Au palais Mohammed V où s’est tenue cette rencontre, le colonel Mamadi Doumbouya était entouré de quelques membres de son cabinet ainsi que des plus hauts gradés du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD). Le général M. Salao Barmou, qui conduisait la délégation du Conseil national pour la sauvegarde pour la patrie (CNSP), s’est félicité de l’excellence des relations entre Conakry et Niamey : « Il est question ici de montrer la gratitude du CNSP pour la solidarité et le soutien indéfectible à travers, dans un premier temps, la déclaration du 31 juillet du CNRD suite aux évènements que vous connaissez. Ce message marquait effectivement la solidarité de la Guinée vis-à-vis du Niger. »
En réponse, le colonel M. Doumbouya a réaffirmé la position de son pays en ces temps de crise. « En ce qui concerne la République de Guinée, nous sommes panafricains. Quand nos peuples ont des problèmes, nous sommes toujours présents, on sera toujours là et c’est ce qui a été le cas pour nos frères du Burkina, du Mali, du Niger. Pour nous, il n’y a que nous qui pouvons trouver des solutions à nos problèmes. Notre position, elle, est claire, c’est vraiment faire face aux problèmes de nos peuples qui est, pour nous, très important », a-t-il relevé. Dès la prise du pouvoir par le CNSP à Niamey, la Cédéao a pris une batterie de sanctions contre le Niger, sanctions que la Guinée s’est refusée à appliquer.
Les populations du Nord du Nigeria continuent d’espérer qu’une solution négociée soit toujours possible, dans la crise qui divise la Cédéao suite au coup d’État au Niger. La rencontre entre une délégation d’oulémas wahhabites et les plus hauts représentants du régime militaire dont le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine et le général Tiani, président du CNSP, le 12 août, nourrit certains espoirs.
Samedi, une délégation emmenée par le Sheik Abdullahi Bala Lau a donc pu rencontrer le patron du CNSP à Niamey, ce qui met en évidence ces liens culturels et religieux. Le Sheik Bala Lau affirme que le général A. Tiani a « déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix », afin de résoudre la crise en cours. Le chef de la junte serait même allé jusqu’à regretter de ne pas avoir reçu la première délégation missionnée par la Cédéao, qui comprenait notamment le sultan de Sokoto, leader religieux du nord-ouest du Nigeria très respecté et influent.
À noter que l’ex-émir de Kano et chef de l’ordre soufi Tijjaniyah, le très respecté Lamido Sanusi Lamido, s’était également entretenu avec le général Tiani, le 9 août.
Cette visite, la première depuis celle du Tchadien Mahamat Idriss Déby, le 31 juillet dernier, a été acceptée par la junte, à la suite des multiples appels de ses proches et des instances régionales et internationales.
Dans un communiqué, publié vendredi 11 août, l’organisation Human Rights Watch a indiqué s’être entretenue, jeudi et vendredi, avec Mohamed Bazoum, avant donc la visite du médecin personnel du chef de l’État.
Le président a indiqué que le traitement de sa famille en détention est « inhumain et cruel », que l’électricité était coupée depuis le 2 août. Conséquence, M.Bazoum et ses proches sont contraints de s’alimenter avec de la nourriture sèche. S’il a pu amener des vivres, samedi matin, le médecin personnel du président déchu n’a pas pu, par contre, apporter des produits frais.
Dans une allocution diffusée, dimanche soir, le porte-parole du CNSP dit avoir des « preuves d’échanges » entre M.Bazoum et des « nationaux » ainsi que des « chefs d’État et responsables étrangers », suffisamment, selon les putschistes, pour « poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices ». Pour ces faits, la junte aimerait traduire en justice M. Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté du pays ». La Cédéao, comme Washington, n’apprécient guère la tournure que les événements risquent de prendre.
A.L. Zeine tente de rassurer. Le Niger est en mesure de « surmonter » les sanctions imposées à la suite du coup d’Etat, même si elles représentent « un défi injuste », a assuré le Premier ministre nommé par les militaires. « Nous pensons que même s’il s’agit d’un défi injuste qui nous a été imposé, nous devrions être en mesure de le surmonter. Et nous le surmonterons », a-t-il déclaré lundi à Deutsche Welle. « Nous avons un grand intérêt à préserver cette relation importante et historique et à faire en sorte que la Cédéao travaille d’abord sur des questions purement économiques » a toutefois assuré A. L. Zeine. Mais il met aussi en garde. « Si nous constations que le principe politique et militaire passe au premier plan, à la place de cette solidarité économique, ce serait très regrettable », souligne-t-il.
Parmi les sanctions prises par la Cédéao figurent la suspension des transactions financières avec le Niger et le gel de toutes les transactions de service, incluant les transactions énergétiques, ce qui occasionne des coupures d’électricité dans le pays. La Cédéao, tout en privilégiant la voie du dialogue, a aussi donné son feu vert à une intervention armée contre les militaires, en activant sa « force en attente », même si les modalités d’une éventuelle intervention militaire ouest-africaine n’ont pas été dévoilées.