« Les faits de violence et de vandalisme, les routes bloquées sont des actes qui obligent à une réponse ferme et autoritaire », a précisé Luis Alberto Otárola Peñaranda, ministre de la Défense. Plus prosaïquement, le droit de réunion est suspendu, ainsi que la liberté de circulation et l’inviolabilité des domiciles. Le gouvernement évalue maintenant la possibilité d’instaurer un couvre-feu.
Durant l’état d’urgence, les forces armées aideront la police à maintenir l’ordre interne dans tout le pays, ce qui fait craindre à beaucoup une répression accrue des manifestations qui ont provoqué la fermeture des aéroports de Cuzco, Puno, Arequipa et Apurímac, et celle des trains vers la citadelle de Machu Picchu. Cette démonstration de force contraste avec l’attitude de la présidente Dina Boluarte, qui n’arrête pas de céder face aux pressions de la rue. Après avoir brièvement caressé l’espoir de se maintenir au pouvoir jusqu’en juillet 2026, elle a ensuite proposé d’organiser des élections en avril 2024 avant de parler de décembre 2023.
Selon D. Boluarte, il serait impossible d’aller plus vite au vu des délais légaux de dépôt de candidatures et de durée de campagnes électorale. Pas sûr que cela soit suffisant pour calmer ses opposants.
En parallèle, la justice a repoussé de 24 heures l’audience devant statuer sur la demande de détention préventive de 18 mois de Pedro Castillo, déposée mercredi par le Parquet pendant la nuit. Le juge Juan Checkley a accordé un délai à la défense, qui a assuré ne pas avoir tous les documents nécessaires, mais maintenu le président en détention pour 48 heures supplémentaires. La Cour suprême avait ordonné le 7 décembre la détention provisoire de P. Castillo pour sept jours…
Le président déchu avait fait appel pour lever sa garde à vue, demande rejetée par la justice péruvienne. P. Castillo l’avait à nouveau répété durant son audience de mardi tout en rejetant en bloc les accusations de rébellion et conspiration. « Je suis injustement et arbitrairement détenu. Je ne suis pas un voleur, ni un violeur, ni un corrompu ou un tyran », assure-t-il.
Ses avocats ont tenté de démonter l’accusation. En vain. Le parquet a présenté de nouveaux éléments. Et le juge Cesar San Martin a refusé de lever la garde à vue. « La rébellion n’est pas ici caractérisée par un soulèvement armé. L’une des raisons est la modification illégitime du régime constitutionnel. »
L’ancien président a aussi profité de l’audience pour demande aux forces armées et à la police nationale de déposer les armes. Avant de s’adresser au peuple, « pour lui dire que je suis très reconnaissant de sa confiance, ses efforts et sa lutte. Je ne renoncerai jamais ni n’abandonnerai la cause populaire. » Intervention abrégée par le juge qui lui a demandé de s’en tenir à sa défense.
Des dizaines de route étaient toujours bloquées dans 13 des 24 régions du pays. Les aéroports de Cusco et Arequipa sont également fermés après des intrusions ou tentative de blocage de manifestants. Le dernier bilan fait état de 7 morts et de dizaines de manifestants et policiers blessés.
Lundi, le nouveau gouvernement avait déclaré l’état d’urgence pour 60 jours dans sept provinces de la région d’Abancay (Sud) et révoqué tous les préfets nommés par le gouvernement de P. Castillo. Mardi soir, après une réunion de crise, le ministre de la Défense a annoncé que l’état d’urgence avait été déclarée dans deux autres régions dans le sud, Arequipa (qui comprend la deuxième ville du pays) et Ica. Autant dire que les propositions de l’actuelle présidente ne font qu’attiser davantage la colère des Péruviens.