La menace donne le ton de la rencontre qui a eu lieu vendredi 10 juin à Singapour entre le ministre chinois de la défense et son homologue américain. Pékin a prévenu qu’il « briserait en mille morceaux » toute tentative d’indépendance de l’île, affirmant que « l’armée chinoise n’hésitera[it] pas un instant à déclencher une guerre, quel qu’en soit le coût », a déclaré un porte-parole du ministère chinois à l’issue de la réunion, rapportant les propos du ministre W. Fenghe.
« Nous constatons une coercition croissante de la part de Pékin. Nous avons assisté à une augmentation continue de l’activité militaire provocatrice et déstabilisante près de Taïwan », a déclaré samedi Lloyd Austin, secrétaire américain à la défense, lors du forum de sécurité Dialogue du Shangri-La, à Singapour. « Cela inclut des avions [militaires chinois] volant près de Taïwan en nombre record ces derniers mois, et presque quotidiennement », a-t-il ajouté. « Nous nous opposons catégoriquement à tout changement unilatéral du statu quo de part et d’autre ». Il a également souligné qu’il était important que des « lignes de communication [soient] totalement ouvertes avec les responsables de la défense de la Chine ».
La rencontre, organisée en marge du Dialogue du Shangri-La, sur fond de différends entre les deux puissances rivales, était une première depuis la prise de fonctions de Lloyd Austin. Les deux hommes avaient discuté par téléphone en avril.
Les sujets de friction se sont multipliés au cours des dernières années entre les deux pays : mer de Chine méridionale, influence croissante de la Chine en Asie-Pacifique, guerre en Ukraine, ou encore Taïwan.
La Chine estime que cette île peuplée de 24 millions d’habitants est l’une de ses provinces historiques. Elle n’en contrôle pas le territoire, mais elle accroît depuis plusieurs années la pression militaire contre Taïwan.
La rencontre W. Fenghe et L. Austin a eu lieu quelques semaines après l’incursion de trente avions militaires chinois dans la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan – la plus importante opération de ce genre en 2022. Pour les Etats-Unis, ces incursions sont le signe « d’une rhétorique et d’une activité de plus en plus provocantes » de la part de Pékin.
Lors d’une visite au Japon au cours du mois dernier, le président Joe Biden a semblé avoir rompu avec des décennies de politique américaine lorsque, en réponse à une question, il a affirmé que Washington pourrait défendre militairement Taïwan en cas d’invasion par Pékin. La Maison Blanche a cependant insisté, depuis, sur le fait que « l’ambiguïté stratégique », le concept volontairement flou qui gouverne la politique de Washington au sujet de Taïwan depuis des décennies, restait inchangée.
En réaction à ces déclarations du président américain, la Chine avait intimé aux Etats-Unis « d’éviter d’envoyer de mauvais signaux aux forces indépendantistes » de Taïwan. Les Etats-Unis « jouent avec le feu », avaient mis en garde Pékin, selon l’agence de presse officielle Chine nouvelle. Les Etats-Unis « utilisent la « carte Taïwan » pour contenir la Chine et s’y brûleront eux-mêmes », avait déclaré Zhu Fenglian, porte-parole du bureau des affaires taïwanaises du Conseil d’Etat, souvent décrit comme le gouvernement.