Cette livraison complète un précédent contrat portant sur des munitions lourdes acquises par Israël aux États-Unis l’année dernière. Son transfert avait été gelé par l’administration Biden mais dégelé par le président Donald Trump ces dernières semaines. En février dernier, les États-Unis ont fait référence aux munitions, annonçant qu’ils avaient approuvé la vente à Israël de munitions guidées, de bombes et d’équipements associés pour une valeur totale de 7,41 milliards de dollars. L’Agence de coopération en matière de sécurité du Pentagone a annoncé qu’elle avait soumis l’approbation requise au Congrès pour l’accord. Dans le lot, on y trouve des missiles Hellfire d’une valeur de 660 millions de dollars, ainsi que 2.166 bombes AGM-114 Hellfire également d’une valeur de 660 millions de dollars. Il achètera 2.166 bombes GBU-39, environ 13.000 kits de guidage JDAM pour des bombes de différents poids, et 17.475 fusées FMU-152A/B d’une valeur de 6,75 milliards de dollars dans le cadre d’un accord séparé. Les livraisons de missiles Hellfire devraient commencer en 2028, tandis que les autres munitions commenceront à arriver cette année, selon Ynet.
Ce que disent les sondages
Cette générosité de l’administration US intervient à l’heure où un nouveau sondage révèle un revirement de l’opinion des Américains sur Israël à la suite du génocide de Gaza. Selon le Pew Resaarch, 53 % des Américains ont désormais une opinion négative d’Israël, contre 42 % au printemps 2022, avant la guerre totale d’Israël contre Gaza. En outre, le pourcentage d’Américains ayant une opinion très négative d’Israël a presque doublé, passant de 10 % à 19 %. Près d’un Américain sur cinq.
L’opinion défavorable d’Israël est bipartite, bien que l’on puisse observer des différences entre les partis. Environ 69 % des Démocrates et des sympathisants du Parti démocrate ont désormais une opinion défavorable d’Israël, contre 37 % des Républicains. Mais ces différences sont moins marquées chez les jeunes électeurs. La moitié des Républicains de moins de 50 ans ont une opinion négative d’Israël, contre 71 % des Démocrates de la même tranche d’âge.
Une légère majorité d’Américains (53 %) expriment désormais une opinion plutôt très défavorable d’Israël. Cette tendance démographique n’est pas de bon augure pour Israël. Alors que la génération plus âgée du baby-boom, façonnée par les souvenirs de l’Holocauste, du film Exodus et de la guerre des Six Jours de 1967, prend de l’âge, elle est remplacée par la génération X, les “millennials” et la génération Z, des Américains qui n’ont jamais connu un Israël non dominant géopolitiquement au Moyen-Orient et sans domination sur des millions de Palestiniens opprimés et apatrides.
On peut observer des différences entre religions et confessions chrétiennes. Environ 53 % des catholiques américains ont une opinion négative d’Israël, peut-être influencés par les dénonciations du pape François de la guerre israélienne contre les civils de Gaza. Ainsi, les catholiques ont exactement la même opinion que les Américains en général. Environ la moitié des principales confessions protestantes blanches (méthodistes, presbytériens, épiscopaliens, etc.) ont une opinion négative d’Israël. Près de 81 % des musulmans américains ont une opinion négative d’Israël. Et 69 % des personnes sans appartenance religieuse (environ 15 % de la population et environ un tiers des moins de 30 ans) ont une vision négative d’Israël.
En revanche, la grande majorité des évangéliques blancs, soit environ 20 % du pays, ont une vision positive d’Israël. Outre, bien sûr, les Juifs américains ont également une vision positive d’Israël. Mais les chrétiens évangéliques et les juifs sont de plus en plus à contre-courant du reste de l’Amérique sur cette question. Cependant, l’actuelle équipe dirigeante israélienne suscite davantage de négativité dans tous les domaines. 53 % des juifs américains ne font pas confiance au Premier ministre Benjamin Netanyahu et ne croient pas en sa capacité à prendre les bonnes décisions. Une proportion similaire de catholiques ont une mauvaise opinion de B. Netanyahu, tandis que 49 % des protestants blancs traditionnels ne lui font pas confiance.
Seuls 15 % des Américains sont favorables à l’idée de Donald Trump de prendre le contrôle de la bande de Gaza. 62 % des Américains s’opposent à ce plan, et près de la moitié s’y opposent catégoriquement.
Les Américains qui pensent que D. Trump penche trop en faveur d’Israël sont légèrement plus nombreux que ceux qui pensent qu’il maintient le bon équilibre.
Le gouvernement israélien s’est doté d’un ministère chargé de faire de la propagande auprès des Américains, les incitant à soutenir Israël, à lui accorder des fonds et à qualifier d’antisémites les détracteurs de la politique israélienne. Bien que cette campagne et celle de ses alliés américains, y compris les évangéliques, aient connu un énorme succès au Capitole et à la Maison Blanche, elle est en train de s’effondrer partout dans le pays.
Les conséquences de cet effondrement du soutien à Israël sont difficiles à évaluer. L’opinion publique compte peu dans la politique US au quotidien, sauf dans la mesure où elle affecte les élections. Même dans ce cas, les gens votent sur des préoccupations quotidiennes et ne savent peut-être même pas quelle est la position de leur représentant au Congrès sur les politiques israéliennes.
En outre, malgré l’effondrement du soutien à Israël parmi les rangs démocrates, les Démocrates du Congrès et la direction du parti affichent une telle fidélité à Israël qu’ils sont pour la plupart prêts à fermer les yeux sur le génocide perpétré par l’armée israélienne contre les civils palestiniens à Gaza.
