En évoquant la situation à Gaza, B. Huou a relayé des chiffres issus d’une étude publiée dans la revue scientifique « The Lancet », estimant que près de 200 000 Palestiniens auraient perdu la vie depuis le début des offensives israéliennes en 2023. Cette intervention, enregistrée par un étudiant, a été diffusée sur les réseaux sociaux par des comptes pro-israéliens, provoquant des réactions immédiates des autorités académiques et politiques.
Joel Echevarria, directeur de cabinet du Recteur de la TSE, a confirmé la suspension de l’enseignant lors d’une interview accordée mercredi 4 septembre à Anadolu. Selon lui, l’enseignant aurait consacré près de vingt minutes de son cours d’introduction à des sujets sans lien avec le programme de mathématiques. Il a abordé la situation au Proche-Orient et incité les étudiants à « prendre position, boycotter et manifester ». Il a expliqué que la suspension de B. Huou était une mesure conservatoire prise en concertation avec le ministère de l’Enseignement supérieur. « Ce n’est pas une sanction disciplinaire, mais une suspension visant à protéger les étudiants et l’enseignant lui-même, qui a reçu des menaces de mort après la diffusion de ses propos », a-t-il déclaré. Le numéro de bureau de l’enseignant a en effet été partagé sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit à cette décision de précaution pour des raisons de sécurité, selon TSE.
La suspension conservatoire est une mesure temporaire dans l’attente d’une enquête disciplinaire. J. Echevarria a précisé que l’objectif principal était de garantir un climat serein pour la suite des cours et d’éviter que les étudiants ne soient exposés à des polémiques extérieures, soulignant par ailleurs que le professeur continue de percevoir son salaire.
Peu après la suspension, le « Collectif Palestine Vaincra » a publié un communiqué dénonçant cette décision, qu’il considère comme une attaque contre la liberté d’expression. Le collectif a défendu Benoît Huou, soulignant que son intervention se limitait à dénoncer le « drame humanitaire que subit le peuple palestinien ». Selon eux, la suspension reflète une politique de répression des voix critiques envers Israël. Le communiqué mentionne également que l’enregistrement des propos de l’enseignant a été diffusé par des comptes liés à l’extrême droite israélienne, ce qui, selon eux, a contribué à la mise en place de cette sanction. Le collectif a exprimé son soutien à B. Huou et a critiqué les autorités universitaires pour avoir cédé à la pression publique.
Cette suspension a également déclenché une onde de choc parmi ses collègues et étudiants. Certains défendent la liberté d’expression académique, à l’instar de Yann Bisiou, maître de conférences en droit, qui a déclaré sur X que les propos de l’enseignant ne devraient pas justifier une sanction. « On peut contester les propos de ce collègue, critiquer le manque de fiabilité de ses sources, mais on ne devrait pas le sanctionner pour avoir exprimé une opinion », a-t-il affirmé.
Cette suspension intervient dans un contexte plus large de tensions autour du conflit israélo-palestinien et relance le débat sur la place de la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur en France. Si certains estiment que les enseignants devraient pouvoir exprimer librement leurs opinions, d’autres considèrent que ces interventions risquent de créer des divisions et des polémiques inutiles dans les établissements. L’affaire soulève également la question de la neutralité des enseignants dans les établissements publics, particulièrement lorsqu’il s’agit de sujets aussi sensibles que le conflit israélo-palestinien. Dans une publication sur X, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur, a déclaré que les enseignants doivent respecter un devoir de réserve, surtout dans le cadre de leurs fonctions.
Le parquet de Toulouse a confirmé l’ouverture d’une enquête pour « apologie du terrorisme » concernant les propos tenus par B. Huou lors de son cours. Les accusations portent sur certaines de ses déclarations, notamment celles concernant la responsabilité du Hamas dans le conflit et la critique ouverte des actions militaires israéliennes. Bien que cette enquête soit en cours, aucune accusation formelle n’a encore été portée contre l’enseignant.
Cet incident reflète la polarisation croissante autour du conflit israélo-palestinien en France et soulève la question de la liberté d’expression académique, alors que des voix soulignent la nécessité de préserver un environnement neutre et serein pour les étudiants.
A rappeler qu’Imane Maarifi, infirmière française qui avait passé deux semaines à Gaza, du 22 janvier au 5 février dernier, et qui avait témoigné des atrocités israéliennes commises à Gaza, a été perquisitionnée, arrêtée et mise en garde à vue, jeudi, avant d’être libérée dans l’après-midi.
L’information a été révélée par des associations de défense des droits humains et suscité un large soutien en faveur de cette infirmière, dont, entre autres celui de députés comme Thomas Portes qui a exigé sa libération immédiate. « Imane Maarifi, infirmière française, qui a été à Gaza quinze jours au sein de l’hôpital européen de Khan Younès vient d’être arrêtée par la police à son domicile », a écrit le député de la France insoumise. « Elle est désormais en GAV [Garde à vue, NDLR]. Nous l’avions reçue à l’Assemblée nationale pour écouter son témoignage. Elle avait décrit une situation humanitaire terrifiante », a rappelé le député insoumis. « La France continue de réprimer les voix de la paix pour couvrir le génocide commis par le gouvernement israélien. Elle doit être immédiatement libérée », a-t-il plaidé. L’infirmière a été libérée par la suite, selon le député LFI.
Dans la journée, I. Maarifi a pu voir son avocate, selon un témoignage vidéo de Ersilia Soudais, députée du Nouveau Front populaire, qu’elle a partagée sur sa page sur le réseau X, depuis le commissariat du 8ème arrondissement de Paris. « Je me suis rendue, (…) dans le commissariat du 8ème arrondissement pour m’assurer des « bonnes » conditions de garde-à-vue d’Imane Maarifi. Elle doit être libérée ! », a déclaré la députée française, affirmant que l’infirmière est une femme « extraordinaire, pleine d’humanisme… »
« Imane Maarifi, infirmière française qui a passé deux semaines à Gaza et dénonce dans les médias les horreurs du génocide, a été arrêtée chez elle ce matin et placée en garde-à-vue. Nous demandons sa libération immédiate et dénonçons la campagne d’intimidation du gouvernement ! », a, pour sa part, écrit Révolution permanente, organisation non gouvernementale à but non lucratif sur son site « www.revolutionpermanente.fr ».
« Cette nouvelle arrestation tout à fait scandaleuse s’inscrit dans la répression de tout soutien à la Palestine à l’heure où le génocide se poursuit, et plusieurs mois après un regain du mouvement de solidarité, notamment dans les universités, suite aux bombardements de Rafah. Aujourd’hui, le gouvernement et les institutions poursuivent leur intimidation de toute parole pro-palestinienne », a relaté l’ONG dans un article publié jeudi 5 septembre. « Dans des vidéos qu’elle a filmés sur son téléphone, elle montre des couloirs surpeuplés, du matériel minimal pour des opérations délicates, les cris des enfants soignés au sol et sans anesthésie par manquement de place… « C’est inhumain, même les animaux on ne les soignerait pas comme ça », a détaillé l’ONG, citant I. Maarifi.
Les autorités n’ont pas donné d’explication, ni sur son arrestation ni sur sa libération.