Rédacteur en chef adjoint du service monde de l’hebdomadaire français Marianne, Q. Müller a confirmé sur ses réseaux sociaux qu’il travaillait sur le sujet avec la photographe. Les deux journalistes ont été interpellés à l’hôtel où ils résidaient, à trois heures du matin par des policiers en civil, selon le récit du journaliste. Ils ont ensuite été « emmené et expulsé de force du pays sans aucune explication », précise-t-il. Les agents leur auraient indiqué qu’ils étaient « indésirables » au Maroc.
Sur ses réseaux sociaux, Q. Müller a considéré que cette opération revêtait un caractère « purement politique ». « L’objet de nos recherches sur place portait sur la violence économique, sociale et libertaire de ce régime marocain, animée par la toute-puissance du roi, de sa cour et de ses services de sécurité ultra répressifs », a-t-il fustigé. En juin dernier, le journaliste a été expulsé du Yémen pour « immixtion » dans les affaires intérieures du pays.
A la suite de cette nouvelle expulsion, le rédacteur en chef adjoint du service monde à Marianne a confirmé « la sortie prochaine d’une longue enquête sur le roi Mohammed VI, sa cour et ses services de sécurité ». « Sur place, j’ai pu amasser des informations exclusives qui dépeignent un régime toujours plus dur, effrayé par tout élan de contestation locale », a-t-il poursuivi. Pour sa part, Reporters sans frontières (RSF) a fustigé une « atteinte brutale et inadmissible à la liberté de la presse ».
Ce jeudi, lors du point de presse hebdomadaire à l’issue du Conseil du gouvernement, Mustapha Baitas, porte-parole de l’exécutif, a déclaré que la mesure administrative visant les deux ressortissants français était « une conséquence légale de la violation de la loi ». Il a précisé que les deux journalistes expulsés n’ont « demandé aucune autorisation pour la couverture du séisme d’Al Haouz » et ils sont « entrés au Maroc pour faire du tourisme ». Dès lors, M. Baitas a qualifié de « normal » le fait que les deux concernés fassent l’objet d’un refoulement administratif, « sur décision des autorités compétentes qui ont, à ce propos, appliqué les dispositions de la loi en la matière ». Par ailleurs, le ministre a déclaré qu’un total de 312 journalistes étrangers avaient couvert le séisme, représentant 90 supports médiatiques. « Sur ce total, 78 journalistes, soit le quart, étaient de nationalité française et représentaient 16 supports médiatiques, dont 13 ont été accrédités pour la couverture du séisme et trois disposaient d’accréditations permanentes », a-t-il ajouté.
Le responsable a conclu son propos en soulignant que dans le contexte de la couverture du séisme, le Maroc avait « montré qu’il est un pays de la transparence et des libertés, qui a veillé à ce que tous les journalistes mènent leur mission dans une liberté totale ».
Le CNP monte au créneau
Le CNP a annoncé, de son côté, avoir saisi le Conseil de déontologie de la presse et de la médiation en France, l’appelant à agir aux manquements à l’éthique et à la déontologie pointé par le conseil. Ce dernier a indiqué, dans un communiqué, avoir relevé des provocations de la part des deux publications, dans un contexte où le Maroc n’a pas donné de suite aux propositions insistantes d’aide formulées par Paris, au lendemain du sinistre.
Le 15 septembre, l’hebdomadaire français affichait en Une une caricature incitant à se désolidariser et à renoncer aux contributions en soutien des victimes. Par ailleurs, le CNP a pointé le quotidien Libération à cause de sa Une montrant le portrait d’une femme sinistrée, tout en accompagnant l’illustration d’un texte induisant en erreur et laissant entendre des interprétations de propos qui n’ont pas été tenus par la concernée. Après vérification, indique le CNP, le Conseil a su que le médias avait bien publié un contenu ne correspondant pas aux propos de la femme en photo.
Trois jours après le séisme, le CNP a déjà invité les médias à « respecter l’éthique de la profession (…) sans tomber dans le sensationnalisme », lors de leur couverture du séisme. Par ailleurs, il a condamné « le recours de certains médias étrangers, encore nostalgiques du passé colonial, à dénaturer l’effort national en matière d’opérations de sauvetage et de secours ».
Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) a également épinglé certains médias pour leur couverture. Dans un communiqué, l’organisation a précédemment fustigé Charlie Hebdo, lui reprochant une couverture qui représente une « insulte directe à Sa Majesté le Roi Mohammed VI ».
L’organisation professionnelle a dénoncé aussi « l’incitation directe » du magazine « aux citoyens marocains à ne pas contribuer au fonds créé pour collecter des dons financiers ». Déplorant aussi le traitement médiatique de certaines chaînes d’information, dont Al Jazeera, le SNPM a mis en garde contre « des pratiques qui sèment la discorde et la peur au sein de la société, et déprécient les grands efforts déployés pour faire face aux répercussions de la catastrophe ».