Après l’enquête publiée par Die Welt le 27 janvier dernier sur le système des « Hawala » que le journal allemand prête volontiers à l’Iran, et met en vedette le Hezbollah pour financer, depuis l’Europe, le terrorisme dans le monde, c’est au tour d’i24NEWS d’emprunter la même piste pour dénoncer l’ogre iranien et ses soubresauts déstabilisateurs, y compris aux confins sud de l’Europe, via le Sahel, la jonction étant assurée par les séparatistes du Polisario que l’Algérie accueille. Voilà pour le décorum.
Mais l’habillage parait des plus légers face aux affirmations qui, elles, s’avèrent lourdes. Ainsi, i24NEWS fait état de comptes bancaires en Irlande et en Espagne ainsi que différents réseaux de blanchiment d’argent vers l’Europe, et de liens supposés étroits entre Polisario et Hezbollah. Et pour faire dans le vrai, une vidéo qui montre un responsable de la « Hawala Tirs », qui finance le Polisario, et un homme d’affaires libanais de « Qard El Hassan » (Crédit El Hassan, organisme financier conçu par le Hezbollah, NDLR), a même été diffusée à l’occasion. Le graal pour i24NEWS qui décrypte le modus operandi du Polisario qui, depuis Tindouf en Algérie, a réussi à monter un réseau de blanchiment d’argent illégal basé en Espagne. C’est via « la Hawala » que le transfert informel de fonds est assuré par des courtiers.
Jusque-là, tout peut paraître anodin au regard des accointances que le front séparatiste a pu établir, et de longue date, aussi bien en Espagne qu’en Irlande. Mais pour donner crédit à son récit, i24NEWS fait savoir que son enquêteur en chef a pu avoir accès au rapport d’une agence de renseignement d’un pays occidental rédigé par des enquêteurs financiers, doublé de rapports de la Guardia civile espagnole identifiant le cerveau des opérations comme étant Ahmed Abderrahman qui dispose d’un associé qui répond au nom de Azman Mohamed Mahamedu. Reste à savoir pourquoi ces « prises » ont pu échapper au « filet » des services compétents espagnols.
Et pour couronner le tout, le reportage de Matthias Inbar, présentateur vedette de i24NEWS ne pouvait faire l’économie d’un tour par Tel-Aviv. Lors d’un entretien avec un ex-agent du Mossad, l’espion israélien affirme que le Hezbollah est « une organisation terroriste ». Rien de plus normal puisque jusqu’à présent, ce mouvement de résistance tient la dragée haute à la plus puissante des armées au Moyen Orient. Le diaboliser à outrance depuis Tel-Aviv, et par mimétisme depuis Washington, est chose aisée. Car c’est bien cette résistance-là qui a redonné espoir aux organisations palestiniennes basées à Gaza pour oser, à leur tour, se joindre au concert qui dit « Niet » à la Pax Americana… Gageons que demain, un autre « magazine » de la même télé ira aux mêmes conclusions en tentant de confondre le Hamas, le Jihad islamique avec le Polisario. Et on vous donne le troisième scénario à titre gracieux, le rôle supposé d’un soutien solide au Polisario serait aussi assumé par les rebelles Houthis !
La morale de l’histoire est de savoir faire la part des choses. Ce n’est pas parce que le Mossad et ses multiples tentacules tentent de faire le lien entre le croissant chiite et le Polisario qu’il faut prendre pareilles assertions pour vérités absolues. S’il est vrai que le Hezbollah est l’ennemi juré d’Israël, et vice versa, il est aussi vrai que les montages les plus réussis des renseignements peuvent aussi conduire à des catastrophes. La meilleure preuve est à situer au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU qui garde encore copie de la séance solennelle durant laquelle Colin Powell présentait au monde, sur la foi d’affirmations croisées des diverses agences US, la preuve d’armes de destruction massives détenues par l’Irak. Avec le résultat que l’on sait…
Alors de grâce, évitons d’épiloguer sur les abracadabrantes supputations du Mossad pour aller à l’essentiel. Si le Polisario est aujourd’hui aux abois, ce n’est certainement pas parce que l’affaire des « Hawala » a été éventée. L’action déployée par le Maroc, au long cours, ne fait que le désarmer chaque jour un peu plus. Pour s’en convaincre, on peut faire l’économie du prisme israélien qui fait miroiter aux yeux de toutes les capitales arabes, et d’ailleurs, les dangers de l’Iran et du Hezbollah.