La Banque mondiale vient de publier un nouveau rapport sur la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, intitulé Changer de vitesse : le secteur privé comme moteur de la croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Avec des perspectives économiques de croissance limitée à 1,9 % en 2024, suivie d’une progression modérée à 2,6 % en 2025, le rapport examine le rôle sensé être central du secteur privé dans la relance de la croissance de la région, la création d’emplois et la stimulation de l’innovation.
Constat : le rapport souligne le manque de dynamisme du secteur privé dans la région MENA. Et pour cause, la croissance de la productivité du travail a diminué dans de nombreux pays, tandis que les niveaux d’investissement et d’innovation des entreprises restent faibles. Les marchés sont peu marqués par l’entrée ou la sortie de nouvelles entreprises. Un écart important subsiste également entre un petit secteur formel et un large secteur informel, avec des niveaux de productivité très disparates.
Par ailleurs, la participation des femmes dans le secteur privé demeure limitée. Le rapport indique que la disponibilité de données au niveau des entreprises sur plusieurs années au Maroc permet une décomposition détaillée de la productivité, qui met en évidence des dynamiques divergentes. “Au Maroc, les entreprises les plus productives ne se développent pas assez pour conquérir une part de marché plus importante. Cependant, l’accroissement de l’efficacité technique moyenne, qui signifie que les entreprises utilisent plus efficacement les facteurs de production, a contribué positivement à la croissance de la productivité du travail”, lit-on dans le rapport. En outre, deux caractéristiques des économies de la région MENA contribuent probablement à la faible croissance de la productivité, en l’occurrence la segmentation de longue date entre le secteur formel et le secteur informel et l’exclusion des femmes de la population active. Le secteur informel représente environ 10 % à 30 % de la production totale et 40 % à 80 % de l’emploi total. Environ 40 % des entreprises au Liban, 50 % en Jordanie et 83 % au Maroc, champion régional, sont informelles, ce qui justifie la nécessité de comprendre les motivations des choix commerciaux opérés, s’interroge le rapport.
Au Maroc, et dans toute la région MENA, les entreprises peuvent relancer la croissance, créer des emplois, améliorer les moyens de subsistance et servir de moteur à l’innovation dans l’économie. Mais « la région continue de sous-utiliser son capital humain, les femmes étant largement exclues du marché du travail. Les entreprises ont tout à gagner à promouvoir les femmes à des postes de direction, car elles ont tendance à recruter davantage de femmes à leur tour », explique Ousmane Dione, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Réduire les inégalités entre les sexes en matière d’emploi pourrait permettre d’augmenter le revenu par habitant d’environ 50 % dans une économie type de la région MENA », a-t-il fait valoir. Les gouvernements et les entreprises ont des rôles complémentaires à jouer pour favoriser le développement d’un secteur privé plus dynamique. Les autorités publiques peuvent stimuler les performances du secteur privé en renforçant la concurrence sur les marchés, en améliorant l’environnement des affaires et en investissant dans la collecte et l’accessibilité des données.
Pour Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, « un secteur privé performant est essentiel pour promouvoir une croissance durable et la prospérité dans la région. Pour concrétiser ce potentiel, les gouvernements doivent pleinement assumer leur rôle de garants de marchés concurrentiels. » De leur côté, les entreprises peuvent renforcer leurs capacités en adoptant de meilleures pratiques de gestion. La mobilisation du potentiel inexploité des entrepreneures et des travailleuses pourrait constituer un moteur important de croissance.
Le rapport souligne qu’un avenir plus prometteur est à portée de main pour le secteur privé de la région MENA, à condition que les gouvernements redéfinissent leur rôle et que les entreprises investissent dans les talents et les mobilisent de manière plus efficace.