L’Espagne et le Maroc aborderont «sous peu» la délimitation des frontières maritimes. Telle est la conviction exprimée par José Manuel Albares, ministre des Affaires étrangères, mardi 25 avril lors d’un point de presse. «Il y a un dialogue interne au sein de l’administration et avec les Marocains pour faire avancer la relation et qu’elle soit mutuellement bénéfique et dans le respect mutuel», a-t-il souligné.
Sur ce même dossier, Angel Víctor Torres, président des Iles Canaries, a indiqué le jour même au Parlement régional que la commission bilatérale hispano-marocaine chargée de la délimitation des espaces maritimes dans la façade atlantique pourrait se réunir «la semaine prochaine», avec la participation de représentants du gouvernement de l’archipel.
Ce groupe de travail est un cadre mis en place par Rabat et Madrid en 2001 et sa première réunion remonte à octobre 2005, après la formation en avril 2004, du gouvernement socialiste dirigé par José Luis Rodriguez Zapatero.
La réactivation de ce groupe figure dans la Déclaration conjointe, publiée au terme des entretiens, du 7 avril à Rabat, entre Pedro Sanchez et le roi Mohammed VI. Une réactivation ayant pour objectif «de réaliser des avancées concrètes», a souhaité le chef du gouvernement dans des déclarations à la presse, à l’issue de sa visite au Maroc.
Sur ce dossier, les Espagnols alimentent le débat alors que la diplomatie marocaine reste peu diserte. Pourtant, si délimitation des frontières maritimes entre les deux royaumes voisins doit avancer sans anicroches, il va de soi que la dynamique devrait concerner les deux façades maritimes, atlantique, mais aussi méditerranéenne. Et sur ce dernier volet, il va sans dire que toute action devrait, en premier lieu, se rapporter au sort des Présides occupés. Si la question relève de celles qui fâchent, il n’en reste pas moins que la sagesse qui préside aux relations hispano-marocaines dicte de ne rien éluder. En d’autres termes, ni Rabat, ni Madrid, n’ont rien à gagner à maintenir dans la zone d’ombre le moindre facteur d’incompréhension qui, cela va sans dire, favorise l’alimentation de la tension.
La carte marocaine
Si le repositionnement de Madrid sur la question du Sahara a sans aucun doute permis aux deux pays voisins de renégocier présent et futur, sous le signe d’une coopération digne du troisième millénaire, rien ne semble plus aller entre Madrid et Alger.
Selon toute vraisemblance, la réponse apportée par le chef de la diplomatie espagnole aux critiques formulées par le président Abdelmadjid Tebboune quant au soutien de Pedro Sanchez au plan marocain d’autonomie au Sahara occidental, a replongé davantage les relations bilatérales dans les méandres de la crise. Côté espagnol, on craint que «les Algériens préparent quelque chose ; et ils le préparent avec soin», laissent entendre des sources au ministère des Affaires étrangères. A Madrid, on est échaudé à l’idée de voir Alger recourir à des méthodes de rétorsion peu orthodoxes, dont la pression migratoire. Cela sans parler de la lancinante question du gaz. «Ils n’ont pas encore dit exactement de combien ils vont augmenter le prix du gaz pour nous. Bien sûr, ils agiront avec prudence, car compliquer l’approvisionnement en gaz de l’Espagne est quelque chose qui leur nuira également», laissent entendre les diplomates espagnols.
En tout cas, Madrid n’ignore pas ce que les décideurs algériens concoctent. Toufik Hakkar, PDG de Sonatrach avait déclaré que «l’Algérie a décidé de maintenir, pour l’ensemble de ses clients, des prix contractuels relativement corrects. Cependant, il n’est pas exclu de procéder à un recalcul des prix avec notre client espagnol». Et le chef de l’Etat algérien qui a lui-même ordonné le rappel de l’ambassadeur algérien à Madrid, est revenu sur le dossier du gaz. En assurant que son pays honorerait ses engagements avec l’Espagne. Reste à savoir en quels termes lorsqu’on sait que l’alternative au Gazoduc Maghreb Europe qui transite par le Maroc ne présente pas de meilleures conditions à l’alimentation du marché espagnol.
Prédictifs, les Espagnols laissent aussi entrevoir que les Algériens pourrait recourir à la carte de l’immigration irrégulière «Les migrants n’entrent pas seulement par Cadix et les Iles Canaries. Ils arrivent également le long de la côte Est de l’Andalousie. Maintenant, les Marocains, contents de tout ce qu’ils ont gagné, resteront encore un peu plus vigilants pendant un certain temps, mais d’autres embarcations arriveront à Almeria… depuis l’Algérie», affirment sous couvert d’anonymat des sources diplomatiques madrilènes.
Tout ce charivari ne doit nullement occulter une question nodale qui replace la question de la délimitation des frontières maritimes, surtout atlantiques, au centre des débats. Sur la foi des résultats des prospections menées au large de Tarfaya, des poches d’hydrocarbures ont été découvertes. Ce qui donne plus de crédit aux thèses qui assurent que les mêmes richesses qui se situent au niveau du Golfe du Mexique ont de très fortes chances d’être retrouvées aussi au large des côtes sahariennes du Maroc. Cela doit nécessairement ouvrir les vannes d’une coopération maroco-espagnole dans le domaine de la prospection des hydrocarbures. Et il faut croire que cette carte-là vaut son pesant d’or… noir. S’y attèlera-t-on à Madrid pour convaincre Rabat de la pertinence d’une offre de coopération « win-win » ? Attendons pour voir…