Il est probable que la tentative de l’administration Trump d’imposer des opinions pro-israéliennes par la force et son interprétation erronée de cette question comme étant de l’antisémitisme ne feront que renforcer l’image négative d’Israël aux yeux de nombreux Américains, indiquent des analystes. Mais la décision actuelle de Netanyahu de refuser toute aide alimentaire, entre autres, à Gaza, pendant qu’il joue les héros, qui risque de provoquer une famine généralisée, ne fera que creuser le fossé entre la plupart des Américains et le gouvernement israélien d’extrême droite.
Harvard sanctionnée
En début de semaine, l’administration US a annoncé le gel de 2,2 milliards de dollars de subventions à l’université Harvard, l’une des plus prestigieuses au monde, après son refus de se plier aux exigences de la Maison Blanche, qui l’accuse de « laisser prospérer l’antisémitisme » sur son campus. Harvard, comme d’autres universités américaines, a été le théâtre d’une mobilisation étudiante contre la guerre menée par Israël à Gaza, et ciblée par la Maison Blanche depuis le retour au pouvoir de D. Trump.
« Le harcèlement des étudiants juifs est intolérable », a dénoncé dans un communiqué le ministère américain de l’Education. « Il est temps que les universités d’élite prennent le problème au sérieux et s’engagent à apporter des changements significatifs si elles veulent continuer à bénéficier du soutien des contribuables ».
L’administration a envoyé vendredi un courrier à Harvard exigeant notamment que l’université signale immédiatement aux autorités fédérales les étudiants étrangers qui commettent des écarts de conduite, et qu’elle fasse appel à une tierce partie extérieure pour vérifier que chaque faculté a une « diversité de points de vue ». Elle a aussi réclamé à la plus riche université des Etats-Unis un « audit » des opinions des étudiants et du corps enseignant.
L’administration US exige une série de changements radicaux dans sa direction, ses admissions étudiantes et ses embauches de personnel. Ce qu’a refusé la direction universitaire « Harvard n’est pas prête à accepter des exigences qui vont au-delà de l’autorité légitime de cette administration ou d’aucune autre », a répondu l’institution dans une lettre signée par ses avocats.Selon eux, les exigences de l’administration sont « en contradiction avec le premier amendement » de la Constitution américaine, qui garantit les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression.
Dans une lettre adressée aux étudiants et aux enseignants, Alan Garber, président de l’université, a assuré lundi qu’Harvard « n’abandonnera pas son indépendance ni ses droits garantis par la Constitution ». « Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu’elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher, ni sur quelles matières elles peuvent mener des recherches », a-t-il écrit.
« Félicitations à Harvard pour avoir refusé d’abandonner ses droits constitutionnels face à l’autoritarisme de Trump », a réagi Bernie Sanders, sénateur de gauche.
Elise Stefanik, élue républicaine proche de D. Trump, a appelé, elle, à la suppression du financement de Harvard, qualifiant l’université d’ « incarnation de la pourriture morale et académique dans l’enseignement supérieur ».
Les subventions fédérales représentent 11% des revenus d’Harvard, sur un budget annuel de 6,4 milliards de dollars, selon les données publiées par cette université privée installée à Cambridge, près de Boston, dans le nord-est des Etats-Unis.
Le gouvernement américain avait annoncé fin mars qu’il envisageait de priver l’établissement d’environ 9 milliards de dollars de subventions fédérales à l’issue d’un « examen complet ».
Enquêtes tous azimuts
Le ministère de l’Éducation américain a indiqué dans un communiqué de presse daté du 10 avril qu’au moins 60 collèges et universités faisaient l’objet d’une enquête concernant leur réponse à l’antisémitisme.
Les universités Northwestern et Cornell, décrites comme des « institutions universitaires qui tolèrent l’antisémitisme » par Pete Hegseth, ministre de la Défense, ont été coupées de leur côté de 500 millions de dollars de subventions du Pentagone. Le gouvernement a supprimé, pour les mêmes motifs, 400 millions de dollars de subventions à l’université Columbia de New York, qui, contrairement à Harvard, a engagé ces dernières semaines des réformes drastiques demandées par l’administration pour tenter de récupérer ces fonds.
« Harvard a montré l’exemple aux autres établissements d’enseignement supérieur en rejetant une tentative illégale et maladroite d’étouffer la liberté académique », a commenté sur X l’ancien président démocrate Barack Obama, diplômé en droit en 1991 de la prestigieuse université. « Espérons que d’autres institutions suivront », a-t-il ajouté.
Le Massachusetts Institute of Technology (MIT), autre université bostonienne de renom, a engagé deux actions en justice contre les réductions de financement de divers services fédéraux. « Les récentes actions du gouvernement interfèrent avec le fonctionnement normal du MIT, diminuant notre capacité à servir la nation », a écrit lundi dans une lettre Sally Kornbluth, présidente de l’université.
Plusieurs étudiants ayant manifesté lors de mobilisation propalestiniennes et détenteurs d’un visa ou d’une « carte verte » de résident permanent ont récemment été arrêtés aux États-Unis. Dernière interpellation en date : celle de Mohsen Mahdawi, étudiant à l’Université Columbia et né dans un camp de réfugiés palestinien, en Cisjordanie occupée par Israël, arrêté lundi par des agents de l’immigration dans un bureau où il était venu passer un entretien en vue de sa naturalisation. Il avait cofondé un groupe d’étudiants palestiniens à Columbia avec Mahmoud Khalil, figure de la mobilisations étudiante propalestinienne aux États-Unis, que l’administration Trump tente d’expulser depuis son arrestation le 8 mars.