Manille a dévoilé lundi l’emplacement de quatre nouvelles bases militaires que les Philippines avait déjà prévu, en février, de mettre à la disposition des États-Unis sur leur territoire, provoquant l’ire de la Chine. Selon Pékin, le nouvel accord bilatéral autorisant l’accès à Washington de ces quatre nouvelles bases, contre seulement cinq auparavant, est de nature à « mettre en péril la paix et la stabilité régionales ».
« Pour leur propre intérêt », les Américains « renforcent continuellement leur déploiement militaire dans la région », déplore Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Cela ne manquera pas d’aggraver la tension militaire », prévient et même menace la porte-parole de la diplomatie chinoise, qui s’exprimait dans le cadre d’une conférence de presse régulière. Dans le nord des Philippines, les militaires US vont pouvoir accéder à la base navale de Santa Ana, dans la province septentrionale de Cagayan, à environ 400 kilomètres de Taïwan, ainsi qu’à un aéroport et à un camp militaire plus au sud sur l’île de Luzon, permettant des activités à la fois à l’est et à l’ouest du pays. Le quatrième site, qui retient l’attention également, se trouve sur l’archipel de Balabac, au large de la pointe sud de l’île de Palawan, face la Malaisie, à l’intersection entre la mer de Chine méridionale et la mer de Sulu. Les quatre sites sont hautement stratégiques, notamment pour garder un œil sur le trafic maritime, sur et sous l’eau.
Le choix des lieux peut être interprété comme une manière pour les États-Unis de perpétuer « l’endiguement » de la puissance chinoise, de la « contenir » dans ses prétentions et dans son déploiement. « Les pays de la région devraient réfléchir de façon minutieuse à ce qui est vraiment approprié », avertit Mao Ning. « Cela afin de faire des choix qui soient bénéfiques pour leurs intérêts, ainsi que pour la paix et pour la stabilité régionales », ajoute-t-elle, alors que les plans philippins tendent à démontrer que Manille privilégie de nouveau son lien historique avec Washington, quitte à rencontrer des problèmes dans sa relation avec Pékin.
Les Philippines et les États-Unis sont alliés de longue date. Le père de l’actuel président, Ferdinand Marcos, ou Benigno Aquino III, y ont contribué. Les annonces récentes sont la continuation de la politique de ce dernier. Le traité permettant aux soldats US d’accéder à cinq bases, et à y stocker du matériel militaire – désormais à neuf bases, donc –, date de 2014. C’est le Enhanced Defense Cooperation Agreement (EDCA).
Mais Rodrigo Duterte, successeur de M. Aquino et prédécesseur de Ferdinand Marcos Jr, avait recherché un autre équilibre. Il espérait en effet ménager la Chine, dans l’espoir d’améliorer la relation économique. Signe que l’alliance d’antan avec Washington n’est plus aussi naturelle de nos jours, le gouverneur de Cagayan, Manuel Mamba, s’était publiquement opposé à la présence de tels sites dans sa province. Il craint en effet que les investissements chinois, dans le jeu de rétorsions classique observé par la diplomatie de Pékin, soient mis en péril. Ou encore que sa province devienne une cible dans un conflit autour de Taïwan.
Si le conflit latent autour de Taïwan, archipel situé en mer de Chine orientale, fait beaucoup parler actuellement, les Américains souhaitent également garder un œil, manifestement, sur les eaux méridionales aussi. La Chine revendique presque intégralement la mer de Chine du Sud, faisant fi des convictions territoriales des Philippines, ou encore de Brunei, de la Malaisie, du Vietnam, voire presque de l’Indonésie par moments.
En 2016, Manille avait obtenu en justice la reconnaissance de sa Zone économique exclusive, dénonciation des violations régulières de la CNUDM, la Convention des Nations unies pour le droit de la mer, par Pékin. Mais son successeur, élu la même année, n’avait pas trop invoqué cette décision de la justice internationale obtenue à La Haye, préférant s’en servir avec parcimonie dans le cadre de sa relation bilatérale avec la Chine.