Après Moscou,Mahmoud Abbas a été accueilli jeudi en héros par les députés turcs à Ankara. « J’ai décidé de me rendre à Gaza avec d’autres dirigeants frères palestiniens », a déclaré le président de l’Autorité palestinienne devant les députés turcs qui l’ont acclamé debout. M. Abbas a appelé le Conseil de sécurité à assurer son déplacement dans l’enclave palestinienne, toujours sous les bombes israéliennes, qui rappelle-t-il fait partie, au même titre que la Cisjordanie, du territoire palestinien sous la tutelle de l’Autorité palestinienne. Le défi lancé par M. Abbas, démonétisé depuis qu’il a accablé le Hamas d’être à l’origine du drame palestinien en cours, intervient à l’heure où les médiateurs qataris et égyptiens, supervisés par les Américains qui ont délégué le chef de la CIA, tentent de relancer les négociations de trêve.
La veille, Joe Biden et Kamala Harris ont tenu une réunion d’urgence pour parler de la situation au Proche-Orient.Fait notable, l’administration américaine a estimé que les nouvelles concernant l’utilisation des civils palestiniens comme boucliers humains pour explorer des tunnels et de bâtiments endommagés sont préoccupantes. Vedant Patel, porte-parole adjoint du Département d’État, s’est exprimé sur ce sujet lors d’un briefing quotidien, mercredi. Interrogé sur cette question, il a déclaré que « ce sont des nouvelles très préoccupantes. Nous appelons Israël a mener une enquête immédiate et transparente concernant ces allégations et à sanctionner les potentiels responsables. Israël est tenu d’agir conformément au droit humanitaire international. » Il a également ajouté être dans l’incapacité de commenter davantage ces nouvelles à ce stade, par manque de détails. Le journal Hareetz avait diffusé une enquête à ce sujet, indiquant l’utilisation des civils gazaouis par l’armée israélienne comme boucliers humains pour explorer des tunnels et de bâtiments endommagés.
Israël, de son côté, envoie ses responsables des renseignements intérieurs et extérieurs à Doha. L’incertitude demeure en revanche sur la participation du Hamas. Le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza estime qu’il ne faut pas négocier pour négocier. Il veut s’en tenir au plan présenté par J. Biden il y a deux mois consistant en une trêve de six semaines durant laquelle certains otages seraient libérés en échange de prisonniers palestiniens et dans un second temps, un cessez-le-feu définitif.
Les chances d’aboutir à un accord sont très incertaines. Beaucoup de négociations ont eu lieu dans le passé et elles n’ont pas abouti, Israël accusant le Hamas d’en être la cause. Mais en Israël, beaucoup de voix s’élèvent aussi pour accuser le Premier ministre Benyamin Netanyahu de saboter toute tentative d’accord. Il y a deux jours, Yoav Gallant, ministre de la Défense lui-même, se joignait aux critiques. Pour de nombreux pays en tout cas, il y a urgence à trouver une solution pour éviter une escalade régionale.
Ces manœuvres politico-diplomatiques ont cours alors que le bilan des victimes palestiniennes de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza s’est encore alourdi avec au moins 40 Palestiniens tués dans trois massacres au cours des dernières 24 heures par les attaques israéliennes contre la bande de Gaza, portant le bilan total des martyrs à 40 005 depuis le 7 octobre 2023, a déploré jeudi le ministère de la Santé de l’enclave palestinienne assiégée. Un communiqué du même ministère a fait savoir que quelque 92 401 Palestiniens ont été blessés durant l’offensive qui se poursuit depuis plus de 10 mois.
Israël, qui bafoue la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU stipulant un cessez-le-feu immédiat, fait face à des condamnations internationales à cause de son offensive meurtrière qui se poursuit toujours contre Gaza, et ce, depuis l’attaque du groupe palestinien Hamas du 7 octobre 2023. Plus de 10 mois après le début de la guerre menée par Israël, de vastes agglomérations de Gaza ne sont plus que ruines, sur fond d’un état de siège paralysant l’accès à la nourriture, à l’eau potable et aux médicaments.
Israël est accusé de génocide devant la Cour internationale de Justice (CIJ), qui a émis une ordonnance le sommant de cesser immédiatement son opération militaire dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande, où plus d’un million de Palestiniens avaient cherché refuge pour fuir la guerre, avant que la ville ne soit à son tour envahie par les forces israéliennes, le 6 mai dernier.
Si Abbas Zaki, responsable du mouvement palestinien Fatah a jugé que la visite de Mahmoud Abbas à Moscou et sa rencontre avec Vladimir Poutine « étaient grandement nécessaires en cette période critique », il n’en reste pas moins qu’il exige plus. « La Russie a joué et continue de jouer un rôle important dans la question palestinienne et déploie également de sérieux efforts pour unifier les rangs palestiniens, même si elle s’oppose elle-même à une agression occidentale à grande échelle », le responsable du Fath. Tout en insistant sur l’importance « de créer un nouvel ordre mondial, complètement différent du système américain, qui est hypocrite et applique le deux poids, deux mesures, transformant Washington en un axe mondial du mal ». Dès lors, A. Zaki appelle la Russie et la Chine à « dire leur mot sur les crimes d’Israël » sinon, « ce monde restera à la merci des fous américains et des extrémistes israéliens ».
