Les enseignants sont unanimes à considérer le projet de réforme « injuste et inéquitable ». Le nouveau statut unifié, auquel la tutelle s’accroche au motif de l’avoir élaboré en y associant les « syndicats les plus représentatifs », est rejeté massivement, comme l’a démontré la forte mobilisation suscitée par l’appel de la FNE. Voilà qui risque de renvoyer les discussions à la case de départ. D’autant plus que la répression avec laquelle la marche a été gérée, jeudi, a estomaqué nombre d’observateurs. Ceci est d’autant plus vrai que le droit de manifester, consacré par la loi suprême du pays, n’a aucune prise sur les autorités en charge du maintien de l’ordre.
L’affaire est donc grave à l’heure où l’on s’attendait à ce que la rentrée scolaire se fasse sans anicroche. Sauf que la démarché du MEN, appuyé en cela par l’Exécutif, a péché par la volonté de réformer le statut des enseignants sans égard pour les exclus des « bienfaits » dudit nouveau statut. Autant dire que le gouvernement a cherché à passer au forceps, ce qui a suscité l’ire du corps des enseignants. Une nouvelle brique s’ajoute donc à la crise systémique dans laquelle le secteur de l’enseignement nage depuis plusieurs années. Nul besoin de rappeler, à ce sujet, le dossier tumultueux des enseignants « contractuels » qui promet, lui, d’autres accès de fièvre.
Vers où s’achemine-t-on ? La question se pose avec acuité pour les enseignants qui jugent, non sans raison, que la réforme voulue par l’Exécutif a été adoptée par le gouvernement dans des conditions pour le moins suspectes. L’annonce a été faite, rappelle-t-on, à l’heure où l’attention de l’ensemble des Marocains était focalisée sur le séisme et la gestion de ses implications dramatiques. Autant dire que Chakib Benmoussa a joué, solo, la partition de la réforme alors même que les syndicats impliqués dans le dialogue, dit-on inclusif, avaient émis nombre de réserves.
L’année scolaire promet dès lors d’être chaotique. A moins que le gouvernement n’opte pour l’unique voie salutaire : renégocier les termes du statut en prenant en compte les revendications des enseignants toujours en suspens. Le courage politique ne réside pas dans l’alimentation des foyers de tensions, en mobilisant les forces de l’ordre pour empêcher marches et sit-in, mais bel et bien dans la prise en charge des exigences d’un corps enseignant laminé, comme l’est le reste de la classe moyenne que compte le pays.
A rappeler que le projet de décret n° 2.23.819 adopté par le gouvernement comporte 98 articles liés au secteur de l’éducation, dont les indemnités financières, les enseignants cadres des AREF et les sanctions disciplinaires. Statut contesté lors des étapes de son élaboration par les syndicats signataires de l’accord du 14 janvier, FNE en tête. Le « modèle à suivre » auquel s’accroche C. Benmoussa a donc tout pour capoter.