume au bureau de l’avocat.
L’ambassadeur marocain est également pointé du doigt pour avoir proféré des « menaces envers un mandataire politique » en Belgique. La personne en question n’a pas souhaité témoigner à visage découvert. « Je préfère ne pas rendre cela public. Je ne veux pas me mettre à dos l’ambassadeur du Maroc », a-t-elle déclaré.
Le diplomate est aussi accusé de « soutenir » des associations ayant pour objectif de « diffuser la version du Maroc sur le Sahara occidental ». L’enquête de la RTBF s’intéresse particulièrement à l’ONG « Les Amis du Maroc ». Une instance qui « organise des colloques et des conférences qui mettent en avant les avancées du royaume. Vantant notamment le plan d’autonomie proposé par le Maroc au Sahara occidental. Les thèmes semblent choisis avec soin, tout comme les invités. Hommes et femmes politiques, diplomates, avocats, chefs d’entreprise, patrons de médias », affirme le média belge.
Comme dans les allégations de « pressions » exprimées par A. Deswaef, la RTBF n’a pas apporté de preuves sur une « collusion » entre la chancellerie marocaine et « Les Amis du Maroc ». « L’ambassadeur, que je représente, soutient cette asbl (association sans but lucratif). Pas par des fonds. Il lui arrive de financer la location des salles », explique l’avocat de l’ambassade du Maroc.