A Ankara, M. Abbas n’a pas manqué de rappeler que ce sont les USA qui ont veillé à bloquer par véto, à trois reprises, des résolutions condamnant la barbarie sioniste et appelant à mettre un terme à la guerre génocidaire dans la bande de Gaza. Mais il y a plus de la part des Américains. Washington a approuvé, mardi, la vente d’armement à leur allié israélien pour plus de 20 milliards de dollars, balayant ainsi les pressions des organisations de défense des droits humains pour que ces livraisons cessent.
Le département d’Etat a déclaré dans une notification au Congrès US que cette vente allait « améliorer la capacité d’Israël à faire face aux menaces ennemies actuelles et futures ». La vente inclut 50 avions de chasse F-15 pour une valeur de 18,82 milliards de dollars, près de 33.000 munitions pour tanks et 50.000 obus de mortiers.Ces livraisons prendront des années: les F-15, équipés de radars et d’équipements de communication sécurisés, ne commenceront à être livrés qu’en 2029.
« Les Etats-Unis sont attachés à la sécurité d’Israël et il est vital pour les intérêts nationaux américains d’aider Israël à développer et à garder une importante capacité d’autodéfense », a dit le département d’Etat dans sa note concernant la vente des F-15, construits par Boeing. Concernant les munitions pour tanks, le département d’Etat a estimé qu’elles permettront à Israël « de renforcer sa défense intérieure et serviront de moyen de dissuasion face aux menaces régionales ».
Des organisations de défense des droits humains et certains élus du Parti démocrate ont appelé J.Biden à réduire ou arrêter la vente d’armes à Israël qui a tué, avec les armes américaines, au moins 39.929 Palestiniens, dont une majorité de femmes et d’enfants, depuis le 7 octobre 2023. Le Congrès peut en théorie bloquer cette vente d’armes mais un tel processus a peu de chances d’aboutir.
Guerre ouverte en Cisjordanie
Sur le terrain, les Brigades Al-Qassam assurent avoir ciblé, jeudi, la principale concentration des forces ennemies sur le site militaire de Mars avec des roquettes Rajum. Comme ils ont aussi lancé, jeudi, un drone suicide vers les concentrations ennemies infiltrées à l’est de la ville de Khan Younes, au sud de la bande de Gaza.
A relever que la barbarie sioniste dépasse le seul cadre de l’enclave palestinienne. En Cisjordanie occupée, deux jeunes hommes, sont tombés en martyre et quatre autres personnes, dont une fille et une femme, ont été blessés, jeudi à l’aube, à la suite d’une attaque au drone israélien contre un rassemblement de citoyens palestiniens dans le camp de Balata, à l’est de Naplouse. Selon les médias palestiniens, les deux martyrs sont Ahmed Firas Sheikh Khalil et l’ex-détenu Wael Masha, du camp de Balata.
Les combattants de la résistance ont affronté avec force les forces d’occupation qui ont pris d’assaut le camp de Balata et la zone orientale de la ville de Naplouse. Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa à Naplouse ont confirmé des pertes directes parmi les soldats et les véhicules de l’occupation, après les avoir ciblés avec des mitrailleuses et des engins explosifs. Plusieurs engins préparés à l’avance ont explosé contre un véhicule militaire israélien.
L’armée d’occupation a pris d’assaut la ville de Naplouse depuis le poste de contrôle de Beit Furik, tandis que des bus de colons ont également pris d’assaut la région orientale depuis la même direction. Un bulldozer de l’armée d’occupation a en outre détruit des véhicules palestiniens lors de l’assaut contre la région orientale de Naplouse et a délibérément entravé le travail des ambulanciers et des journalistes. Quelques heures après l’assaut, qui s’est heurté aux affrontements de la Résistance, les forces d’occupation israéliennes se sont retirées de la zone.
Par ailleurs, dans d’autres zones de la Cisjordanie occupée, les forces d’occupation ont mené une série d’arrestations. Les nouvelles incursions militaires israéliennes en Cisjordanie occupée, jeudi, se sont soldées par l’interpellation d’au moins 30 Palestiniens, ont indiqué des organisations de défense des droits des prisonniers. Les interpellations ont eu lieu dans les villes d’Hébron, Bethléem, Ramallah, Jérusalem-Est, Tulkarem et Naplouse, ont indiqué la Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers et le Club des prisonniers palestiniens, dans un communiqué conjoint.
Les nouvelles arrestations portent le nombre total des Palestiniens détenus par l’armée israélienne en Cisjordanie depuis octobre 2023 à plus de 10 000 prisonniers, selon le même communiqué. Les deux organisations ont déclaré que ce chiffre n’inclut pas les personnes arrêtées dans la bande de Gaza, dont le nombre est estimé à plusieurs milliers.
Au cours des dernières années, l’armée israélienne a mené des incursions régulières en Cisjordanie, dont la cadence s’est intensifiée depuis le début de la guerre contre Gaza le 7 octobre 2023. Les Palestiniens font également l’objet d’agressions brutales par des colons israéliens illégaux.
Les violences israéliennes en Cisjordanie ont fait, à ce jour, au moins 632 tués parmi les Palestiniens et près de 5 400 blessés, principalement par les tirs de l’armée israélienne, dans le territoire occupé, selon le ministère palestinien de la Santé. Dans une ordonnance historique datant du 19 juillet 2024, la Cour internationale de Justice a déclaré que l’occupation de plusieurs décennies des territoires palestiniens par Israël est “ illégale“, exigeant l’évacuation de toutes les colonies existantes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.