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Destruction du pont de Crimée : Des interceptions qui indisposent Berlin et l’OTAN

Au lendemain de la publication d’un échange entre officiers parlant d’une potentielle attaque contre le pont de Crimée, la Défense allemande a confirmé samedi 2 mars qu’une conversation de l’armée avait été « interceptée ». Si la Bundeswehr n’a pas confirmé l’authenticité de l’enregistrement, celle-ci fait peu de doute pour les grands médias allemands.
Destruction du pont de Crimée : Des interceptions qui indisposent Berlin et l’OTAN

Une porte-parole du ministère allemand de la Défense a confirmé ce 2 mars qu’une conversation secrète de Luftwaffe avait été interceptée. « Selon notre évaluation, une conversation au sein de la division de l’armée de l’air a été interceptée », a déclaré la porte-parole à l’AFP, avant d’ajouter : « nous ne sommes pas en mesure de dire avec certitude si des modifications ont été apportées à la version enregistrée ou transcrite qui circule sur les réseaux sociaux ».

Ces déclarations font suite au tollé suscité en Russie par la publication, le 1er mars, par Margarita Simonian, rédactrice en chef de RT, d’un enregistrement qui aurait eu lieu le 19 février entre quatre officiers allemands. Au cours de cette conversation d’une quarantaine de minutes, les quatre interlocuteurs discutent de détails opérationnels au cas où Berlin autorisait la livraison de missile Taurus aux forces ukrainiennes. Puis ils en viennent aux « cibles intéressantes », dont l’une s’avère être le pont de Crimée. Initialement publiée sous la forme d’une transcription, M. Simonian avait quelques heures plus tard publié l’intégralité de l’enregistrement afin de répondre aux doutes que certains avaient vis-à-vis de ses affirmations. Le contenu de cet enregistrement a rapidement provoqué l’indignation de responsables russes, du ministère des Affaires étrangères à la présidence de la Douma en passant par l’ancien président Dmitri Medvedev. « Toute tentative d’éviter les réponses sera considérée comme un aveu de culpabilité », avait déclaré la porte-parole de la diplomatie russe sur sa chaine Telegram.

Côté allemand, où l’on se dirige vers un scandale d’écoutes, l’affaire fait également grand bruit. Ce 2 mars, depuis Rome où il est en déplacement, Olaf Scholz a promis une enquête « très approfondie ». « Il s’agit d’une affaire très grave et c’est la raison pour laquelle elle fait désormais l’objet d’une enquête très minutieuse, très approfondie et très rapide », a déclaré le chancelier allemand. Du côté des médias allemands, bien qu’il n’ait pour l’heure pas été authentifié par la Bundeswehr, l’enregistrement est considéré comme crédible, à l’instar du Bild ou d’experts consultés par Der Spiegel qui excluent un recours à l’IA. Selon l’hebdomadaire, le ministère allemand de la Défense serait « alarmé » à l’idée que d’autres communications internes aient pu être interceptées. Dans le cas présent, la discussion entre les officiers aurait eu lieu sur la plateforme d’appel, de messagerie et de conférence en ligne Webex, rapporte l’agence de presse allemande DPA. « Il y a de nombreuses raisons de penser que l’enregistrement est réel – même si la Bundeswehr n’a pas encore officiellement confirmé son authenticité », écrivait pour sa part le Bild dès le 1er mars au soir.

Un « pont », « difficile à atteindre », aux dimensions plus que notables, qui font douter un autre militaire. Ce dernier note que l’édifice « en raison de sa taille, ressemble à une piste d’atterrissage ». « Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est un trou » poursuit-il, estimant qu’il faudrait « 10, voire 20 missiles » pour le détruire, alors que Gerhartz évoque la possibilité d’utiliser des Rafale français pour déployer les Taurus. Plus tôt, celui-ci s’était montré confiant quant au délai de déploiement d’armements de pointe en Ukraine, tels que les batteries Patriot. « Nous menons désormais une guerre qui utilise une technologie beaucoup plus moderne que celle de notre bonne vieille Luftwaffe », s’est-il notamment félicité. « Comment faut-il réellement comprendre cela ? » a lancé M. Simonian, interpellant directement l’ambassadeur d’Allemagne, la diplomatie allemande et O. Scholz. « N’est-il pas temps, maintenant pour la Russie, de rappeler activement à l’Allemagne comment les explosions des ponts russes se sont terminées la dernière fois pour l’Allemagne? » a-t-elle ajouté.

« La guerre hybride contre la Russie, déclenchée par l’Occident, bat son plein » a quant à elle réagi sur Telegram Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe reprenant des extraits de la transcription.

