Sur place, la solidarité tente de s’organiser tandis que plusieurs pays ont proposé une aide humanitaire. La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a indiqué mardi 12 septembre 2023 que les besoins humanitaires dépassent largement les capacités du Croissant-Rouge libyen et même les capacités du gouvernement. C’est la raison pour laquelle les deux gouvernements parallèles ont lancé des appels à l’aide internationale.
Margaret Harris, porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a évoqué une « calamité aux dimensions épiques » à l’est libyen et dans plusieurs villes. À Derna, la ville la plus touchée suite au passage de la tempête Daniel, des quartiers entiers ont disparu et leurs habitants ont été emportés par les eaux, après l’effondrement de deux barrages vieillissants au-dessus de la ville. Barrages qui ont cédé sous la pression de pluie diluvienne. Des centaines de familles sont portées disparues et le paysage est apocalyptique. Les photos satellites montrent l’étendue des dégâts et les volontaires se débrouillent avec les moyens de bord.
Mardi matin, des volontaires s’activaient à rassembler les corps rejetés par la mer, pour les emmener au point de regroupement afin qu’ils soient identifiés. Mille quatre cents l’ont déjà été. D’autres jonchaient toujours les trottoirs au centre-ville. Au cimetière Martouba, les corps sont enterrés par dix dans chaque tombeau, faute de moyens. Des appels à ceux qui possèdent des pelleteuses ont été lancés pour venir en aide.
Selon le ministre de la Santé du gouvernement parallèle basé à Al Bayda, plusieurs quartiers n’ont pas pu être atteints par les secours. Quant à l’hôpital Al Wahda, principal hôpital de Derna, il ne serait plus en mesure d’accueillir les dépouilles.
Les morts à Derna se comptent par familles entières. Certaines ont été surprises et piégées alors qu’elles étaient dehors, dans leur voiture emportée par les flots. Elles sont ainsi mortes noyées.
Parmi les morts, on déplore la disparition de l’artiste populaire Meftah Meilaf et de plusieurs footballeurs réputés localement. On déplore également la mort de la famille de Cheikh al-Oukayli, un dignitaire de Derna connu pour avoir combattu les extrémistes islamistes dans sa ville en 2014. Lui aussi a trouvé la mort avec toute sa famille.
Par ailleurs, près de 80 soldats de l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, qui portait secours aux sinistrés, sont toujours portés disparus, leur véhicule vide ayant été retrouvé dans les vallées de la montagne verte Djebel Akhdar.
Sur certaines vidéos, des victimes ont eu le temps de filmer la mort qui s’approchait d’eux et on peut entendre leurs cris d’horreur avant de disparaître définitivement.
Un début de polémique commence à monter sur les responsabilités des autorités en place. Elles sont accusées de négligence et de corruption. L’ancien Conseil municipal aurait en effet reçu des millions de dinars pour réhabiliter les infrastructures dans la ville, dont les barrages qui ont cédé. Mais rien n’a été fait, et l’argent aurait été détourné. Des questions ont été posées sur la nécessité d’évacuer les habitants du centre-ville de Derna avec l’approche de la tempête Daniel. Mais, finalement, aucune décision n’a été prise. Des voix s’élèvent désormais pour réclamer une enquête et définir les responsabilités.
Au niveau libyen, plusieurs ambulances parties de Tripoli sont arrivées mardi matin à Benghazi, à destination de la zone sinistrée. Un avion d’aide humanitaire parti de Misrata a par ailleurs atterri à l’aéroport Al Abraq, non loin de ville Al Bayda qui est également durement touchée. De son côté, la NOC, la société nationale du pétrole, s’organise pour envoyer un navire chargé de matériel de secours et d’aide humanitaire à Derna. Quant au gouvernement de Tripoli – celui reconnu par la communauté internationale –, il a annoncé l’instauration d’un pont maritime pour apporter les aides nécessaires. Plusieurs convois sont en route vers la région dévastée, située à plus de 1 600 kilomètres de Tripoli.
La société Ifriqiya de transport aérien organise un pont aérien pour convoyer gratuitement aides, médecins, secouristes et équipes du Croissant-Rouge depuis Tripoli vers la zone touchée. Pour le moment, aucune aide n’est toutefois arrivée à destination des villes touchées, qui restent coupées du monde. Des techniciens de Benghazi ont été dépêchés dans la région pour rétablir les lignes téléphoniques et l’électricité.
Au niveau des pays voisins, l’Égypte a décrété trois jours de deuil national en signe de soutien avec les victimes en Libye et du séisme au Maroc. Le président égyptien al-Sissi a ordonné aux forces armées de fournir toute sorte d’aides humanitaires aux Libyens, par voies aérienne et maritime. Le Maroc a annoncé son soutien, comme l’Algérie et la Tunisie qui ont annoncé l’envoi d’aides. La Jordanie a indiqué vouloir apporter toute assistance dont la Libye aurait besoin. Mais ce sont les Turcs qui étaient les premiers à être en place. Deux avions turcs ont atterri à l’aube à Benina, près de Benghazi, avec à leur bord 168 secouristes, en plus de l’aide humanitaire.