Cette sortie médiatique survient quelques jours après que le chancelier a réaffirmé sa réticence à la livraison à l’Ukraine de missiles Taurus. Une déclaration qui s’était accompagnée d’une sortie embarrassante pour Paris et Londres, qui fournissent déjà des missiles longue portée à Kiev. En effet, le leader allemand a justifié sa réticence à fournir de tels missiles par le fait qu’ils nécessiteraient une assistance de Berlin sur le terrain afin de pouvoir les opérer. « Ce qui est fait en termes d’acquisition de cible et d’accompagnement d’acquisition de cible de la part des Britanniques et des Français ne peut être fait par l’Allemagne », avait déclaré O. Scholz le 26 février, dans des propos rapportés par Associated Press. « Les militaires allemands ne doivent à aucun moment et à aucun endroit être liés aux cibles que ce système frappe », avait-il ajouté. Une sortie jugée « totalement irresponsable » par Norbert Röttgen, un ex-ministre d’Angela Merkel et actuel député de la CDU, cité par The Telegraph. Derrière les États-Unis, l’Allemagne est le principal fournisseur d’armement à l’Ukraine, avec 17,1 milliards d’euros d’aide militaire alloués à Kiev au 31 octobre 2023 selon les chiffres du Kiel Institute, think tank allemand. Une situation qui tend à agacer Berlin, qui réclame plus d’implication de ses partenaires européens.

Mi-janvier, le Financial Times révélait qu’à la demande d’O. Scholz, Bruxelles avait lancé un audit sur les fournitures d’armes des États membres de l’UE. Le même jour que ces révélations du FT, Emmanuel Macron avait annoncé l’envoi de 40 nouveaux missiles Scalp à l’Ukraine. Côté ukrainien, Kiev cherche de longue date à détruire le pont de Crimée, qui relie la péninsule russe à la région de Krasnodar par le détroit de Kertch. Cet édifice, le plus grand ouvrage de ce type en Europe, a été la cible de deux attentats à la bombe au cours de ces deux dernières années.

L’OTAN bombe le torse

Le porte-parole du Kremlin a condamné ce 1er mars des propos tenus la veille par Lloyd Austin. Entendu en commission au Congrès, le secrétaire à la Défense des États-Unis a évoqué l’éventualité d’une confrontation directe entre la Russie et l’OTAN en cas de défaite de l’Ukraine.

« Nous entendons des déclarations extrêmement irresponsables émises par plusieurs capitales européennes et désormais d’outre-Atlantique », a déclaré Dmitri Peskov selon l’agence TASS. Il réagissait aux déclarations du secrétaire américain à la Défense du 29 février. Alors que celui-ci était entendu dans le cadre d’une commission du Congrès, pour avoir gardé secrète son hospitalisation en décembre dernier, le chef du Pentagone avait déclaré que « si l’Ukraine tombait, je crois sincèrement que l’OTAN combattra la Russie ». « Nous savons que si Poutine parvient à ses fins, il ne s’arrêtera pas là et entreprendra d’autres actions agressives dans la région »  a ajouté le responsable américain, citant les États baltes qui « s’inquiètent d’être les prochains sur la liste ».

« C’est une déclaration extrêmement irresponsable de plus », a fustigé le porte-parole du Kremlin. Toujours selon lui, ces sorties « augmentent encore les tensions », ajoutant qu’il semblerait pourtant qu’« il soit impossible de les augmenter encore davantage ».

 Cette déclaration de L. Austin faisait écho aux propos du président français le 26 février. Lors d’une conférence organisée à Paris en soutien à l’Ukraine, E. Macron avait déclaré que l’envoi de troupes au sol n’était « pas exclu ». Toutefois, de nombreux dirigeants européens s’étaient désolidarisés d’une telle intention, à l’instar de l’Allemagne, de la Slovaquie ou encore de l’Espagne. « Le plus important, c’est qu’ils illustrent la vision de l’OTAN », s’est indigné D. Peskov, ajoutant que le bloc militaire occidental « considère l’Ukraine comme un de ses territoires ».

Cette surenchère verbale intervient alors que l’Ukraine subit des revers sur le front, notamment avec la récente perte d’Avdeïevka et une année 2023 ternie par l’échec de sa contre-offensive. Sur le plan financier, l’aide de l’Union européenne débute avec quelques mois de retard, tandis qu’aux États-Unis, malgré l’insistance de Joe Biden, une enveloppe comprenant plus de 60 milliards de dollars d’aide militaire destinée à l’Ukraine demeure bloquée au Congrès.

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